À l'Assemblée nationale, blocage et délit de consultation de sites terroristes

Acharnement thérapeuthique

Nathalie Kosciusko-Morizet le tambourinait la semaine dernière : « Le terrorisme doit être aussi pourchassé sur Internet ». L'ancienne ministre de Nicolas Sarkozy vient de passer aux actes, en déposant un amendement visant à inscrire dans le marbre le délit de consultation de sites terroristes, naguère mis sur les rails par le président candidat, mais jeté aux oubliettes par la nouvelle majorité. Le sujet a également inspiré le très droitier Éric Ciotti.

 

En mars dernier, suite aux drames de Toulouse et de Montauban, le président candidat Nicolas Sarkozy annonçait la création d’un nouveau délit pénal, celui de la consultation habituelle de sites faisant l’apologie du terrorisme. En dépit des nombreuses critiques adressées à un tel projet (inapplicable, pris dans l’urgence et sans concertation, inutile,...), ainsi que des avertissements du Conseil national du numérique, un texte de loi était mis sur pied, puis présenté en Conseil des ministres dès le 11 avril. On connait la suite : l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle majorité va contrarier la procédure législative à laquelle était destinée ce texte.

Retour par la petite porte

Certains parlementaires aimeraient malgré tout que le délit de consultation de sites terroristes soit bel et bien inscrit dans notre droit. L’ancienne porte-parole de campagne du candidat Sarkozy, Nathalie Kosciusko-Morizet, l’avait d’ailleurs annoncé la semaine dernière : elle voulait déposer un amendement en ce sens devant l'Assemblée nationale. Dans une tribune au Monde, en date du 7 novembre (et consultable sur le blog de NKM), l’actuelle députée de l’Essonne l’assurait : « Nous n’avons pas à redouter cette innovation pénale, d’autant plus que la voie a déjà été tracée dans le domaine de la lutte contre la pédophilie ». Alibi en poche, NKM expliquait qu’elle allait s'inspirer de l’article 227-23 du Code pénal, qui s’applique à la pédopornographie.

 

amendement nkm

 

La Commission des lois de l’Assemblée nationale a publié hier les amendements déposés sur le projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme (PDF), dont deux sont cosignés pa l’ancienne ministre et Dominique Bussereau, lui aussi député UMP. Le premier amendement reprend mot pour mot le projet présenté par le gouvernement de François Fillon :

 

« Est puni de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende le fait de consulter de façon habituelle un service de communication au public en ligne mettant à disposition des messages, soit provoquant directement à des actes de terrorisme, soit faisant l’apologie de ces actes lorsque, à cette fin, ces messages comportent des images montrant la commission d’actes de terrorisme consistant en des atteintes volontaires à la vie.


« Le présent article n’est pas applicable lorsque la consultation résulte de l’exercice normal d’une profession ayant pour objet d’informer le public, intervient dans le cadre de recherches scientifiques ou est réalisée afin de servir de preuve en justice. »

  

Mais ce n’est pas tout. NKM et Dominique Bussereau ont déposé un second amendement, visant à ce que les règles procédurales applicables à ce nouveau délit soient moins dures que celles qui prévalent habituellement en matière de terrorisme, assurent les parlementaires. Dans l’exposé des motifs, ils expliquent en effet que ce texte « modifie ou complète les dispositions du code de procédure pénale afin que le nouveau délit de consultation habituelle de site terroriste ne soit soumis qu’à certaines des règles de procédure concernant les actes de terrorisme, comme la compétence de la juridiction parisienne, la possibilité de procéder à des surveillances, des infiltrations, des écoutes téléphoniques lors de l’enquête de flagrance ou de l’enquête préliminaire, des sonorisations et des captations de données informatiques ».

 

Dans le lot des amendements, le député Éric Ciotti n'est pas en reste. Il propose lui aussi de sanctionner le délit de consultation de sites terroriste. Mais son texte est encore plus rugueux puisque contrairement à celui de NKM, il oublie de préciser que l'infraction n'a pas lieu d'être « lorsque la consultation résulte de l’exercice normal d’une profession ayant pour objet d’informer le public, intervient dans le cadre de recherches scientifiques ou est réalisée afin de servir de preuve en justice. »

L'extension du blocage LOPPSI, du Sénat à l'Assemblée nationale

Le mois dernier, nous relevions qu’au Sénat aussi, le délit voulu par Nicolas Sarkozy était revenu sur le devant de la scène. Par voix d’amendement, le sénateur UMP Jean-Jacques Hyest reprenait à la virgule près le texte de la précédente majorité. L’élu faisait, tout comme Ciotti, l’économie du dernier paragraphe, pourtant nécessaire pour protéger le travail des journalistes, des historiens, etc. qui peuvent être amenés à consulter régulièrement ces sites dans le cadre de leur travail.

 

Le parlementaire demandait également via un autre amendement des mesures proactives des intermédiaires et proposait même d’étendre le périmètre du blocage des sites pédopornographiques à ceux faisant l’apologie du terrorisme. Pour cela, il calquait son amendement sur le fameux article 4 de la LOPPSI. Cet amendement vient tout autant d’être repris mot pour mot à l’Assemblée nationale par plusieurs députés UMP, dont Éric Ciotti encore.

Internet, circonstance aggravante

Le député Éric Ciotti propose aussi que le fait de provoquer « directement à des actes de terrorisme ou de faire l’apologie de ces actes » soit puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. La provocation simple, même indirecte, est déjà punie par la loi sur la presse, mais le député veut aller plus loin. Ainsi, les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende lorsque les faits ont été commis en ligne. Internet devient ainsi une circonstance aggravante. 

 

De plus en insérant ce dispositif dans le Code pénal, Éric Ciotti note que les autorités pourront effectuer des saisies ou auront « la possibilité de recourir au contrôle judiciaire, à la détention provisoire ou à la procédure de comparution immédiate. »

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