Trop chères, guère utilisées... Les arguments furent nombreux il y a quelques mois pour justifier le démantèlement progressif des près de 40 000 cabines téléphoniques que compte la France. Plusieurs parlementaires voudraient cependant que le gouvernement s’assure que certains citoyens ne restent pas sur le carreau.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi Macron, en août dernier, Orange n’est plus obligé de maintenir des cabines téléphoniques sur l’ensemble du territoire. Jusqu’alors, l’opérateur était tenu d’entretenir au moins un appareil dans chaque commune, et deux pour les villes dont la population dépasse les 1 000 habitants. Cette réforme, censée compenser l’obligation faite aux opérateurs de téléphonie mobile de couvrir d’ici la fin de l’année prochaine 170 « centres-bourgs de communes » n’ayant toujours pas de réseau 2G, inquiète toutefois quelques parlementaires.
« S'il n'y a pas lieu de polémiquer sur la pertinence de cette mesure (...), il convient de s'assurer que certains territoires ruraux qui se situent hors de la zone de couverture des opérateurs ne se retrouvent pas privés unilatéralement et du jour au lendemain, de moyens de communication, malgré l'engagement des opérateurs de téléphonie mobiles à achever leur programme de résorption des zones blanches d'ici à la fin de l'année 2016 » fait ainsi remarquer le sénateur Jean-Paul Fournier, au travers d’une question écrite parue hier au Journal officiel. Son collègue Roland Courteau fait quant à lui remonter l’inquiétude de ses administrés, qui « évoquent des enjeux de sécurité ». Le réseau des cabines relevant de la téléphonie filaire, celui-ci présenterait l'avantage « d'être maintenu en cas de coupure électrique ».
Le député André Chassaigne, habitué du sujet, s’est lui aussi alarmé de la situation le mois dernier :
« Certains administrés ne possèdent aucune ligne de téléphonie, qu'elle soit fixe ou mobile, et n'utilisent que la cabine téléphonique de leur commune. De plus, de nombreuses zones blanches, ou couvertes par intermittence, subsistent en matière de téléphonie mobile, majoritairement situées dans les zones rurales où les opérateurs jugent peu rentable l'implantation de relais de téléphonie. Dans certaines zones touristiques, la fréquentation saisonnière arrive à saturer les relais, induisant une inaccessibilité au réseau de téléphonie mobile. L'obsolescence du réseau « cuivre » impacte également de manière substantielle la qualité du réseau Internet et fixe. Elle se conjugue avec l'arrivée des nouvelles technologies, des infrastructures devenant aujourd'hui des éléments perturbateurs. Le réseau satellitaire arrive lui aussi à saturation. »
Les élus veulent plus de concertation avec les communes
Sans remettre frontalement en cause ces nouvelles dispositions législatives, les parlementaires en appellent à davantage de dialogue avec les territoires concernés, afin que le démantèlement de cabines téléphoniques soit étudié au cas par cas. Si André Chassaigne demande au gouvernement « d'exiger une concertation systématique avec les élus et les administrés avant toute suppression de cabine téléphonique », Jean-Paul Fournier voudrait que l’exécutif travaille « à une application adaptée de cette mesure dans les territoires ruraux, afin qu'elle se fasse en concertation avec les maires et que la couverture de l'ensemble des territoires soit plus rapide que le temps pris à retirer l'ensemble de ces équipements ».
Invité surprise de l'avant-projet de loi numérique
Si Bercy n’a pas encore donné suite à ces interpellations, rappelons que le gouvernement devrait très bientôt se positionner sur le sujet. Lors de la consultation relative à l’avant-projet de loi numérique d’Axelle Lemaire, l’association « Perdons pas le fil » a proposé de réintégrer dans les obligations du service universel la mise à disposition de points d'accès publics au service téléphonique « utilisant uniquement la technologie filaire ». Et ce « à raison d'un point d'accès minimum, sur chaque commune, hameau, bourg, quartier, arrondissement, service des urgences d'hôpital – ou structure de soins équivalente, gare, aéroport, parking et aire d'autoroute et de quatre voies ».
Cette suggestion d’amendement, soutenue par plus de 800 internautes, fait partie des plus populaires de l’opération. Ses auteurs faisaient valoir que contrairement au réseau mobile, « les cabines et publiphones fonctionnent sur le réseau téléphonique filaire, réseau indépendant, qui reste actif, performant et disponible, en cas de coupure électrique » (due par exemple à une catastrophe naturelle ou à un attentat).