État d’urgence : la LDH dénonce le flou des perquisitions informatiques

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Droit 4 min
État d’urgence : la LDH dénonce le flou des perquisitions informatiques
Crédits : Xavier Berne

Mercredi, le Conseil d’État examinera une série de contentieux engagés par la Ligue des droits de l’Homme à l’encontre de la promulgation de l’état d’urgence. Nous avons obtenu les détails de cette procédure qui concerne notamment la question des perquisitions informatiques.

La LDH a attaqué devant la haute juridiction administrative des dispositions issues du décret du 14 novembre 2015 et de la circulaire relative aux perquisitions administratives dans le cadre de l’état d’urgence. Surtout, elle a demandé au Conseil d’État de transmettre trois questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel.

Sans entrer dans le détail intégral de l’ensemble des pièces, on retiendra spécialement la QPC relative aux perquisitions administratives, où la question de la perquisition informatique tient bonne place.

Selon la Ligue des droits de l’Homme, en effet, le législateur a « méconnu l’exigence constitutionnelle de contrôle judiciaire des mesures affectant l’inviolabilité du domicile, laquelle est garantie au titre de la liberté individuelle et du droit au respect de la vie privée ». Autre bug, il s’est abstenu « de définir de façon précise les conditions de déclenchement et de mise en oeuvre des perquisitions administratives » tout en oubliant de prévoir « des garanties légales appropriées aux fins d’encadrer ces mesures ». Enfin, il y aurait « une atteinte disproportionnée à ces mêmes droits et libertés. »

Rififi sur les notions de système informatique et d'équipement terminal

Depuis la loi du 24 novembre 2015 prolongeant l’état d’urgence et modernisant la loi de 1955, les autorités ont désormais la possibilité d’accéder « par un système informatique ou un équipement terminal présent sur les lieux où se déroule la perquisition, à des données stockées dans ledit système ou équipement ou dans un autre système informatique ou équipement terminal, dès lors que ces données sont accessibles à partir du système initial ou disponibles pour le système initial ». Les données, stockées ou accessibles, peuvent alors être copiées, mais non saisies (article 11 de la loi de 1955 modifiée).

Seulement, pour la LDH, défendue par le cabinet Spinosi-Sureau, il y a un grand méchant flou : le législateur a oublié de définir les notions de « système informatique » et « équipement terminal » présents sur « les lieux » perquisitionnés. Me Patrice Spinosi considère du coup que ces défaillances permettent aux autorités de procéder à la collecte, l’enregistrement et la communication de données sans les habituelles garanties suffisantes exigées par le Conseil constitutionnel.

Selon les réponses apportées au dossier par le ministère de l’Intérieur, « système informatique » et « équipement terminal » ont été parfaitement définis au fil des débats avec les députés et sénateurs, d’où il puise un inventaire : « les ordinateurs, téléphones mobiles, tablettes ou systèmes de stockage à distance de données informatiques comme le précisent les travaux parlementaires. »

Mais Me Patrice Spinosi conteste : « il est significatif que le ministre tâche de rejeter le grief soulevé par l’exposante à l’aide d’une interprétation constructive du texte législatif en mobilisant les seuls travaux préparatoires ». En clair, le seul fait que la place Beauvau ait à fouiller les travaux parlementaires pour tenter d’apporter un éclairage sur ces notions est symptomatique d'un problème, et du caractère sérieux de la demande de transmission de la QPC. De même, « à supposer même que de telles insuffisances puissent être résorbées via une interprétation constructive des dispositions contestées, une telle démarche relève du seul office du Conseil constitutionnel à qui il est notamment loisible de formuler des réserves d’interprétation. »

Le sort des données copiées lors des perquisitions

Surtout, le même cabinet d’avocat remarque que le ministère de l’Intérieur « reste mutique concernant l’absence totale d’encadrement légal des conditions d’exploitation, de conservation puis de destruction des données collectées, aucun délai n’ayant en particulier été fixé pour ce faire ». Que deviennent en effet les données copiées par les services ?

Ainsi, alors que la loi sur le renseignement a prévu en France des délais précis pour la gestion des données collectées par ses outils, la loi sur l’état d’urgence reste muette sur le sort de celles glanées lors des perquisitions. On sait seulement que « les mesures prises en application de la présente loi cessent d'avoir effet en même temps que prend fin l'état d'urgence » (article 14 de la loi de 1955 modifiée). En est-il de même pour les données collectées ? 

Une telle défaillance avait déjà conduit le Conseil constitutionnel à censurer la partie « surveillance internationale » de la loi sur le renseignement. « Il ne saurait donc en être différemment s’agissant des dispositions litigieuses », conclut Patrice Spinosi.

Pour mémoire, la « QPC » est une procédure permettant de faire examiner un texte qui violerait les droits et libertés reconnus par la Constitution, la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen et les autres textes fondateurs. Elle suppose que le texte litigieux n'a pas déjà fait l'objet d'un examen par les neuf sages, tout en étant adossée à un litige (ici la contestation du décret et de la circulaire), afin d’en constituer le fondement des poursuites. Enfin, la question doit être nouvelle ou présenter un caractère sérieux. C’est le Conseil d’État qui, dans son rôle de filtre, auscultera ces trois critères, ce 13 janvier. 

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