Exclusif. Hier, alors que les industriels (importateurs, fabricants, distributeurs) annonçaient leur démission de la Commission copie privée, celle-ci a décidé de poursuivre ses travaux avec la Fédération française des télécoms (FFT). L'organisation a refusé de démissionner, attendant le sort de ses propositions. Nous avons désormais les détails des voeux d'Orange, SFR et Bouygues, principaux membres de la FFT.
Hier, deux réunions étaient organisées en commission copie privée. C’est à cette occasion que le président de la Commission copie privée a, selon nos informations, commandé une étude juridique au ministère de la Culture pour savoir si la démission des 5 industriels étaient bloquante ou non. Contrairement aux pronostics des démissionnaires, il a été décidé que les travaux continueraient en attendant la remise de ces conclusions.
La première réunion faisait suite à une séance du 6 novembre 2012, où le quorum des 18 membres n’avait pas été atteint. Une nouvelle réunion était donc programmée hier, cette fois sans quorum. L’objet ? Examiner le nouveau barème des baladeurs MP3 et MP4, des téléphones mobiles multimédias, des tablettes tactiles multimédias, des systèmes de navigation et des autoradios à disque dur intégré.
La réunion de 16h30 était plus importante encore. Elle portait sur la discussion générale des propositions de tous les barèmes de rémunération pour copie privée présentées lors des séances précédentes. À la grande surprise, le quorum a été cette fois atteint dès le premier jet. Il y avait les 12 membres des ayants droit, les 6 consommateurs, mais aussi la Fédération française des télécoms, qui s’est désolidarisée du collège des industriels.
De 51 à 16 euros : du barème théorique au barème négocié
Les discussions ont pris pour base le barème hypothétique calculé par les ayants droit. C'est ce fameux barème qui orchestre des hausses parfois très fortes (+326 % sur les tablettes), et qui a été le moteur de la démission d'une partie des industriels.
Dans le pas de danse habituel des dix pas en avant, huit pas en arrière, les ayants droit ont proposé hier de nouveaux barèmes moins gourmands, mais toujours en hausse. Sur les tablettes, par exemple, ils se satisferaient désormais de 12 euros environ pour 32 Go (10 euros actuellement, 25,60 euros hypothétiquement) et 16 euros pour 64 Go (12 euros actuellement, 51,20 euros hypothétiquement).
Mais l’attention était surtout du côté de la Fédération française des télécoms. Contactée mardi, celle-ci nous a révélé qu’elle refusait pour l’heure de démissionner préférant attendre le sort de ses contre-propositions. Des contre-propositions ? La FFT a en effet adressé fin octobre une lettre à la Commission copie privée, que nous avons pu depuis consulter. Dans cette missive, elle propose de nouveaux barèmes pour les box, les tablettes et les téléphones, soit le cœur de cible de son activité commerciale.
Les contre-propositions d'Orange, SFR et Bouygues
La FFT voudrait par exemple que le barème des box (partie serveur ou disque dur sur la partie TV) intègre désormais des paliers de plus petite capacité. Il est « absolument indispensable que ces barèmes reflètent mieux la diversité des capacités de stockage aujourd’hui offertes par les box des opérateurs, en particulier le cœur de gamme de ces équipements en ajoutant des premiers paliers de plus petite capacité. Par ailleurs, il ne serait pas compréhensible pour les opérateurs que les nouveaux barèmes applicables aux boxs se traduisent par une hausse des montants à offre identique », écrit-elle dans son courrier.
Les actuels barèmes touchants les box
Les nouveaux barèmes box proposés par la FFT
La FFT note que « plus largement, afin de converger vers un barème mutuellement satisfaisant, il nous parait également nécessaire qu’un effort supplémentaire soit consenti sur l’ensemble des montants des redevances envisagées ».
Les barèmes Tablette et Téléphone proposés par la FFT
Autre chose : Orange, Bouygues, SFR proposent aussi que les tablettes tactiles soient frappées finalement de 11,30 euros (tranche 10 à 20 Go) et de 13,60 euros (+40 Go) de copie privée. C’est une hausse par rapport aux barèmes existants (+1,30 euro, et + 3,60 euros, respectivement). Elle souhaite que les téléphones multimédias soient assujettis à 7,60 euros (20 à 40 Go) et 11,45 euros (au-delà de 40 Go). C’est cette fois une baisse des montants, par rapport au barème existant.
Des biais et des coefficients multiplicateurs
Pourquoi ces ajustements ? La copie privée compense un préjudice évalué par les études d’usage. Plus on copie licitement, plus l’ayant droit peut réclamer une indemnisation à ce titre. Dans son courrier, la FFT a dénoncé la prise en compte de pratiques de copies non avérées dans les études d’usage des ayants droit : des copies de bandes-annonces, de spectacles filmés, etc. Aussi, l’étude des ayants droit comporte des incohérences et des biais.
Des biais ? Dans les études, les acquéreurs récents ont été surreprésentés (29% en T2 et T3 2011). Selon une technique habituelle, pour déterminer les copies faites sur la durée de vie du matériel (2 ans), les ayants droit multiplient par quatre les résultats glanés sur six mois. Problème, « la consommation des copies n’est pas linéaire dans le temps », soutient la FFT : le consommateur effectue un grand nombre de copies dès l’acquisition (synchronisation du stock de films, musiques, etc.) et ce mouvement est accentué par l’effet de découverte qui accroit l’utilisation des capacités dès les premiers mois. En amplifiant ces pratiques gourmandes en copie privée sur deux années, les ayants droit gonflent artificiellement les pratiques et maximisent leur rémunération.
La FFT propose du coup que les études d’usage distinguent le nombre de copies selon les durées de possession. La balle est maintenant dans le camp des ayants droit. Sachant l’exercice compliqué, Orange, SFR et Bouygues proposent d'utiliser « à défaut un multiple de 3,5 », au lieu du X4 des ayants droit. Un multiple qui « semble plus raisonnable » à la FFT.