Lors d’une table ronde organisée par la Commission de la Culture au Sénat, la SACEM a plaidé pour l’extension de la redevance copie privée sur le cloud. Son espoir ? Que les sénateurs portent un amendement en ce sens, dans le projet de loi Création.
« L’état de la technique nous conduit obligatoirement (…) à appréhender sur le plan juridique les nouveaux services de cloud computing ». Voilà les propos martelés hier par David El Sayegh, le secrétaire général de la SACEM.
En quête d’une solution « pragmatique », dénonçant un « décalage » entre la technique qui évolue et le juridique qui stagne, le représentant de cette société de perception a pris un exemple. Celui d’une plateforme de téléchargement qui offre la capacité d’avoir des copies subséquentes d’un titre préalablement acheté dans ses rayons : « si vous perdez votre iPad ou votre portable, c’est dommage de perdre toute votre discothèque que vous avez pu stocker sur vos différents réceptacles » concède-t-il, avant de considérer que ces copies de confort « relèvent de la copie privée ». Et doivent donc être assujetties à redevance. « Le temps est [donc] venu d’appréhender ces phénomènes. Le Sénat, dans sa sagesse, doit absolument légiférer ». Et le même représentant d'insister : « on a besoin de cette clarification », « si vous ne le faites pas, la technologie va vous rattraper, tout comme la jurisprudence de la CJUE », etc.
Cette « clarification » sera source d'une belle pluie d'euros depuis les nuages, mais également de soucis pour les services français si le dispositif épargne les acteurs étrangers. Le problème à ce jour est que le Code de la propriété intellectuelle n’est calibré que sur les « supports », non les espaces de stockages non tangibles.
L'amendement Rogemont, objet de toutes les attentions de la SACEM
Pour mieux guider les sénateurs sur la voie de la sagesse - l’assujettissement de pans entiers d’Internet - le secrétaire général de la SACEM a pris pour modèle l’amendement porté par le député Marcel Rogemont, lui-même très inspiré des travaux de Pierre Lescure, lui-même très inspiré de ceux menés au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistiques, là où la SACEM a plusieurs représentants.
Dans ce fameux amendement Rogemont, présenté lors du débat sur le projet de loi Création, trois séries de « cloud » devaient être assujettis : le service en ligne qui fournit à une personne physique « sur ses terminaux personnels une ou plusieurs reproductions d’une œuvre qu’elle a acquise au préalable auprès dudit service », les espaces de stockages classiques, qui permettent à un utilisateur « aux fins d’accès à distance ou sur ses terminaux personnels, de réaliser une ou plusieurs reproductions d’une œuvre qu’elle détient au préalable ». Enfin, les magnétoscopes en ligne proposés par ceux qui diffusent des contenus audiovisuels (notamment les FAI).
Si la SACEM redouble d’effort pour frapper le cloud, c’est aussi parce que l’amendement Rogemont a été pulvérisé à l’Assemblée nationale. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles, l’a poliment relégué à un amendement « d’appel » considérant que la réflexion n’était pas encore assez aboutie. Position finalement suivie par Fleur Pellerin qui, faute de mieux, s’est contentée de programmer une future étude sur le thème.