En marge de la conférence de presse de la Hadopi mercredi, Marie-Françoise Marais, présidente du collège, a bien voulu répondre à certaines de nos questions.
Que pensez-vous de la proposition de Xavier Bertrand (notre actualité) qui viserait à transformer Hadopi en une autorité luttant contre le djihadisme…
Si l’État les interpelle, toutes les institutions, quelles qu’elles soient, doivent effectivement répondre qu’elles sont prêtes à l’aider. Maintenant, quand on regarde les moyens d’Hadopi, je ne pense pas qu’ils soient adaptés à la lutte contre le terrorisme. Si on veut nous transformer, pas de problème, mais à droit constant, je pense que la discussion devient presque indécente.
Un autre sujet qui semble indécent, car non évoqué, c’est celui d’Éric Walter…
Pas de commentaire, même en rêve ! Des procédures sont en cours, elles se suivent, je ne me prononcerai pas là-dessus.
Dans un mois, vous allez fermer définitivement la porte de votre bureau. Quelles sont vos plus grandes satisfactions, regrets ou vos plus grandes erreurs... ?
Il y a forcément des erreurs. Vous me donneriez les clefs de Hadopi, sans qu’existe quoi que ce soit, avec l’expérience que j’ai pu acquérir ces 6 années, il est certain que je ne ferais pas du tout la même chose.
Des grands regrets ? Je n’ai pas de regrets. Dans toute ma carrière, mon seul souci a été de mettre ma force au service de ce qu’on me demandait de faire. On me demande une mission, j’essaye de le faire au mieux de mes facultés, qui sont nécessairement limitées. C’est une expérience à vivre, très dure à vivre, car cela n’a pas été un long fleuve tranquille. J’ai rencontré des gens qui ont été motivés, qui voulaient faire des choses, se heurtant à des murs de béton. Le monde n’est pas aussi rose qu’on le pense... mais pas aussi noir qu’on le dit.
Et que ce serait-il passé si on vous avait transmis les clefs législatives d’Hadopi ?
Je crois que je ne les aurais pas prises (éclat de rire).
Je vous les glisse dans la poche…
L’action du législateur est extrêmement difficile. Il n’a pas toutes les données exactes, est sur un terrain mouvant, qui change, qui bouge. Déjà, le progrès a été de concevoir qu’une autorité administrative dite indépendante puisse faire quelque chose de souple.
La loi est figée à un moment donné, ce que le législateur pouvait prévoir en toute sincérité, est vite dépassé dans ce monde du numérique, complètement obsolète au bout de plusieurs années.
Donc, un outil souple, qui puisse s’adapter à des situations complexes, les mains dans le terreau, sans avoir trop de contraintes rigides, je trouve que ce n’est pas une mauvaise idée. Le droit souple a aussi ses inconvénients, c’est la sécurité. On a besoin d’une certaine sécurité, voilà pourquoi la loi doit encadrer. Ne me demandez pas d’être législateur, c’est une mission extraordinaire et très difficile.
Lors de la conférence (notre actualité), vous avez montré une certaine prudence sur l’amende administrative...
J’ai besoin d’une expertise très approfondie, d’une réflexion sur l’amende administrative. Je ne dis pas qu’elle ne peut pas avoir lieu, mais si la négligence caractérisée ne reposait que sur un seul fait, simple à établir, cela pourrait être facile. Là c’est quelque chose de complexe qui se développe dans le temps. Je ne la jette pas au panier, je n’ai pas la réaction de Mireille Imbert-Quaretta qui dit que ce n’est pas possible, je dis que c’est très compliqué, mérite réflexion avant de l’instaurer rapidement dans la pratique parce qu’il faut en voir les limites. On ne peut pas faire trop vite n’importe comment.