À l’occasion des débats autour du projet de loi de finances sur la Sécurité sociale pour 2016, un député propose d’armer les agents de la Sécurité sociale d’un droit de communication visant des personnes non identifiées. L’objectif ? Détecter des fraudes aux prestations sociales.
Une disposition a déjà été adoptée par la dernière loi de finances rectificatives pour étendre le droit de communication des agents de Bercy. Désormais, en effet, ce droit est élargi aux « informations relatives à des personnes non identifiées ». Il permet dès lors aux services fiscaux d’alpaguer quantité de données non directement nominatives auprès des opérateurs, des FAI et des sites Internet notamment. Mieux, ce même droit peut s’exercer sur place ou à distance, notamment par voie électronique.
Un droit de communication calqué sur celui du fisc
Cette disposition a inspiré à plein nez Gérard Bapt. Le député socialiste de Haute-Garonne veut muscler le ceinturon des agents des organismes de sécurité sociale en enrichissant l’actuel article L. 114‑19 du Code de la sécurité sociale de ce passage :
« Le droit prévu au premier alinéa peut porter sur des informations relatives à des personnes non identifiées, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »
Selon son exposé des motifs, le L114-19 autorise dès aujourd’hui à ces agents « d’obtenir, sans que le secret professionnel leur soit opposable, les documents et informations nécessaires à la vérification des conditions d’obtention des prestations de sécurité sociale, au recouvrement et au contrôle des prélèvements sociaux, à la lutte contre le travail dissimulé et au recouvrement des prestations versées indûment ».
Son amendement, examiné cette semaine à l'Assemblée nationale, vise donc à « doter les organismes sociaux de moyens de détection des cotisants potentiellement fraudeurs en pouvant exercer un droit de communication portant sur des personnes non identifiées ». Adopté, il permettrait par exemple de glaner des informations relatives à des petites annonces anonymes passées en ligne, par exemple.
Dans l’univers de la fiscalité, les potentialités d’un tel droit de communication avaient été soulignée lors des débats parlementaires. Derrière, s’ouvre en effet la possibilité d’interconnecter des fichiers d’origines multiples pour repérer d’éventuelles fraudes. Dans le secteur de la Sécu, les textes interdisent à ce jour les échanges d’information par voie dématérialisée et prohibent la constitution de fichier pour l'exercice de ce droit (voir la circulaire de 2008.)
Pôle Emploi et le droit de communication
L’actuel gouvernement avait déjà voulu utiliser l’outil du droit de communication pour traquer les fraudes à Pôle Emploi. Dans le cadre du projet de loi sur le dialogue social et l’emploi, cette fois, les agents concernés auraient pu réclamer toutes les données attachées à un individu (facturations détaillées ou FADET, contrat, données de connexion, abonnements TV, géolocalisation, etc.), toujours sans passer par le juge ou une quelconque autorité indépendante.
Face à la gronde, il avait toutefois retiré cette disposition, s'étant « rendu compte que ça n’avait pas été suffisamment concerté » exposait l’entourage du ministre du Travail.
On rappellera que la jurisprudence de la CJUE s’est montrée tatillonne sur de pareilles dispositions. Elle a condamné tout droit de communication mal borné, sans limites, offrant un trop vaste champ du possible à ses titulaires. Cela ne signifie pas que la lutte contre la fraude n’est pas impérieuse, simplement que le droit au respect à la vie privée mérite une protection similaire, même s’agissant de données non directement nominatives.