À l'issue du vote, 96,52 % des membres du syndicat ayant participé se sont prononcés en faveur d'une grève. Si le taux de participation n'est pas précisé, le syndicat affirme qu'il lui suffisait d'un score de 75 % pour le « oui » afin d'obtenir le droit de déclarer grève. Pour l'heure le SAG-AFTRA n'a pas encore décidé d'en faire usage, mais cette nouvelle possibilité pourrait permettre aux doubleurs de se faire un peu mieux entendre lors des prochaines négociations.
L'un des principaux syndicats d'acteurs des États-Unis est entré en grève la semaine dernière. Selon lui, les doubleurs dans le domaine du jeu vidéo ne sont pas reconnus à leur juste valeur par les éditeurs, qui veulent leur imposer des conditions de travail difficiles, quand il n'est pas question d'amendes infligées au bon vouloir des producteurs.
Dans la création d'un jeu vidéo, plusieurs centaines de personnes peuvent intervenir, et toutes ont un rôle relativement important, qu'il s'agisse des développeurs, des artistes, des game designers, mais aussi des acteurs qui doublent les personnages des jeux pour leur donner vie. Si l'on s'imagine que ces derniers reçoivent une rémunération à la hauteur de leur importance dans la qualité perçue d'un jeu, dans la pratique les choses semblent bien plus compliquées.
Des conditions de travail complexes
Le syndicat américain SAG-AFTRA qui représente environ 160 000 acteurs, journalistes, chanteurs, DJ et diverses autres professions, dont les acteurs de doublage tente actuellement de renégocier les conditions de travail des acteurs de doublage dans l'industrie vidéoludique.
Celles-ci sont assez difficiles. Will Wheaton, connu pour son rôle dans Star Trek : La Nouvelle Génération et doubleur à ses heures, explique ainsi sur son blog que les séances d'enregistrement peuvent durer 6 à 7 heures d'affilée, un temps pendant lequel sa voix est mise à rude épreuve. L'acteur décrit des séances où il doit répéter trois à quatre fois des centaines de phrases en forçant sur sa voix, ce qui l'empêche ensuite de l'utiliser correctement pendant toute une semaine. Un laps de temps pendant lequel il ne peut donc pas exercer son métier d'acteur, ni même n'importe quelle autre tâche qui lui demanderait de parler.
Les éditeurs veulent pouvoir imposer des amendes aux employés et au syndicat
Pour complexifier encore la tâche, lors des dernières négociations de branche, les éditeurs ont fait savoir qu'ils souhaitaient imposer de nouvelles conditions encore plus dures aux acteurs. Ils aimeraient par exemple avoir la possibilité de leur infliger des amendes de 2 500 dollars s'ils arrivent en retard à un enregistrement ou « si vous n'êtes pas attentifs aux services pour lesquels vous avez étés engagés ». En d'autres termes, n'importe quelle distraction peut faire l'objet d'une amende plutôt salée. À partir du moment où le producteur estime que l'acteur n'est pas attentif, la sanction peut tomber.
Autre point épineux, les éditeurs veulent pouvoir infliger des amendes comprises entre 50 000 et 100 000 dollars au syndicat si un agent n'envoie pas un acteur à certaines auditions. De plus les producteurs veulent avoir la possibilité de forcer le syndicat à révoquer la licence des agences qui ne se plient pas à leurs exigences.
Des revendications multiples
Le syndicat ne veut quant à lui pas entendre parler de ces deux clauses et souhaite tout simplement les voir disparaître des prochains accords de branche. Il insiste par contre pour que trois nouvelles clauses soient ajoutées dans les textes.
La première concerne des bonus accordés aux acteurs de doublage en fonction des performances commerciales des jeux auxquels ils ont participé. Le syndicat veut imposer « de raisonnables bonus de performances » lorsqu'un jeu est écoulé à plus de deux millions d'exemplaires. Une prime serait accordée aux acteurs à chaque fois qu'un palier de deux millions de ventes est atteint, avec un plafond à huit millions d'unités.
Le syndicat entend également que les producteurs payent un bonus pour les séances d'enregistrement les plus intenses, de la même façon qu'ils payent une prime pour les cascades mettant l'organisme à rude épreuve. Enfin, le SAG-AFTRA souhaite que les acteurs chargés de la capture de mouvement pour les animations des jeux soient rattachés à leur régime, ce qui n'est pas le cas actuellement.
La menace d'une grève
Les négociations entamées en février dernier entre le syndicat et les producteurs n'ayant pour l'heure toujours pas abouti sur le moindre compromis, le SAG-AFTRA a décidé de lancer un vote parmi ses adhérents afin de déterminer si, oui ou non, la profession doit se mettre en grève.
Ouvert depuis le 16 septembre, le scrutin sera fermé le 5 octobre prochain et dépouillé dans la foulée. Si le résultat est positif, les acteurs auront l'interdiction formelle de travailler sur le moindre jeu vidéo. S'il n'est pas encore possible de connaître l'issue du scrutin avec certitude, de nombreuses voix se sont déjà fait entendre sur le sujet : Jennifer Hale, qui donne vie à la version féminine du Commandant Shepard dans Mass Effect, ou David Hayter qui donne sa voix a Solid Snake.
Cette grève, si elle a lieu, ne devrait toutefois pas perturber outre mesure les lancements de jeux prévus pour cette fin d'année, mais les titres dont la sortie est attendue pour l'an prochain pourraient bien souffrir de quelque retard si le mouvement devait s'éterniser.