Le Conseil constitutionnel vient de valider tous les articles de la loi sur la surveillance des communications internationales qui avaient été pointés par les sénateurs LR. C’est un succès pour le gouvernement qui pouvait craindre des restrictions juridiques dans ses capacités de surveillance technique.
Les neuf sages ont ausculté la loi déférée par les sénateurs LR, sans rien trouver à redire ou presque aux articles en cause. Ils ont d’abord considéré que les outils ciblant les échanges internationaux relèvent de la police administrative. En conséquence, un tel recueil d’informations « ne peut donc avoir d’autre but que de préserver l’ordre public et de prévenir les infractions ». Sous un autre angle, « il ne peut être mis en œuvre pour constater des infractions à la loi pénale, en rassembler les preuves ou en rechercher les auteurs. »
Surtout, alors que les mécanismes de captation des données de connexion ou d’interception peuvent être déployés au profit de vastes finalités (celles prévues par la loi sur le renseignement), le Conseil constitutionnel applaudit le législateur pour avoir « précisément circonscrit les finalités permettant de recourir au régime d’autorisation des mesures de surveillance des communications émises ou reçues à l’étranger ».
Il n’y a donc aucune inadéquation particulière, pas plus qu’il n’y a de problème avec d’autres dispositions qui autorisent, toutes, une surveillance décidée par le seul pouvoir exécutif, sans passer par l’intermédiaire de la Commission nationale de contrôle des techniques du renseignement. Pas de contrôle préalable, des durées d’exploitation plus longues, bref un formalisme en retrait, etc. Mais tout va bien : « le législateur a précisément défini les conditions de mise en œuvre de mesures de surveillance des communications électroniques internationales, celles d’exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés ainsi que celles du contrôle exercé par la commission nationale de contrôle des techniques e renseignement. »
Sont jugées conformes...
Sont jugées conformes, donc sans possibilité de question prioritaire de constitutionnalité ultérieures, les dispositions suivantes :
- L.854-1 : principe géographique, finalités, exceptions du suivi d’une personne dont l’identifiant est rattachable au territoire national
- L.854-2 : les boites noires internationales (ouvertes à toutes les finalités, mais hors terrorisme)
- L.854-5 : durée de conservation des renseignements collectés
- L.854-9 al 1 3 et 6 : information de la CNCTR
- L.854-9 al 4 et 5 : contrôle a posteriori par la CNCTR de ces mesures.
Sur ce dernier point, rappelons que la Commission peut émettre des remarques auprès du premier ministre, et si ses recommandations restent sans effet, elle peut saisir le Conseil d’État. La personne qui fait l’objet d’une telle surveillance n’a elle pas d’accès direct au juge, elle est obligée de passer par l’intermédiaire de cette CNCTR. Pour le Conseil constitutionnel, aucun souci : il n’y a pas de disproportion entre le droit au recours et le secret de la défense.
Plusieurs dispositions non analysées
Tous les articles n’ont pas été examinés par le Conseil constitutionnel. Plusieurs sont passés entre ses gouttes laissant ainsi une brèche pour de potentielles QPC. Cela concerne en particulier :
- L854-3 : la protection des avocats, magistrats, parlementaires et journalistes (cependant une disposition similaire avait été validée dans la loi renseignement..)
- L. 854-4 : la traçabilité de l’interception et l’exploitation des communications
- L. 854-6 : l’exploitation des renseignements, leurs transcriptions, etc.
- L. 854-7 : opérations matérielles effectuées par les opérateurs de communications électroniques
- L. 854-8 : exploitation des correspondances interceptées qui renvoient à des numéros d’abonnement ou à des identifiants techniques rattachables au territoire national
Le Conseil constitutionnel a fait là un contrôle au strict minima. Son analyse des boites noires internationales face à celles prévues par la loi sur le Renseignement en France est particulièrement symptomatique. Si, dans ce dernier cas, il s’est montré très tatillon, il a survolé le dispositif pourtant moins encadré et nettement plus vaste programmé par la loi sur la surveillance internationale. Quelques jours après les attentats du 13 novembre, le contexte ne se prêtait sans doute pas à une analyse plus approfondie et une révolution de palais...