En juillet dernier, la Commission européenne ouvrait deux enquêtes formelles visant Qualcomm, au sujet d'un éventuel abus de position dominante sur les marchés des chipsets mobiles pour la 3G et la 4G. Au cœur de cette enquête, on retrouve Icera, l'ancienne filiale de NVIDIA spécialisée dans ces produits.
Cela fait cinq mois que la Commission européenne s'intéresse au cas de Qualcomm. Le géant américain des semi-conducteurs fait face à divers démêlés avec les autorités de la concurrence dans le monde entier. Dernier litige en date : une affaire de vente liée en Chine qui lui a valu une amende record de 975 millions de dollars. À peine de quoi diviser par deux son bénéfice net pendant un trimestre. Qualcomm a payé son dû rubis sur l'ongle et s'est également engagé à fournir ses licences à des tarifs moins élevés à ses clients chinois.
Icera refait surface post-mortem
Après cinq mois d'enquête, la Commission européenne vient de rendre les conclusions préliminaires de son enquête. Dans un communiqué elle estime que « l'entreprise productrice de chipsets aurait versé illégalement des sommes à un client important pour utiliser exclusivement ses chipsets et aurait vendu des chipsets à des prix inférieurs aux coûts dans le but d'évincer son concurrent Icera du marché, ce qui pourrait constituer une violation des règles de l'UE en matière d'abus de position dominante ». Et la Commission n'aime pas ça du tout.
Il est assez surprenant de voir le nom d'Icera remonter à la surface dans cette affaire. Il s'agit pour rappel d'une ancienne filiale de NVIDIA, rachetée en 2011 pour plus de 360 millions de dollars, spécialisée dans les modems 2G/3G/4G pour les terminaux mobiles. Ancienne, car celle-ci a été définitivement fermée il y a quelques mois, mettant sur le carreau 500 employés, dont 120 en France du côté de Sophia Antipolis. La marque au caméléon a certainement mal vécu de voir un concurrent tenter de l'évincer avec des pratiques qu'il suppose déloyales et cherche donc à faire valoir ses droits.
Plusieurs gros clients auraient profité des largesses de Qualcomm
La Commission a formulé deux griefs à l'encontre de Qualcomm. Le premier concerne des paiements dits « d'exclusivité ». Selon les autorités, « Qualcomm a versé, depuis 2011, des sommes considérables à un important fabricant des smartphones et tablettes à la condition que cette dernière utilise exclusivement des chipsets de bande de base Qualcomm dans ses smartphones et tablettes ». Un accord qui concerne la fourniture de puces UMTS (3G) et LTE (4G) et qui court encore aujourd'hui entre les deux parties.
Le deuxième concerne une « stratégie de prix d'éviction » mise en œuvre par Qualcomm. En d'autres termes, le fabricant aurait vendu des puces à perte, dans le seul but de faire barrage à Icera « à un moment où Icera offrait des performances de haut niveau en matière de flux de données et constituait dès lors une menace croissante pour Qualcomm sur le segment de pointe du marché ». La Commission estime à titre préliminaire que Qualcomm aurait réagi de la sorte avec deux clients différents.
La société a entre trois et quatre mois pour répondre aux deux griefs des autorités européennes. En 2009, Intel était déjà tombée pour une affaire similaire et avait été condamnée à une amende de 1,06 milliard d'euros, correspondant à 4,15 % de son chiffre d'affaires. En théorie, la sanction peut atteindre 10 % des revenus annuels de l'entreprise dans l'Union européenne. Pour Qualcomm, la facture pourrait donc se chiffrer en centaines de millions d'euros.