Si pour Altice le rachat de SuddenLink s'est bien passé, celui de Cablevision pourrait se dérouler un peu plus difficilement. La ville de New York, qui concentre l'essentiel des abonnés de l'opérateur se dit en mesure de pouvoir bloquer un tel rachat si certaines conditions ne sont pas satisfaites, et les investisseurs ne semblent pas très enthousiastes.
Patrick Drahi voulait prendre pied aux États-Unis et sa société, Altice, n'y est pas entrée par la petite porte. Coup sur coup, elle a croqué 70 % du capital de SuddenLink, un câblo-opérateur local comptant 1,4 million d'abonnés et Cablevision, un autre opérateur installé du côté de New York, comptant 3,17 millions de clients. Montant total de l'escapade américaine de la société néerlandaise ? 26,7 milliards de dollars, principalement financés par la colossale dette d'Altice – environ 48 milliards d'euros.
Jusqu'ici tout va bien
Pour le moment, cette aventure outre-Atlantique se passe plutôt bien pour Altice. La FCC, l'équivalent américain de l'ARCEP a ainsi donné son feu vert pour le rachat de SuddenLink, estimant d'une part que « la transaction n'a que peu de chance d'avoir des effets négatifs sur la concurrence » et d'autre part que les promesses d'investissements de Patrick Drahi « pourraient être avantageuses pour le public ».
Pour parvenir à ce résultat, Altice a toutefois quelque peu grossi ses exploits en France avec Numericable. La société a ainsi déclaré aux autorités « qu'après avoir acquis le contrôle de Numericable, un câblo-opérateur européen, en 2013, le réseau en France a été amélioré afin de passer d'un débit de 1 Mbps en 2013 à 100-200 Mbps aujourd'hui ». Une montée en débit bien plus fulgurante que celle observée dans les faits par le gendarme français des télécoms. Interrogée par nos soins la semaine dernière sur cette question, la direction d'Altice est restée muette.
New York ne mange pas de ce pain là
Concernant le rachat de Cablevision, la FCC n'est pas le seul organisme qui doit donner son feu vert. La ville de New York a également son mot à dire sur la question et justement, dans un entretien accordé au Wall Street Journal, Maya Miley, la responsable juridique de la mairie estime qu'elle est en mesure de geler cette acquisition si besoin est.
« Altice parle d'environ 900 millions de dollars de synergies. Soit, mais qu'est-ce qui va en pâtir ? Comment cela va toucher l'économie new-yorkaise et la qualité des services ? », s'interroge l'avocate, avant d'assurer que « nous n'avons certainement pas peur de désapprouver une transaction ». Elle estime en effet que le contrat de franchise que Cablevision a signé avec la municipalité lui permet d'approuver ou non ce type de rachat à partir du moment où une contrepartie en cash est prévue dans la transaction, ce qui est le cas ici.
Si de son côté, Altice affirme avoir un historique en sa faveur concernant les investissements, la municipalité elle, s'inquiète du passif de la société de Patrick Drahi en matière de coupes budgétaires, notamment au niveau de l'emploi. On se souviendra aussi que Numericable et SFR ont récemment été épinglées par la DGCCRF en raison de multiples retards de paiements auprès de leurs fournisseurs. Il est donc fort probable que New York réclame certaines contreparties dans ces domaines-là, en échange de son feu vert.
Des investisseurs plutôt sceptiques
En bourse, cela ne va pas très fort pour Cablevision. Alors que l'offre d'Altice prévoit de racheter chaque action au prix de 34,90 dollars, l'entreprise ne côte aujourd'hui qu'à 31,71 dollars. Elle n'a d'ailleurs jamais dépassé les 33,28 dollars depuis l'annonce du rachat, ce qui est assez inhabituel dans pareil cas.
Les investisseurs craignent en effet que la transaction n'aboutisse pas à cause des barrages dressés par « The Big Apple », ou bien que les contreparties réclamées à l'opérateur soient si conséquentes qu'elles ne rendront pas la transaction aussi intéressante qu'escomptée. Enfin, la solidité d'Altice est également une source d'inquiétudes, sa dette de 48 milliards d'euros n'étant rien d'autre qu'une énorme épée de Damoclès.