Cette année, le régulateur des télécoms, l'ARCEP, a acquis de nombreuses nouvelles missions, du contrôle des contrats d'itinérance à celui de la neutralité du Net. Pourtant, comme s’en étonne la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, la loi des finances 2016 prévoit de réduire encore son budget.
Après plusieurs années d'économies, le budget du régulateur des télécoms, l'ARCEP, risque de prendre encore un nouveau coup. Le projet de loi des finances 2016 prévoit de réduire une nouvelle fois le financement de l'autorité. De 22,7 millions d'euros en 2015, il passerait à 21,5 millions d'euros en 2016 (PDF), soit une perte de plus d'un million d'euros. Dans un avis (PDF) pour la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, la députée Corinne Erhel estime que les nouvelles missions qui ont été confiées à l'ARCEP en 2016 n'appellent pas à une réduction de moyens, loin de là.
De nouvelles missions via la loi Macron et l'Europe
« Force est de constater que les efforts fournis par le régulateur ces dernières années ont déjà été conséquents, alors même que le nombre de ses missions ne cesse de s’accroître » écrit Corinne Erhel. Il faut dire qu'elles sont nombreuses. La loi Macron lui en confie plusieurs, notamment de réorganiser la régulation, d'écrire celle des tarifs des réseaux en fibre optique ou encore d'édicter un rapport sur les investissements dans les réseaux mobiles.
L'ARCEP doit également réguler les tarifs des réseaux d'initiative publique, censés diffuser le très haut débit, contrôler le nouveau programme de couverture des zones blanches ou encore examiner les contrats de partage de réseaux mobiles. Cela alors qu'elle pilote les enchères pour les bandes de fréquence « 700 MHz », qui doivent être transférées de la TNT à la téléphonie mobile dès l'année prochaine. Le régulateur pourra également être saisi par l'exécutif pour toute question.
Corinne Erhel insiste également sur le contrôle de la couverture mobile, dont l'amélioration est promise par le gouvernement. « Il apparaît nécessaire de renforcer le contrôle de la qualité et de la couverture des services de communications électroniques, ce qui impliquera la réalisation de nouvelles études, ainsi que le renforcement de l’expertise de l’autorité, tant en interne qu’en externe » estime la députée.
L'Union européenne a, de son côté, enfin adopté son texte sur l'« Internet ouvert » et la fin des frais d'itinérance. Dès avril 2016, l'ARCEP se verra très sûrement confier la responsabilité d'imposer le respect de la neutralité du Net par les opérateurs français... Tout en contribuant à la régulation du secteur au niveau européen, via le groupement des régulateurs, le BEREC, dans lequel l'autorité française veut prendre plus de poids, comme elle nous l'expliquait en avril.
Des dépenses en baisse constante
En 2016, le budget de fonctionnement de l'ARCEP devrait donc s'établir à 6,2 millions d'euros tout rond. Cela correspond globalement aux dépenses effectuées en 2014, dont plus de la moitié est consacrée à l'immobilier. Ces dépenses comprennent aussi les études, les déplacements les dépenses sociales ou encore la formation continue. Une partie des observatoires, d'ailleurs, est d'ores-et-déjà financée par les opérateurs eux-mêmes, comme ceux de la qualité de service mobile et fixe. Ce dernier avait d'ailleurs été largement critiqué sur ce point à son lancement l'année dernière. À noter l'importance des dépenses informatiques (720 000 euros), « rendues indispensables afin de renforcer la sécurité » comme le demande l'ANSSI.

Depuis plusieurs années, l'ARCEP a réduit drastiquement ses dépenses de fonctionnement, de 40 % depuis 2009, hors immobilier. Pour « bien faire son travail de surveillance de ce marché, il faut qu'on lui donne les moyens, ou du moins qu'on ne lui enlève pas les moyens de le faire » tonnait Jean-Ludovic Silicani, son ancien président, lors d'un discours qui clôturait son mandat, fin 2014. Retrouver du souffle budgétaire est l'un des combats de son président depuis janvier, Sébastien Soriano, qui disait « militer » pour retrouver des moyens. Ce n'est pas sur le budget de fonctionnement qu'il sera entendu cette année.
Un nombre d'emplois stable, mais moins de moyens
La consolation peut être à chercher du côté de l'emploi, dont le budget prévu s'élève à 15,3 millions d'euros. « Après deux années rigoureuses, la trajectoire budgétaire du titre 2 de l’ARCEP a été revue à la hausse et après une baisse du plafond de 174 équivalents temps plein à 171 en 2014, puis une baisse prévue de 171 à 166 équivalents temps plein, le projet de loi de finances fixe à 171 équivalents temps plein le plafond d’emplois pour 2016 » détaille Corinne Erhel dans son avis. En clair, le nombre d'agents reste stable, même si l'autorité a dû consentir à redéployer 20 % de son effectif dans les deux années à venir.
Reste qu'avec cette stabilité, une mission pourrait devenir compliquée, estime la commission parlementaire : la régulation du déploiement du très haut débit. Avec le plan France Très Haut Débit, des dizaines de réseaux d'initiative publique, montés par des départements ou des régions, doivent émerger de terre pour connecter les Français. De quelques grands opérateurs nationaux, « le régulateur se trouvera dès lors confronté à une myriade d’opérateurs, de 50 à 100 » estime Corinne Erhel. Un défi qui demandera, à un moment ou un autre, plus de moyens humains.
Alors que l'ARCEP veut devenir un acteur central du numérique en France et en Europe, le budget de l'État ne lui en donne pas pleinement les moyens. Quand Sébastien Soriano multiplie les interventions sur des thèmes variés comme la régulation des plateformes ou l'Internet des objets, son autorité doit jouer d'astuce pour s'occuper de ses domaines de compétence. L'ARCEP compte ainsi bientôt publier une revue stratégique, qui doit l'aider à « réinventer » sa régulation. « Tout l'enjeu de la revue stratégique est de savoir comment on re-hiérarchise nos dossiers » pour déterminer ce qui est réellement important, expliquait le président de l'autorité en juillet.