Le projet de loi sur la santé poursuit son chemin parlementaire. Adopté au Sénat, il revient à l’Assemblée nationale. Dans sa dernière version, il sanctionne l’apologie de l’anorexie tout en régulant les photos de mannequins dont l’apparence a été modifiée.
Début octobre, les sénateurs avaient étendu et resserré l’obligation de signaler une photo retouchée sur Internet, TV et presse papier. Resserré car cela ne concernait plus que l’affinement de la silhouette. Étendu car l’obligation frappait toutes « les images », et donc les vidéos.
Les députés sont cependant revenus à la première version du projet de loi. Mi-novembre, en commission des affaires sociales, ils ont en effet préféré viser les seules « photographies à usage commercial de mannequins (…) dont l’apparence corporelle a été modifiée par un logiciel de traitement d’image ». Ils veulent ainsi prévenir l’anorexie ou la boulimie, tout en excluant les vidéos de l’obligation de mention « Photographie retouchée. »
Un député fustige la future police des photos
Ces dispositions ont donné lieu à des discussions serrées entre les députés. Selon Valérie Boyer, l’enjeu est « de signaler simplement qu’une image a été modifiée. Il est proposé non pas d’interdire sa modification, mais simplement de cesser d’infantiliser le lecteur ou le spectateur, et de protéger la personne à qui cette image est destinée, ainsi que celle qui pose. C’est un simple problème d’information ». C’est « la police des photos ! » s'est emporté Bernard Accoyer, qui rapporte que « les professions concernées par cet article sont totalement opposées à de telles dispositions ».
Et pour cause, « nous faisons comme si la France était entourée de murs permettant d’empêcher la diffusion des images provenant du monde entier. Si quelque chose est mondialisé aujourd’hui, ce sont bien les images. Ces dispositions entraîneraient la fin dans notre pays de toute une série d’activités qui font partie de notre patrimoine : la mode, le luxe, les défilés. C’est inadapté, la France n’est pas une île coupée du monde. »
Pour le rapporteur Gérard Sebaoun, « l’apparence corporelle, cela va du sommet du crâne jusqu’au dernier orteil. Or tout peut être modifié – les agences et des syndicats de mannequins (…) nous ont d’ailleurs dit que toutes les photos étaient retouchées. Cela pose des problèmes juridiques très importants qui relèvent de différents codes. La définition du mannequin par le Code du travail est extrêmement large : un bébé, Mamy Nova, ou quiconque pose pour une photo est considéré comme un mannequin. »
Haro sur les sites pro-ana
Toujours en sortie de commission, le texte a maintenu la pénalisation des discours pro-anorexie (pro-ana). Il est prévu dans le Code pénal que « le fait de provoquer une personne à rechercher une maigreur excessive en encourageant des restrictions alimentaires prolongées ayant pour effet de l’exposer à un danger de mort ou de compromettre directement sa santé » sera puni d’un an d’emprisonnement et de 10 000 € d’amende. Une autre disposition du Code de la santé publique prévient plus généralement que « le fait de provoquer directement une personne à rechercher une maigreur excessive » sera réprimé par les mêmes peines.
Selon les députés, « certains sites connus sous le nom de « pro-ana » peuvent entrainer les personnes dans le cercle vicieux de l’anorexie sans être inquiétés par l’autorité publique. Les troubles alimentaires peuvent entrainer la mort par complication somatique ou par suicide. Il est alors important de responsabiliser et pouvoir sanctionner les personnes qui incitent à la maigreur excessive. »