Le Parisien est le premier à participer à l'arrivée des Instant articles de Facebook en France. Son avis était donc attendu sur la question. Et lors d'une conférence tenue à l'école de journalisme de Sciences Po, son Directeur marketing « Digital » n'a manifestement pas cherché à cacher sa déception.
Hier, l'école de journalisme de Sciences Po organisait sa conférence annuelle sur les « nouvelles pratiques du journalisme » en partenariat avec l'école de journalisme de Columbia et Google. L'occasion de discuter de sujets divers sur un métier en pleine mutation, des innovations d'un groupe comme Vox Media à la question de l'audience en passant par l'avenir des chaînes d'info en continu ou la question des « usines à clics ».
Mais c'est à la fin de la journée qu'une conférence sur les algorithmes de l'information aura marqué les esprits. Non pas pour son sujet initial mais plutôt en raison des propos tenus par l'un de ses participants : Guillaume Bournizien, Directeur marketing « Digital » pour le journal Le Parisien.
Instant articles est efficace, mais...
Car plutôt que des algorithmes, de l'effet de leur usage sur l'information et sa hiérarchisation, il aura rapidement été question de celui de Facebook. Une manière détournée d'évoquer un sujet qui concerne directement le quotidien récemment racheté par LVMH puisqu'il est partenaire privilégié du réseau social dans le cadre de l'arrivée en France des Instant articles.
Après une déception des éditeurs américains, notamment en raison de la monétisation et des règles imposées (voir notre analyse), tout le monde voulait ainsi savoir quelle était la position d'un acteur français ayant sauté le pas il y a près de deux semaines. Et là aussi, c'est surtout la déception qui semble au rendez-vous.
Tout n'est pas noir pour Guillaume Bournizien qui reconnait que « les articles se consultent bien plus vite, mécaniquement on fait plus de vues [...] vu que l'interface est assez épurée, la plupart lisent l'intégralité de l'article, alors que sur le site mobile du Parisien, ce n'est pas toujours le cas ». Une meilleure efficacité, donc, mais qui n'est pas sans contreparties.
Facebook garde trop de données et met trop peu en avant ses Instant articles
Comme toujours, il est question du lien brisé entre le média et ses lecteurs, qui restent dans le giron de Facebook, alors que ce dernier garde pour lui la majorité des données, laissant seulement filtrer quelques mesures : « Aujourd'hui une des problématiques que l'on a, c'est que l'on ne récupère pas l'audience qui reste sur Facebook. Pour nous en tant que site média, ça reste un frein. Après on a quelques datas que l'on peut exploiter. Facebook nous donne trois infos : le nombre de vues, le temps passé et le nombre de personnes qui vont scroller dans l'article. »
L'autre point négatif semble résider dans la mise en avant des contenus estampillés Instant articles, et leur visibilité en tant que telle. Pour le moment, Facebook ne semble pas opérer une remontée suffisante de ces articles dans le flux des utilisateurs au goût du Parisien, qui se dit donc assez déçu : « On espérait que Facebook pousse un peu cette fonctionnalité-là. [...] Ce n'est pas non plus très visible, on voit un petit éclair sur les images mais ça n'incite pas les gens à cliquer et Facebook, en tous cas aujourd'hui, ne pousse pas cette fonctionnalité-là. »
Le Parisien pourrait stopper l'expérience « rapidement »
Pour le moment, Le Parisien a décidé de monétiser ces contenus à travers sa propre régie plutôt que via celle de Facebook, et indique qu'il va regarder les revenus générés ainsi que les évolutions proposées par le réseau social, notamment suite à ses remontées. Mais une décision ferme pourrait être prise : « On ne s'est pas forcément donné de date parce qu'on peut se retirer quand on veut. Je pense qu'il faudra compter au moins deux mois. On va voir ce qu'ils en pensent et s'ils vont modifier des choses ou pas. Tout dépend comment ça évolue. Si ça n'évolue pas j'ai peur qu'on s'arrête rapidement. »
Reste donc à voir si Facebook sera à l'écoute, et surtout comment vont réagir les autres acteurs qui ont d'ores et déjà décidé de rentrer dans la danse. C'est ici l'image du réseau social vis-à-vis du traitement de l'actualité dont il est question, un sujet important pour ses équipes, notamment avec l'arrivée d'acteurs sur le marché de la distribution numérique, d'Apple News à Blendle en passant par la pléthore de solutions qui commencent à émerger.
Mais une chose est sûre, même lorsqu'elle est conciliante et prête à participer à des expérimentations, la presse française ne compte pas se laisser convaincre si facilement.