Sortir un film uniquement sur Internet, et non plus au cinéma ou en DVD : voilà l'expérience que va tester le cinéaste Larry Clark. Animé d'une profonde animosité envers les producteurs hollywoodiens, l'Américain a annoncé que son prochain film, qui sortira mercredi, sera diffusé uniquement en streaming payant.
Larry Clark est le réalisateur américain de films comme Another Day in Paradise (1998), Bully (2001), Ken Park (2002), ou encore Wassup Rockers (2004). Son dernier film, Marfa Girl, sort d’ailleurs la semaine prochaine. Toutefois, le cinéaste tente une opération qui va à contre-courant des pratiques habituelles. En effet, il va diffuser son film uniquement sur Internet, en streaming. Pas de sortie en salles donc, ni de DVD...
Comme l’explique l’Américain sur son site Internet, le film sera disponible à partir de 18h mardi à New York, soit à minuit à Paris (nuit du mardi 20 au mercredi 21 novembre). En se rendant à l’adresse http://larryclark.com/marfagirl et en s’acquittant d’une somme de 5,99 dollars, soit environ 4,70 euros, l’internaute pourra avoir accès au film pendant 24 heures, dans sa version anglophone (avec possibilité d’avoir des sous-titres français ou italiens).
« Je vais mettre le film sur mon seul et unique site Internet, larryclark.com, qui sera le seul endroit pour le visionner, indique le réalisateur... Il en coûtera 5,99 $ pour avoir accès au film en streaming pendant 24 heures... C’est le futur et le futur c’est maintenant... La plupart des petits cinémas diffusant des films arts et essai ont disparu, et ce sera bientôt le cas de presque tous ces établissements... »
Charge contre les producteurs hollywoodiens
Ce faisant, le cinéaste entreprend une opération contraire à ce qui prévaut habituellement lorsqu’un film sort, à savoir qu’il faut respecter une certaine chronologie des médias afin d’en amortir le coût. Larry Clark n’a néanmoins pas peur de choquer. Il n’a d’ailleurs pas mâché ses mots lors d’une conférence de presse donnée en marge du Festival International du Film de Rome, comme le rapporte Le Monde : « J'ai envie de dire à Hollywood d'aller se faire foutre, a déclaré le réalisateur. Chez les moins de 35 ans, tout le monde regarde les films sur internet. Alors je vois tous ces gens qui pleurent, olala, les films sont menacés, les gens ne viennent plus dans les salles, Internet c'est la fin des haricots... Mais arrêtez! Si tout le monde regarde les films sur son ordinateur, télécharge les séries télé, passe sa vie sur Youtube, si tous les jeunes passent leur temps devant leurs ordinateurs a organiser leurs soirées, draguer les filles, alors allez directement à eux! Proposez-leur les films en ligne ».
Les industriels du cinéma américain en ont en outre pris pour leur grade : « De toute façon, les producteurs sont tous des escrocs. Ils peuvent être drôles, mais ce sont des escrocs. Ils vont vous serrer la main, vous regarder droit dans les yeux, et puis rien. Une poignée de main ne veut rien dire pour eux. Je n'ai jamais touché un sou pour mes films. Je fais les films, et ensuite on ne me paye strictement rien ».
Larry Clark en conférence de presse, le 12 novembre 2012
Chronologie des médias et expérimentations
Restera maintenant à voir quel l’accueil sera réservé à ce film par le public, d'autant plus qu'une sortie unique sur Internet risque de gréver des spectateurs potentiels, ceux n'ayant pas d'ordinateur adapté ou ne sachant pas s'en servir correctement. Toutefois, même s’il n’évoque jamais les éventuels risques de piratage, Larry Clark reste optimiste, expliquant sur son site Internet qu’il pense que cette opération aura « beaucoup de succès ».
Notons enfin qu’un film brésilien a récemment été déprogrammé par une dizaine de salles françaises après que celui-ci ait été diffusé gratuitement en avant-première sur Dailymotion, deux jours avant sa sortie officielle. Même si les petits changements à la chronologie des médias ne semblent apparemment pas au goût de tous les acteurs de la filière, relevons d'autre part que la Commission européenne a lancé il y a quelques semaines un plan qui conduira à la diffusion de films le même jour sur Internet (en VoD), dans les salles de cinéma et à la télévision, et ce dès l'année prochaine.