Au travers d’un exercice plutôt inédit, la France et l’Allemagne ont présenté hier une stratégie commune sur le numérique. Alors que l’Europe est souvent pointée du doigt pour son inertie, Paris et Berlin veulent peser davantage dans les débats.
« Nous voulons être le continent qui peut, sur le numérique, être le meilleur au monde. Certes, il y a une concurrence – et on sait d'où elle vient. (...) Alors soit nous suivons, soit nous anticipons. Nous avons fait le choix d'anticiper et, dans certains domaines, de prendre de l'avance. » Voilà le refrain qu’a resservi hier François Hollande. Il résume l’ambition de la conférence qui a eu lieu durant toute l’après-midi à l’Élysée, en présence d’entrepreneurs, de la chancelière allemande Angela Merkel, du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, etc.
Une feuille de route essentiellement tournée vers l'économie numérique
Insistant tout particulièrement sur les enjeux économiques et écologiques du numérique, le chef d’État a soutenu qu’une alliance entre l'Allemagne et la France pourrait se révéler « extrêmement fructueuse ». « Nous devons agir maintenant, au niveau de nos pays et au niveau européen » a déclaré le président. François Hollande a surtout présenté les trois axes de travail prioritaires de cette sorte de feuille de route conjointe, que l’on retrouve de manière plus détaillée dans une déclaration commune sur la « transformation numérique de nos économies » (PDF) :
- La modernisation de l'industrie. En lien avec les programmes « Industrie du futur » en France et « Industrie 4.0 » en Allemagne, le président s’est réjoui de la « création d'une académie franco-allemande pour l'industrie du futur, c'est-à-dire une plateforme qui se verra confier des missions précises sur des sujets clés : l'automatisation, l'économie de la donnée, les objets connectés, la sécurité, la logistique, les transports... » L’idée est d’associer industriels, organismes de recherche et universités, dans l'optique d’arriver à davantage de convergence en matière de standards par exemple.
- Favoriser l'émergence de nouvelles activités. Afin de faciliter le financement des start-ups, la Banque publique d’investissement (Bpi) française et son homologue allemande, la KfW, joindront leurs efforts « pour favoriser les investissements transfrontaliers et de montant élevé », indique la déclaration commune, en partenariat avec d’autres acteurs européens – dont la Caisse des dépôts italienne. Paris et Berlin se sont d’autre part engagées à signer une « convention bilatérale portant sur la création d’un statut de « Jeune entreprise innovante », qui permettra aux start-ups de bénéficier d’un régime favorable dans les deux pays pendant leurs premières années d’activité, sous la forme d’avantages fiscaux ou sociaux ou de subventions ».
- Soutien au marché unique du numérique. La France et l’Allemagne continuent d’unir leurs forces pour demander à la Commission européenne d'agir au plus vite en vue d’une plus grande régulation des plateformes (Google, Facebook...). Les deux pays en appellent également à Bruxelles pour avancer sur la question de la protection des données personnelles et l’Open Data.
De manière un peu plus surprenante, François Hollande a prôné l’instauration d’une sorte de « charte mondiale pour les droits sur Internet ». « Nous devons aussi travailler pour avoir un cadre international dans lequel les droits attachés aux données seront protégés partout de manière équivalente » a-t-il fait valoir, sans plus d'explications.
Lois Lemaire et « Macron 2 »
Évoquant les initiatives prises au niveau national, le chef de l’État a rappelé que la secrétaire d’État au Numérique Axelle Lemaire portait actuellement un projet de loi principalement tourné vers la question des données, tandis que le ministre de l’Économie Emmanuel Macron prépare un texte dédié aux « opportunités économiques » du numérique et des nouvelles technologies. « L'enjeu, c'est d'abord d'ouvrir les secteurs qui sont aujourd'hui fermés, et qui, grâce au numérique, vont être amenés à changer, de dimension, de vitesse... Trop d'activités sont encore bloquées par des barrières à l'entrée qui ne sont plus justifiables et qui ne pourront pas résister avec le numérique » a soutenu François Hollande. Ces deux véhicules législatifs devraient être présentés devant le Parlement l’année prochaine.
Quant à la conférence franco-allemande sur le numérique, une nouvelle rencontre est prévue pour 2016.