En septembre dernier, un groupe de travail au sein de la commission des finances avait esquissé plusieurs pistes pour mieux assujettir les plateformes collaboratives et le e-commerce. En fin de semaine dernière, l’une d’elles a été adoptée lors des débats sur la loi de finances pour 2016.
Ceux qui utilisent des plateformes comme Airbnb, UberPop et autre Blablacar perçoivent des revenus qui sont « rarement déclarés, rarement contrôlés, et rarement imposés ». Voilà les regrets qu’avaient émis les auteurs du rapport sur l’économie collaborative au Sénat. Ils proposaient ainsi de mettre en place un seuil de 5 000 euros en deçà duquel les revenues ne seraient pas imposables. « Pourquoi un seuil de 5 000 euros ? Ce montant correspond peu ou prou aux charges supportées par un particulier pour amortir et entretenir sa voiture, son appartement, etc. »
Des plateformes contraintes à des déclarations automatisées
Michel Bouvard, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Philippe Dallier, Jacques Genest, Bernard Lalande, et Albéric de Montgolfier, les sénateurs de ce groupe de travail sont passés de la parole à l’acte. Un amendement a ainsi été adopté le 21 septembre lors de l’examen de la loi de finances pour 2016. Il concerne les redevables de l'impôt sur le revenu « qui exercent, par l'intermédiaire d'une ou de plusieurs plateformes en ligne, une activité relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. »
Avec lui, les redevables du régime de la micro entreprise et les exploitants individuels notamment, bénéficieront d’un abattement de 5 000 euros de leur chiffre d’affaires hors taxe. Une contrainte importante : seuls les revenus « qui font l'objet d'une Déclaration Automatique Sécurisée par les plateformes en ligne » seront éligibles. Cette D.A.S. est une autre proposition du rapport initial (p. 41) : elle impliquerait l’intervention d’un tiers de confiance qui serait chargé de calculer le revenu agrégé de chaque personne sur Internet afin d’en transmettre les résultats à l’administration fiscale en vue de l’établissement de la déclaration préremplie.
La mesure concerne ainsi les personnes utilisant une nouvelle catégorie d’intermédiaires, les plateformes en ligne. L’amendement reprend d’ailleurs la définition donnée par le projet de loi Lemaire pour qualifier ainsi « les activités consistant à classer ou référencer des contenus, biens ou services proposés ou mis en ligne par des tiers, ou de mettre en relation, par voie électronique, plusieurs parties en vue de la vente d'un bien, de la fourniture d'un service, y compris à titre non rémunéré, ou de l'échange ou du partage d'un bien ou d'un service. »
Lors des débats, Albéric de Montgolfier, a considéré que cette franchise « épargnera ceux qui tirent des rémunérations occasionnelles de cette économie tout en taxant une certaine forme d'industrialisation de celle-ci ». Bref, de nombreux avantages sont espérés.
Un gouvernement plutôt refroidi
Seulement, le sujet n’a pas été chaudement soutenu par le gouvernement. Christian Eckert, secrétaire d'État au budget, a ainsi signalé plusieurs limites. « La première difficulté tient à la distinction à faire entre l'échange de services, l'activité lucrative et le partage de frais. En outre, la plupart du temps, les utilisateurs ignorent qu'ils doivent déclarer ces revenus, sous le régime de l'autoentreprise, des BIC, des BNC, du microfoncier ou autre ».
Surtout, il considère que la mesure n’est pas d’aplomb avec le principe d’égalité. Et pour cause, « la franchise s'appliquera sur la location par l'intermédiaire d'une plateforme, non sur un bien loué directement ». De même, « le chauffeur de BlaBlaCar partage les frais et ne fait pas de bénéfices ». Sur ce point, Albéric de Montgolfier lui a répondu que « le droit est clair : le covoiturage n'est pas taxable, la location d'appartement l'est. »
Une atteinte au principe d’égalité contestée
L’auteur de l’amendement conteste également la moindre atteinte au principe d’égalité. « Le Conseil constitutionnel n'a jamais émis de réserve à propos de l'abattement de 25 % pour ceux qui recourent à un centre de gestion agréé. On ne peut pas rester les bras croisés : 19,6 % des appartements parisiens sont en meublés. Il paraît qu'un utilisateur de Airbnb publie plus de 140 offres sur le site... Il faudrait que la commission se déplace à Bercy pour vérifier qu'on s'occupe de ce dossier... »
Les remarques du gouvernement n’ont pas pesé lourd, d’autant que les membres du groupe écologiste, ceux du groupe socialiste et de l’UDI se sont ralliés dans le camp de la franchise de 5 000 euros. Celle-ci devra maintenant être adoptée dans les mêmes formes par les députés pour être inscrite dans le Code général des impôts.
Le gouvernement prépare sa riposte
Dans tous les cas, le gouvernement ne veut pas rester les bras croisés. En octobre, il a confié un rapport au député Pascal Terrasse sur l’économie collaborative. Le document est attendu avant la fin de l’année. Surtout, Eckert a révélé que le fisc avait d’ores et déjà demandé aux plateformes « de distinguer les grands utilisateurs de ces services par internet de ceux qui sont occasionnels ». La phase suivante visera à « informer les utilisateurs de leurs obligations vis-à-vis du fisc », puis ultérieurement, à « envoyer chaque année à leurs utilisateurs le montant global des revenus qu'ils ont perçus. »