Le gouvernement continue à distiller les chiffres de la loi sur l’état d’urgence. Il envisage dans le même temps de proroger une nouvelle fois cette situation exceptionnelle. Dans la société civile, la gronde est désormais plus bruyante.
Selon les derniers relevés donnés ce matin sur l’antenne d’Europe 1 par Manuel Valls, plus de 2 000 perquisitions administratives ont été menées depuis le 14 novembre. Elles ont permis de saisir près de 320 armes, « dont une trentaine de guerre ». Enfin, 250 procédures judiciaires ont été initiées et 210 personnes placées en garde à vue. Pour le Premier ministre, « cela prouve bien que ces perquisitions ne sont pas dues au hasard et qu’elles permettent d’étayer des soupçons objectifs. »
Le Monde, puisant les chiffres du ministère de l’Intérieur, a donné plus de détails. Ainsi, dans le lot, il y a eu 317 personnes gardées à vue suite à la manifestation contre la COP21 à Paris et 24 militants écologistes ont par ailleurs été assignés à résidence.
Des chiffres et des lettres
Seulement, à ce niveau de précision, ce classement très anxiogène ne révèle pas nécessairement l’exacte réalité des faits. Comme expliqué de long en large, la loi sur l’état d’urgence a très largement revu le périmètre d’action des autorités administratives.
Désormais, elles peuvent procéder à des perquisitions informatiques, mais elles peuvent surtout assigner et perquisitionner nettement plus facilement. Le texte fondateur de 1955 visait les activités avérées « dangereuses pour la sécurité et l’ordre public ». Sa nouvelle mouture révisée par la loi de 2015 autorise maintenant perquisition ou assignation administrative de toute personne « à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ».
Dans tous les cas, il n'y a pas de lien absolu entre terrorisme et état d’urgence, comme pourrait le croire une bonne partie de la population. Ceci explique comment plusieurs collectionneurs d’armes ont été alpagués ces derniers jours, faisant virevolter les chiffres de saisie à la hausse (à Montargis, à Villeurbanne, en Alsace, ou dans l’Orne)...
L’état d’urgence pourrait être prorogé une nouvelle fois
Comme Bernard Cazeneuve, le premier ministre n’a pas écarté la possibilité de proroger une nouvelle fois cette situation exceptionnelle où les droits et libertés sont mis entre parenthèses, déjà sur l’autel de la Convention européenne des droits de l’Homme.
Cette situation inquiète. La Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme (FIDH), la Ligue des droits de l’Homme (LDH), l’Union juive française pour la paix (UJFP), et des dizaines d’autres organisations ont signé un texte commun où elles rappellent que « rien ne doit nous faire sortir de l’Etat de droit et nous priver de nos libertés. L’état d’urgence ne peut devenir un état permanent et les conditions de sa mise en œuvre ne sauraient entraver la démocratie sociale, l’exercice de la citoyenneté et le débat public. »