BlackBerry a décidé de quitter le Pakistan. Un retrait complet, qui fait suite à un ultimatum lancé par le pays en juillet dernier. Les services locaux de renseignement souhaitaient tout bonnement avoir accès aux informations chiffrées circulant dans certains services de l’entreprise.
En juillet dernier, le Pakistan a lancé un ultimatum à BlackBerry : ou bien la société canadienne laissait la Pakistan Telecommunications Authority (PTA) accéder au contenu des communications sur plusieurs de ses services, ou ces derniers devaient être clôturés. Le constructeur n’avait pas réagi depuis, mais c’est désormais chose faite.
« Nous n'acceptons pas les portes dérobées »
La décision annoncée est pour le moins radicale : BlackBerry va quitter le Pakistan de manière complète. Pas question donc de fermer certains services puisque toutes les structures, points de ventes, services de messagerie et support vont partir. Puisque l’entreprise avait jusqu’au 30 novembre – soit aujourd’hui – pour se mettre en conformité avec la PTA, le retrait des activités commencera dès demain.
Marty Beard, directeur de l’exploitation, explique ainsi sur le blog officiel de BlackBerry : « La vérité est que le gouvernement pakistanais voulait la capacité de surveiller tout le trafic de BlackBerry Enterprise Service dans le pays, dont les emails sur BES et les messages sur BBM. Mais BlackBerry ne se pliera pas à ce genre de directive. Comme nous l’avons répété à de nombreuses reprises, nous n'acceptons pas les portes dérobées qui donnent accès aux informations des clients, et nous ne l’avons jamais fait nulle part ailleurs ».
« La demande du Pakistan n’avait rien à voir avec la sécurité publique »
La requête présentée par la PTA indiquait à l’époque qu’il s’agissait d’un problème de sécurité. L’explication est la même à chaque fois et les évènements récents mettent encore une fois la question du juste placement du curseur concernant la ligne qui sépare respect de la vie privée et sécurité publique. Mais pour Beard, BlackBerry n’est pas dupe : « La demande du Pakistan n’avait rien à voir avec la sécurité publique. Nous sommes plus qu’heureux d’assister les forces de l’ordre dans les enquêtes criminelles. Mais au lieu de ça, le Pakistan demandait surtout un accès libre aux informations de tous nos clients BES. La vie privée de nos clients est une priorité pour BlackBerry, et nous ne compromettrons pas ce principe ».
En fait, la réaction de BlackBerry n’est guère surprenante. L’entreprise a subi une chute titanesque de ses parts de marché dans le monde des smartphones ces dernières années et elle n’est plus que l’ombre d’elle-même. Or, alors qu’elle vient de lancer son premier smartphone Android, le Priv, son orientation marketing est particulièrement claire : la sécurité avant tout. Tout la communication du constructeur est désormais orientée sur ce point et BlackBerry se pose en champion du respect de la vie privée.
L’entreprise ne manque d’ailleurs pas d’arguments sur le terrain de la sécurité, ayant notamment réagi à l’époque des premières révélations d’Edward Snowden pour indiquer que ses services n’étaient pas soumis aux demandes de la NSA. Pourtant, des documents montraient que les défenses dressées avaient été percées.
Renforcer le message sur la sécurité des données
Ce qui explique sans doute la décision radicale de l’entreprise de quitter complètement le Pakistan. Radicale, parce qu’il n’avait pas été demandé à BlackBerry de fournir des accès libres à l’ensemble de ses services, ce qui comprenait donc tout ce qui touche au grand public. Mais la société fait ici d’une pierre deux coups : elle envoie un message très clair (elle ne transige pas avec la sécurité), et elle évite d’investir trop d’énergie dans un marché qui n’est sans doute pas prioritaire, malgré les 180 millions d’âmes que compte le Pakistan.
Le fait de quitter le pays ne peut donc que renforcer le message du constructeur : il préfère partir plutôt que de transiger. Avec une telle décision, il ne peut qu’obtenir des messages d’approbation. Et comme si la position de l’entreprise n’était pas assez claire, Marty Beard insiste : « L’objectif de BlackBerry reste de protéger les communications professionnelles, gouvernementales et militaires à travers le monde, y compris en Asie du Sud et au Moyen-Orient, partout où nos technologies fonctionnent. Bien que la demande du gouvernement pakistanais n’ait visé que nos serveurs BES, nous avons décidé de quitter entièrement ce marché, puisque la requête du Pakistan pour un accès complet […] ne nous a laissé d’autre choix que de quitter le pays ».
Après un tel départ, il sera particulièrement intéressant de vérifier si BlackBerry garde la même ligne de conduite si d’autres marchés plus importants venaient à être touchés par des demandes similaires.