Afin d’éviter une diffusion anticipée des résultats électoraux sur les réseaux sociaux lors des prochaines élections présidentielles, les députés du groupe socialiste s’apprêtent à soutenir un texte de loi prévoyant une fermeture plus tardive des bureaux de vote. Ceux-ci resteraient ouverts au moins jusqu’à 19 heures, contre 18 heures aujourd'hui.
Une amplitude horaire réduite à une heure
Après de très nombreux rapports sur le sujet (Conseil constitutionnel, CSA...), la majorité socialiste semble s’être décidée à agir. Le député Jean-Jacques Urvoas a présenté mardi 27 octobre deux propositions de loi, l’une ordinaire, l’autre organique, en vue de la « modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle ». Les dispositions de ces deux textes visent entre autres à s’attaquer au phénomène #RadioLondres.
Souvenez-vous : le Code électoral interdisant de communiquer tout « résultat d'élection, partiel ou définitif », avant 20 heures, les internautes s’étaient amusés en 2012 à narguer les autorités sur Twitter, à grand renfort de messages plus ou moins codés... La loi française ne s’appliquant pas aux médias étrangers, il suffisait d’aller consulter leurs sites Internet pour avoir de premières estimations. Parfois, certains utilisateurs de Twitter se basaient sur des résultats partiels issus de premiers dépouillements.
le Jt Suisse annonce que le Gouda et le fromage hongrois sont en tête des ventes en France #radiolondres
— Fabienne Reichenbach (@ReichenbachFab) 22 Avril 2012
Pour remédier à cette situation, Jean-Jacques Urvoas veut que les bureaux de vote ne puissent plus fermer avant 19h, pour la seule élection présidentielle. « Cette solution permettra de ne pas alourdir à l’excès les charges d’organisation pesant sur les petites communes, tout en préservant l’objectif d’un niveau élevé de participation électorale. Serait ainsi réduit à une heure, au lieu deux heures actuellement, l’écart entre les premières (à 19 heures) et les dernières (à 20 heures) fermetures de bureaux de vote » explique-t-il dans son exposé des motifs. On comprend ainsi qu'en limitant cette amplitude horaire, il sera plus difficile de faire fuiter les premiers résultats durant longtemps, ce qui pourrait réduire drastiquement les risques de changement de vote de dernière minute.
Une telle évolution impacterait un très grand nombre d’électeurs, puisque le député relève qu’en 2012, 74 % du corps électoral – composé de 44,3 millions d’électeurs inscrits – votait dans des bureaux fermant à 18 heures, 4 % à 19 heures et 22 % à 20 heures.
Jusqu'à 75 000 euros d'amende en cas de diffusion anticipée de résultats
Au-delà de cette mesure qui pourrait contrarier de petites communes aux moyens humains et financiers limités, Jean-Jacques Urvoas propose de muscler les sanctions encourues par les personnes qui braveraient l’interdiction de révéler tout résultat d’élection avant 20 heures, notamment sur Internet. Actuellement passible d’une peine d’amende pouvant atteindre 3 750 euros, cette infraction pourrait coûter jusqu’à 75 000 euros d’amende au contrevenant. Il s’agit ni plus ni moins que d’un alignement sur les dispositions réprimant la diffusion prématurée d’estimations de résultats réalisées par sondage.
La liste de tous les « parrains » de candidats serait diffusée sur Internet
Toujours afin de dépoussiérer les modalités d’organisation de la présidentielle, la proposition de loi organique de Jean-Jacques Urvoas vient revoir les modalités de transmission des 500 parrainages que doivent obligatoirement recueillir les candidats. L’élu veut que cette présentation se fasse désormais par le parrain, et non par le candidat ou son équipe de campagne. Pourquoi ? Pour éviter tout particulièrement les pressions que subissent certains maires. Surtout, le texte prévoit que l’envoi se fera « par la seule voie postale, au moyen de l’enveloppe envoyée à cet effet aux élus, et non sous la forme d’une télécopie, d’un courriel ou d’une remise directe auprès du Conseil constitutionnel ».
Autre innovation : le texte rend obligatoire, « huit jours au moins avant le premier tour », la publication du nom et de la fonction (maire, conseiller départemental...) de tous les parrains. « Jusqu’à présent, pour chaque candidat, n’étaient rendus publics que 500 noms tirés au sort par le Conseil constitutionnel. Ce dispositif est générateur d’inégalité : le présentateur d’un candidat ayant recueilli à peine plus de 500 signatures a de fortes probabilités de voir son nom rendu public, à l’inverse du présentateur d’un candidat ayant largement dépassé le nombre requis. En outre, le principe de responsabilité politique et l’exigence de transparence devraient conduire à ce que les élus ayant décidé de présenter un candidat assument ce choix devant leurs électeurs » se justifie Urvoas.
Le député n’a toutefois pas jugé « nécessaire » de préciser dans sa proposition de loi quel serait le vecteur de diffusion de ces noms. Il affirme néanmoins que « cette publicité prendrait la forme, comme aujourd’hui, d’une publication au Journal officiel et sur le site Internet du Conseil constitutionnel (éventuellement par renvoi au site du Journal officiel) ».
Jean-Jacques Urvoas espère arriver à « une première lecture à l’Assemblée nationale avant la fin d’année, l’ambition étant une adoption définitive avant avril 2016 – soit un an avant l’élection présidentielle de 2017 ».