Le 14 octobre dernier, les ayants droit, industriels et consommateurs se sont réunis à nouveau autour de la table. Une réunion étrange puisque tous les convives attendent le renouvellement des rangs, programmé début novembre. Plusieurs points ont cependant été abordés à l'occasion de cette rentrée organisée après trois années de vacances.
Cette pause forcée a été consécutive à la démission en 2012 de la quasi-totalité des industriels, ceux-là pestant contre les conditions de vote et de représentativité au sein de cette instance chargée d’établir assiette et taux de la redevance.
Cet après-midi d’octobre, le parfum restait toutefois celui d'une fin de règne. Et pour cause, le mandat des actuels membres prendra fin le 31 octobre, sans que personne ne sache exactement qui sera désigné pour y siéger à nouveau. « C’était donc une commission plutôt calme, car elle se réunissait avant de disparaître » nous résume en ce sens un des participants. « Et sachant que c’était la dernière réunion, cela ne servait donc à rien de se jeter des agrafeuses au visage. »
La désignation des nouveaux membres est attendue pour début novembre. Le ministère de la Culture devrait à cette occasion prendre soin de s'occuper du siège de l’Asseco-CFDT, un des « consommateurs » qui ne peut plus siéger en CCP depuis décembre 2013, faute d’agrément.
Vers un dépôt obligatoire des déclarations d’intérêt ?
Quoi qu’il en soit, plusieurs sujets ont été évoqués lors de ce retour au ministère de la Culture. L’un des points importants touche au dépôt des déclarations d’intérêt des membres de la CCP.
Pour mémoire, dans son rapport sur la copie privée remis cet été à Fleur Pellerin, Christine Maugüe, conseillère d’État, avait suggéré que ces membres soient astreints à remettre pareil document « pour veiller à prévenir l’existence de conflit d’intérêts tenant par exemple à ce que des membres du collège des consommateurs ou des industriels se trouveraient par ailleurs eux-mêmes en situation de percevoir de la copie privée en qualité d’ayant droit. »
Évidemment, un tel méli-mélo peut dès lors faire très mauvais genre dans la mesure où une seule voie du collège des six industriels ou consommateurs suffit à faire basculer le vote en faveur des douze ayants droit.
Inspiré par cette proposition, le député Lionel Tardy avait porté un amendement en ce sens à l’occasion des débats autour du projet de loi Création. Une idée jugée non absurde par le parlementaire « étant donné que [les membres de la CCP] sont amenés à fixer les taux d’une redevance. Ce n’est pas rien et on pourrait même faire un parallèle avec les parlementaires et les ministres. L’objectif est bien sûr de prévenir tout conflit d’intérêts ». Et le député de Haute-Savoie de demander à ce que dans un délai d’un mois à compter de leur prise de fonction, « les membres de la commission transmettent à son président et aux ministres chargés de la culture, de l’industrie et de la consommation une déclaration d’intérêts et d’activités, selon des modalités fixées par décret. »
Son amendement avait fait toutefois chou blanc dans l’hémicycle, Patrick Bloche, rapporteur du texte, préférant déporter cette disposition de la loi au règlement intérieur. Le député PS ponctuait en tout cas ce renvoi par ce commentaire clair et net : à tout le moins, « nous aurons annoncé ici que le législateur souhaite que [la Commission] le fasse ». Analyse partagée par Fleur Pellerin, celle-ci jugeant « très intéressante » l’instauration d’une telle obligation.
En Commission Copie Privée, ce point « très intéressant » a perdu de son plumage, spécialement côté ayants droit où il a suscité des questionnements, plutôt qu'une approbation bruyante et nette. Finalement, le tout a été renvoyé à un groupe de travail, sans que l’on sache très bien si l’obligation sera ou non actée dans le règlement intérieur.
D’autres questions en souffrance, dont celle des tablettes
Des non-ayants droit ont aussi fait état des autres propositions du rapport Maugüe, lequel fut censé trouver des pistes pour réactiver la CCP. On pense à celle visant à faire adopter des barèmes en puisant au moins une voix dans chacun des deux collèges autres que celui des ayants droit. L’idée a cette fois été très mal accueillie par ces derniers.
Au contraire, ces bénéficiaires de la ponction ont réclamé que soit traitée d’urgence une série de questions relatives notamment à l’interprétation des 1 To (1 000 Go ou 1024 Go ?) et surtout à la situation des tablettes.
Le nœud central ? Savoir si Windows est ou non un système d’exploitation propre à ces appareils, afin de protéger leur assujettissement contre d’éventuelles actions en justice. Pour comprendre pourquoi, il faut remonter à une précédente décision de la Commission, publiée au Journal officiel de février 2012 : seules sont éligibles à la redevance « les tablettes tactiles multimédias avec fonction baladeur munies d’un système d’exploitation pour terminaux mobiles ou d’un système d’exploitation propre » (32 Go, 10,50 euros HT, 64 Go, 12,60 euros HT, etc.). Par ce biais, les tablettes sous le système généraliste Made In Redmond étaient exclues du spectre, non celles sur Android, considéré comme système d’exploitation propre.
Peu avant Noël 2014, Copie France, organisme collecteur des ayants droit, a publié son interprétation de cette disposition afin de l’imposer au secteur : toutes les tablettes sont désormais frappées par la redevance copie privée, même si certains OS « fonctionnent également sur d’autres terminaux ». Mieux, cette décision est rétroactive à février 2012.
Toujours cet été, dans un autre rapport sur la Copie Privée, le député Marcel Rogemont a en tout cas jugé incohérente et caduque ces distinctions réglementaires entre tablettes Windows et celles sous Android, d’autant que « Android est devenu un système d’exploitation généraliste, au même titre que Microsoft Windows. »
Il relève d’ailleurs qu’Archos « refuse de payer la RCP depuis près de deux ans car elle estime que la définition de l’assiette fait d’elle un fournisseur d’ordinateurs pour tous les appareils qu’elle vend, au regard du système d’exploitation qu’elle utilise (Android). »
Bref, selon lui, il faut désormais aller plus loin et « engager un travail de redéfinition de l’assiette de la copie privée », sachant qu’ « il est en particulier difficilement compréhensible que les ordinateurs échappent encore aujourd’hui à la RCP, alors que les tablettes sont assujetties. »