Passés sans difficulté le cap du Parlement puis du Conseil constitutionnel, la loi sur la surveillance internationale vient ce matin d’être publiée au Journal officiel.
Ce texte n’avait pas suscité la vague de contestation de son ainée, la loi sur le renseignement. Pareillement, on n’a pas assisté à une pluie de mémoires au Conseil constitutionnel suite à la saisine par 60 sénateurs LR. Pourtant, cette loi toute fraîche concentre en son sein l’arsenal de la surveillance.
La vraie loi sur le renseignement
D’une certaine manière, on peut même la considérer comme la véritable loi sur le renseignement, compte tenu des critères géographiques retenus. Pour mémoire (voir nos explications), si la loi sur le renseignement prime pour les échanges franco-français, la loi sur la surveillance internationale prend le pas dès lors qu’une communication est émise ou reçue à l’étranger. Du coup, si un flux Internet passe par le biais d’une adresse IP étrangère, par exemple un échange noué entre deux Français sur Twitter, Facebook, Gmail, etc., c’est ce deuxième texte qui devrait l’emporter.
D’ailleurs, le gouvernement n’envisage pas ce cas comme une hypothèse d’école puisque cette loi, qu’il a co-rédigé, a déjà prévu le cas où les services de renseignement se rendraient compte qu’un échange, en façade international, serait en réalité noué pour deux personnes installées en France. Il est alors prévu une destruction immédiate des renseignements collectés. Et lorsque l’échange est finalement mixte car passé entre une personne en France et une personne à l’étranger, la partie française sera soumise au règne de la loi sur le renseignement.
Un formalisme et donc des garanties en retrait
Mais qu’implique cet aiguillage entre la loi sur le renseignement et celle sur la surveillance ? Il y a d’abord une différence de forme notable. Si en France, les services doivent impérativement recueillir l’avis a priori de la Commission de contrôle des techniques du renseignement, ce préalable saute à l’échelle internationale. Les services ont du coup un champ beaucoup plus libre, la CNCTR n’intervenant qu’a posteriori même donc face à une communication mixte.
De même, les hypothèses de la saisine d’une formation spéciale du Conseil d’État sont amenuisées, puisque les justiciables doivent impérativement passer par le biais de la CNTR. Autre chose, les fameuses boîtes noires concentrées sur le seul terrorisme avec la loi sur le renseignement sont ouvertes à toutes les larges finalités dans la loi sur la surveillance internationale. Sur ce terrain, on pourra d’ailleurs comparer le contrôle exercé par le Conseil constitutionnel visant le traitement algorithmique basé en France et celui vissé sur les échanges dits internationaux :
L'analyse des boites noires par le Conseil constitutionnel,
à gauche version Loi Renseignement, à droite, version Loi sur la Surveillance internationale
Pour le gouvernement, l'allègement du formalisme se justifie en ce que « les mesures de surveillance des communications électroniques internationales répondent à une triple spécificité, technique, opérationnelle et juridique ». Par définition, « ces mesures, qui concernent des cibles échappant à la juridiction de la France, ne reposent pas sur des réquisitions légales à l'égard des opérateurs auprès desquels ces cibles de la surveillance sont abonnées ». De plus, « ces mesures de surveillance ne portent pas nécessairement sur des cibles individuelles précisément identifiées, ce qui est le cas sur le territoire national. Elles portent fréquemment sur des objets collectifs (zones géographiques, organisations, groupes) ». Enfin, « les exigences liées à l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ne peuvent être les mêmes pour une personne résidant sur le territoire de la République et pour une personne résidant à l'étranger ».
Sur le terrain de l’étendard des libertés reconnues sur notre territoire, rappelons que la France a demandé de déroger à celles reconnues par la Convention européenne des droits de l’Homme suite à l’état d’urgence consécutif aux attentats du 13 novembre.