Le Parlement s’est vu remettre aujourd’hui un rapport consacré à la délicate question des survols illicites de drones. Le gouvernement préconise d’instaurer de nouvelles obligations qui reposeraient sur les pilotes d'appareils d’au moins 1 kg : formation, signalement électronique permettant d'identifier le drone, immatriculation... Un texte de loi pourrait être discuté à cet effet l’année prochaine.
À la suite de différents incidents impliquant des drones, notamment aux abords de centrales nucléaires, le gouvernement a demandé l’année dernière au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) de rechercher toutes les solutions techniques et juridiques à même de parer aux risques que peuvent présenter ces petits appareils volants – qu’ils soient pilotés par des personnes malintentionnées ou tout simplement ignorantes des règles élémentaires à respecter. Si plusieurs des propositions formulées par cette administration n’étaient pas secrètes, celle-ci a officiellement remis aujourd’hui au Parlement un volumineux rapport présentant ses conclusions – issues de travaux menés avec les ministères de l’Intérieur, de la Justice, etc.
De nouvelles obligations ne s’appliquant pas aux drones au poids inférieur à 1kg
L’équation demeure complexe : comment concilier sécurité publique et développement d’une filière en plein essor ? Le rapport du SGDSN s’emploie à ménager la chèvre et le chou, en prenant surtout soin d’éviter de faire peser de nouvelles obligations à l’encontre des utilisateurs de drones de loisir très « grand public ». L’institution, rattachée au Premier ministre, recommande en effet d'imposer des contraintes supplémentaires sur les seuls drones dont le poids est supérieur ou égal à 1 kg.
Pourquoi ce seuil ? « La capacité d’emport représentant environ 30 % de la masse totale d’un drone, à partir de 1 kg, un drone est en mesure d’emporter une grenade légère, par exemple » indique le rapport. Sur les 200 000 drones utilisés en France, 30 000 environ auraient une masse supérieure à 1 kg. Ce seuil est par ailleurs celui retenu par l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) « pour différencier les drones jouets des autres engins ».
Pour tous les pilotes dont l’appareil atteindrait ce seuil de 1kg, le rapport du SGDSN propose :
- Une formation obligatoire sur Internet. « Tout pilote, quelle que soit sa nationalité et dès lors qu’il utilise, en France, un drone dont la masse est supérieure ou égale à 1 kg, pourrait être soumis à une formation en ligne. » Pour davantage sensibiliser les utilisateurs de drones aux règles relatives à la protection de la vie privée ou à la circulation aérienne, ceux-ci seraient tenus de suivre des cours accessibles sur le site de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC). Après avoir réussi un examen – sous forme de QCM, les pilotes se verraient délivrer une certificat, valable « sans limite ». Cette solution, qui nécessitera des évolutions législatives et réglementaires, « présenterait toutefois l’inconvénient de ne pouvoir certifier l’identité de la personne qui a suivi la formation », reconnaît le SGDSN.

- Un enregistrement et immatriculation obligatoire. Les drones dont le poids est compris entre 1 et 25 kg seraient soumis à une « procédure d’enregistrement dématérialisée ». Cette mesure est censée permettre à l’administration « de disposer de données utiles sur les détenteurs de drones et l’évolution des usages ». Le SGDSN recommande d'autre part une immatriculation obligatoire des seuls drones de plus de 25 kg. Cette procédure, jugée « complexe » et plus lourde qu’un simple enregistrement, pourrait être réalisée auprès de la DGAC. Aucun frais d’immatriculation (à l’image du prix des cartes grises) n’est pour l’instant évoqué.
- Un signalement électronique et lumineux obligatoire. Afin de faciliter le repérage des drones par les forces de l’ordre, le SGDSN demande à ce que chaque appareil de plus de 1 kg soit « équipé d’un radar/balise permettant de transmettre par ondes de type GSM (Global system for mobile communication) ou RFID (Radio frequency identification) certains renseignements(identité du propriétaire, numéro de téléphone, numéro d’enregistrement du drone, coordonnées géographiques en trois dimensions de la position de l’appareil) ». On imagine ainsi qu’il serait plus facile de retrouver le propriétaire d’un drone venant de se crasher ou survolant un site sensible. Le rapport estime même que ce signalement électronique pourrait être complété par une « obligation d’éclairage spécifique par diode électroluminescente (DEL), afin de pouvoir distinguer plus facilement les drones, notamment de nuit ».
Pour faire respecter ces nouvelles obligations, l’institution prévoit d'instaurer des amendes de 135 euros par infraction constatée (contraventions de 3ème classe).
Assureurs et fabricants de drones appelés à coopérer davantage
Parmi les autres mesures d’ordre juridique recommandées par le SGDSN, figure la fourniture obligatoire d’une notice synthétisant les principales règles à respecter lorsqu’on pilote un drone. Il est ainsi préconisé de « modifier le Code de l’aviation civile ou le Code de la consommation par voie législative », de telle sorte que tous les constructeurs joignent cette feuille à chaque appareil commercialisé en France – et ce quel que soit son poids. « Le coût de la mesure pour l’industriel ou le vendeur serait marginal » soutient le rapport, après avoir rappelé qu’un tel document avait récemment été rédigé et distribué par certains acteurs (sur la seule base du volontariat).
Afin de faciliter l’indemnisation des victimes, l’exécutif ouvre enfin la porte à la création d’une obligation spécifique d’assurance. « Les activités professionnelles sont déjà obligatoirement couvertes par un contrat spécifique et les assureurs se sont engagés à inclure à terme une couverture des dommages causés par les drones de loisir les plus légers dans un nombre croissant de contrats multirisques (essentiellement les contrats multirisques habitation) », indique cependant le rapport. Les parlementaires sont dès lors invités à attendre de voir si les assureurs jouent le jeu avant de légiférer.

Les expérimentations de dispositifs anti-drones vont se poursuivre
La neutralisation d’un drone potentiellement dangereux n’est pas chose aisée, comme l’avaient expliqué plusieurs représentants de l’armée en mai dernier, lors d'un colloque organisé par le SGDSN : un drone abattu au fusil qui s’écrase sur des civils, brouillage qui paralyse d’autres appareils situés dans la même zone, etc. (voir notre compte rendu). Le rapport rappelle à cet égard qu’une campagne d’expérimentations a été organisée en mars 2015 à Captieux, en Gironde, afin d’évaluer les capacités de systèmes existants à détecter, poursuivre et neutraliser des drones. Quarante systèmes mettant en œuvre des technologies différentes ont ainsi été mis à l’épreuve.
Résultat ? « À l’issue des tests, il est apparu que les familles de systèmes les plus prometteuses sont :
- le radar pour la détection ;
- l’optique pour l’identification ;
- le brouillage électronique pour la neutralisation, dès lors que ses effets collatéraux potentiels seront mieux cernés. »
Pour autant, les autorités expliquent que ces évaluations doivent encore être poursuivies, notamment pour prendre en considération les aléas inhérents aux zones urbaines (bruit, etc.).
En parallèle à ces expérimentations, des appels à projets ont été lancés fin 2014 pour trouver des solutions innovantes à même de répondre au problème des survols illicites. 1,4 million d’euros ont d’ailleurs été mis sur la table à cette fin. Le SGDSN affirme aujourd’hui que la sélection de plusieurs candidats devrait conduire à « la réalisation de démonstrateurs en état d’être testés » d’ici 12 à 18 mois.
L’institution promet en conclusion des « réalisations opérationnelles » pour « la fin de l’année 2016 ».
Vers un projet de loi dédié aux drones en 2016 ?
Du côté de la réglementation applicable aux drones, les parlementaires seront contraints d’adopter de nombreuses dispositions législatives s’ils souhaitent suivre les recommandations portées par le rapport du SGDSN. Ce dernier reconnaît toutefois que cette procédure s'avère « plus longue » que celle qui conduira à la révision des deux arrêtés de 2012 (qui est d’ailleurs toujours promise pour « avant la fin de l’année »). « C’est pourquoi, le gouvernement souhaite lancer au plus vite les travaux législatifs préparatoires et la consultation préalable des membres du Parlement, des utilisateurs et des industriels sur les propositions formulées dans ce rapport », est-il indiqué.
L’hypothèse d’un projet ou d’une proposition loi dédiée à la question des drones, dont la présentation aurait lieu dans le courant de l’année 2016, semble ainsi probable.