Alors que notre espace en ligne apparait de plus en plus pollué par la publicité, les trackers et bien d'autres pratiques pas toujours très avouables, l'IAB vient de publier un état des lieux du marché et des différents cas de fraude outre-Atlantique.
Difficile d'échapper à la publicité lorsque l'on surfe sur la toile. Elle est au cœur du modèle économique de bon nombre d'acteurs, elle s'est invitée un peu partout sur les sites et sous diverses formes, plus ou moins visibles.
Les contenus sponsorisés (pas toujours indiqués comme tels en dépit de la loi) semblent de plus en plus présents, pendant que les discrets trackers et cookies scrutent nos moindres faits et geste pour permettre à des sociétés d'essayer de nous faire des suggestions toujours plus ciblées... quitte à être parfois un brin intrusives.
15 milliards de dollars pour la pub en ligne aux États-Unis au dernier trimestre
Et pourtant, malgré les réticences d'une frange du public et la montée en puissance des bloqueurs, les revenus issus de la publicité en ligne continuent de croître. Selon l'IAB et le cabinet d'audit PwC, sur le seul territoire américain, le marché représentait 15 milliards de dollars, sur le seul dernier trimestre.
Cela représente une hausse de 5 % par rapport au trimestre précédent où il n'était question que de 14,2 milliards, et 23 % de mieux qu'un an plus tôt à la même période (12,2 milliards de dollars). « Cet état des lieux confirme la confiance qu'ont les annonceurs dans l'utilisation du numérique pour atteindre les consommateurs » indique l'IAB.

Les revenus publicitaires issus des plateformes mobiles comptent pour 30 % du total sur la première moitié de 2015, une part en hausse par rapport à 2014. 52 % de ces revenus proviennent du « display » c'est à dire de l'affichage classique de publicités via des bannières, des pavés ou de la vidéo et 44 % des moteurs de recherche. Les autres modèles se partagent les miettes.
D'ailleurs, lorsque l'on cumule les revenus issus du marché fixe et des terminaux mobiles, les moteurs de recherche ont absorbé 13,7 milliards de dollars, exactement 50 % des 27,5 milliards de dollars cumulés par le marché publicitaire en ligne aux États-Unis sur la période. Les contenus sponsorisés qui ont pourtant le vent en poupe en ce moment ne représentent encore qu'une part marginale du marché, avec environ 350 millions de dollars sur six mois, soit 1,3 % du total.
Les bloqueurs sont loin d'être le seul problème du marché publicitaire
Mais malgré ces chiffres, le secteur est sous pression. Ces dernières années, l'IAB s'inquiète de plus en plus de la question de la fraude. Dans un rapport publié en novembre dernier l'organisation s'est intéressée plus spécifiquement à cette question. Selon ses estimations, elle représenterait un impact de l'ordre de 8,2 milliards de dollars par an rien qu'aux États-Unis, une part non négligeable du marché.
Dans la fraude l'IAB intègre de nombreux éléments qui ne sont pas toujours de même nature. Il est ainsi question de celle opérée du côté des agences ou des sites diffusant les publicités de différentes manières, mais pas du blocage des publicités opéré par les internautes.
Dans le collimateur de l'IAB le principal suspect est la « génération de trafic invalide ». Car certains sites font croire aux annonceurs qu'une publicité a été affichée, alors que ce n'est pas le cas. Parmi les mauvaises pratiques recensées dans cette catégorie, le rafraichissement automatique des pages, le maquillage des robots des moteurs de recherche en visiteurs classiques, ou encore le masquage des publicités sous une iframe ou d'autres publicités.
En partant sur un prix d'environ 11 dollars CPM en display et de 21 dollars pour les publicités audio et vidéo, l'IAB est parvenue à un total de 4,4 milliards de dollars facturés frauduleusement aux annonceurs. Fort de ce constat, Randall Rothenberg, son PDG, clame que « l'industrie de la publicité numérique doit arrêter de coucher sans se protéger ». L'ambiance est au beau fixe.
On retrouve néanmoins ce discours du côté des annonceurs. Le Directeur Général de l'Union Des Annonceurs (UDA), Pierre-Jean Bozo, évoque souvent en France la question de la faible qualité de la publicité en ligne qui explique tout aussi bien les tarifs faible que le mécontentement des internautes.
De son côté, l'IAB a d'ailleurs encore récemment rappellé que ses recommandations existent pour éviter ce genre de problème, mais se refuse à endosser le rôle du gendarme d'un marché qui en aurait sans doute bien besoin.
9 milliards de dollars perdus chaque année avec le blocage publicitaire selon l'IAB
Selon les mesures de l'IAB, les bloqueurs de publicité ne sont pas encore présents de manière forte dans les foyers américains. L'organisation estime ainsi que seulement 15,4 % des internautes bloquent les publicités en ligne en moyenne.
Au total, cela représenterait un manque à gagner de 9 milliards de dollars selon ses estimations. Un montant équivalent de celui invoqué pour les fraudes côté des régies et des éditeurs. Pour parvenir à ce chiffre, l'IAB a estimé à 209 dollars les revenus publicitaires générés en un an par un internaute aux États-Unis, bien que rien ne permet d'affirmer que ces revenus auraient été générés si la publicité n'avait pas été bloquée...
Cela ne devrait pas empêcher au marché de la publicité en ligne de franchir la barre des 50 milliards de dollars outre-Atlantique cette année. Mais si l'IAB tient, comme dans le titre de son prochain colloque annuel viser « les 50 milliards suivants » il faudra sans doute s'attaquer à ces différentes problématiques sur le fond et de manière active.
L'initiative L.E.A.N. est pour le moment évoquée, mais de manière assez peu précise. Et pour la lutte contre la fraude, elle prendra sans doute du temps si, comme le disait Pierre-Jean Bozo en octobre, personne ne « prend le taureau par les cornes ».