Afin de limiter les dépenses inhérentes aux élections, un rapport sénatorial propose d’arrêter l’envoi des bulletins de vote à chaque électeur par voie postale. Les traditionnelles professions de foi pourraient connaître un sort similaire à l’occasion de la prochaine élection présidentielle, tout en restant accessibles à tous sur un site Internet dédié.
« Les élections sont-elles organisées au meilleur coût ? » Telle est la question que s’est posé le sénateur Hervé Marseille (UDI) après avoir lu un rapport présenté l’année dernière par l’Inspection générale de l’administration à propos de la modernisation des scrutins. L’institution chiffrait alors à 437 millions d’euros le prix des élections présidentielles et législatives de 2012, et formulait de nombreuses propositions concernant leur organisation (voir notre article).
Tout en se défendant de vouloir remettre en cause le « bien-fondé de la dépense électorale », Hervé Marseille en arrive à la conclusion qu’il existe aujourd’hui « des pistes d'économies certaines ». Celles-ci passent pour la plupart par la case numérique.
Dématérialisation de la propagande
L’élu s’attaque tout d’abord au poste le plus important de dépenses lors d’une élection : la propagande électorale (mise sous pli et envoi des professions de foi ainsi que des bulletins de vote, remboursements aux candidats de leurs frais d’impression). Ces dépenses ont représenté « plus de la moitié de la dépense électorale totale en 2012, soit 180 millions d’euros », note son rapport. Hervé Marseille prône la mise en place de deux réformes :
- Expérimenter la dématérialisation de la propagande électorale durant les présidentielles de 2017. Les professions de foi des candidats seraient alors diffusées sur un site Internet dédié et mises à disposition, au format papier, dans les préfectures, sous-préfectures et mairies. Pourquoi exclure les autres scrutins (élections législatives, municipales...) ? Parce que « la forte couverture médiatique lors de l’élection présidentielle assure aux candidats une publicité suffisante et par conséquent une large diffusion de leurs idées et de leurs programmes politiques auprès des électeurs », soutient le sénateur. Avec cette piste de compromis, il espère pouvoir lever les oppositions qui étaient apparues l’année dernière, lorsque le gouvernement avait tenté de dématérialiser les plis électoraux pour les départementales et régionales de 2015.
- Arrêter d'envoyer des bulletins de vote au domicile de chaque électeur. « Ces bulletins étant disponibles dans les bureaux de vote, ceux qui sont envoyés ne sont que marginalement utilisés par les électeurs et représentent donc une dépense superflue » relève le rapport. Près de 6 millions d’euros auraient ainsi pu être économisés cette année si cette mesure avait été adoptée pour les seules élections départementales.
Vers la suppression des cartes d’électeur
Hervé Marseille s’est également penché sur les cartes d’électeur, qui ne sont « ni nécessaires ni suffisantes pour pouvoir voter : l’électeur doit obligatoirement présenter une pièce d’identité le jour du scrutin ». D’ailleurs, relève l’élu, ces documents créent parfois « la confusion, certains électeurs ne l’ayant pas reçue ne sachant pas s’ils sont quand même en capacité de voter ». En fait, la carte d’électeur permet avant tout au citoyen de savoir où il doit aller voter.
Le rapport en appelle de ce fait à leur suppression, à titre expérimental. « Afin que les électeurs soient informés sur le lieu du bureau de vote où ils sont appelés à se rendre, un affichage du lieu de vote de chaque électeur en mairie ou sur Internet pourrait être envisagé. La mairie de Paris a par exemple créé un service en ligne « Quel est votre bureau de vote ? » qui permet à chaque électeur de trouver, à partir de l’adresse de son domicile, le lieu de son bureau de vote. »
Une inscription facilitée aux listes électorales sur Internet
Autre proposition, créer un « répertoire national unique des électeurs » dans l’objectif d'éviter les doubles inscriptions et de faciliter la procédure d'inscription et de radiation. Hervé Marseille soutient en fait l’une des pistes déjà explorées par l’IGA :
« Chaque électeur disposerait d’un identifiant numérique unique qui lui permettrait de s’identifier sur un site dédié, de remplir un formulaire d’inscription en ligne et de joindre les copies numériques de ses pièces justificatives. Le système d’information identifierait automatiquement l’électeur dans le fichier général des électeurs. Puis, chaque commune pourrait s’identifier sur le site de manière sécurisée et extraire la liste de l’ensemble des demandes d’inscription en attente de validation. La validation de la demande d’inscription entraînerait la radiation automatique de la liste de la précédente commune d’inscription. »
Mais quelles suites seront données à toutes ces propositions ? L’accueil réservé à ce rapport en commission montre que de nombreux élus sont très réticents, par peur notamment d’une montée de l’abstention. Ces dispositions pourraient quoi qu’il en soit être rediscutées à l’occasion du projet de loi finances pour 2017, qui fixera les crédits nécessaires aux élections présidentielles et législatives, ou bien peut-être sous forme d’amendements aux propositions de loi de « modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle », qui seront portées prochainement devant l'Assemblée nationale par le député Jean-Jacques Urvoas (PS).