Des milliers de perquisitions, des centaines assignations à résidence, et finalement 4 procédures antiterroristes. Voilà les chiffres de l’état d’urgence.
Selon la synthèse mise en ligne par la commission des lois visant à « un contrôle effectif et permanent de la mise en œuvre de l’état d’urgence », au 7 janvier 2016, 3 021 perquisitions (notamment informatiques) et 381 assignations à résidence ont été décidées en France. Toujours suite aux attentats du Bataclan et à la loi du 20 novembre 2015, 500 armes ont été par ailleurs « découvertes » (dont 400 « saisies » et 200 chez une seule personne) sachant que des perquisitions menées chez des collectionneurs ont pu à elles seules faire exploser ce compteur…
25 infractions en lien avec le terrorisme, dont 21 pour apologie
Avant cette semaine, une information n’avait toutefois jamais été fournie, pas même dans les tableaux de la mission de contrôle parlementaire : c’est celui du nombre d’infractions effectivement en lien avec le terrorisme. Lundi, lors de ses vœux aux forces de sécurité, François Hollande a révélé que l’état d’urgence avait « mis à jour 25 infractions en lien direct avec le terrorisme ». Chiffre à comparer aux 464 infractions constatées par la mission parlementaire.
Le site des Décodeurs, une antenne du Monde, a apporté d’autres précisions utiles : sur ce lot, seules 4 infractions ont donné lieu à des procédures antiterroristes (trois enquêtes préliminaires et une mise en examen). Les 21 autres sont relatives au délit d’apologie du terrorisme, infraction autrefois inscrite dans la loi de 1881, mais basculée depuis dans le Code pénal avec la loi de novembre 2014 contre le terrorisme. Selon nos confrères, ces 21 procédures « s’appuient alors sur les tracts, les documents divers, ou encore sur des posts sur Facebook ou sur des sites de rencontres, découverts lors des fouilles (physiques et informatiques). »
Un ratio expliqué par les critères de la loi sur l'état d'urgence
Ce curieux ratio s’explique facilement (voir À ceux qui diffusent les chiffres de l'état d'urgence). Les textes aujourd’hui en vigueur autorisent désormais assignation et perquisition de toute personne « à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ». Avec une telle entrée, les services ont pu défoncer nombre de portes et perquisitionner quantité d’ordinateurs sans autres solides justifications que celle relative au « comportement » de la personne. En comparaison, la loi de 1955 sur l'état d'urgence, avant sa modification post-attentat, autorisait ces atteintes à la vie privée des seules personnes dont « l'activité s'avère dangereuse pour la sécurité et l'ordre publics. »
Ajoutons que l’expression de « menace pour la sécurité et l’ordre publics » n’est pas absolument liée au terrorisme. Si elle l’inclut, elle va bien au-delà. Ces critères ont ainsi permis à la préfecture du Nord de justifier, un temps durant, un arrêté pour interdire la vente de boisson alcoolisée ou de bouteille en verre entre 20h et 8h du matin…
Consciente de ces fragilités, la France a déjà signalé au Conseil de l'Europe qu’elle dérogerait le temps nécessaire à la Convention européenne des droits de l’Homme. En attendant la fin de l’état d’urgence, programmée pour fin février, l’exécutif prépare déjà un nouveau texte sécuritaire pour donner davantage de pouvoir notamment au Parquet.