Le cœur de la surveillance internationale ausculté par les députés

Premiere journée de débats
Droit 5 min
Le cœur de la surveillance internationale ausculté par les députés
Crédits : Bumbasor/iStock

C’est aujourd’hui que la proposition de loi sur la surveillance internationale sera débattue à l’Assemblée nationale. 35 amendements sont programmés, ce qui devrait entraîner un examen express du texte, avant son transfert au Sénat.

Cette proposition de loi est consécutive à la décision du Conseil constitutionnel. Le 23 juillet, celui-ci a décapité l’un des articles phares du projet de loi Renseignement, celui sur la surveillance des communications reçues ou émises depuis l’étranger. Les juges ont en effet considéré que le législateur ne pouvait en aucun cas déléguer à l’exécutif le soin de définir les modalités d’exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés. De ce fait, il avait ignoré sa compétence, figée par l’article 34 de la Constitution.

Le véritable texte sur le renseignement

L’enjeu est donc désormais de combler cette brèche juridique, qui fut béante même avant la loi sur le renseignement puisqu’aucune mesure n’encadrait ces données. Il faut surtout comprendre que le véritable texte sur le renseignement est cette proposition sur la surveillance internationale. Les principaux outils de la loi votée cet été n’interviendront en effet qu’à titre résiduel.

Ils ne pourront s’activer que pour les échanges franco-français, ceux dont les services savent immédiatement qu’ils se rattachent au territoire national. Quoi qu’en dise le gouvernement, il n’est donc pas certain qu’un échange Gmail, toujours entre deux Français, puisse prendre le chemin de la loi Renseignement plutôt que la future loi sur la surveillance internationale. En cause, l’adresse IP Gmail qui, si elle est la seule retenue, parfumera d’extranéité cette communication pourtant franco-française.

Quelles différences entre la loi et la proposition de loi ? Comme expliqué maintes fois dans nos colonnes, les procédures sont désormais plus légères. Il n’y a par exemple pas d’avis préalable de la commission de contrôle des techniques du renseignement. De même, les données collectées peuvent en principe être conservées plus longtemps si elles sont réputées avoir été collectées à l’étranger.

35 amendements déposés

La « PPL » est débattue cet après-midi à l’Assemblée nationale. Quelque 35 amendements ont été déposés par les parlementaires. Certains visent à resserrer les hypothèses où la surveillance internationale pourra s’activer (amendement 32), ou bien à accentuer la protection des personnes utilisant justement des numéros rattachables au territoire national (amendement 33). 

Signalons également l’amendement 3 de Sergio Coronado, qui s’attaque à la boîte noire version surveillance internationale. Contrairement à la loi sur le renseignement, où l’algorithme est limité à la détection de la menace terroriste, dans la proposition de loi, il est ouvert à toutes les vastes finalités. C’est, dit la PPL, « l’exploitation non individualisée des données de connexion interceptées » par « traitements automatisés ». Les élus EELV veulent ainsi une suppression pure et simple car « ces systèmes de captation massifs de correspondances (...)n’étaient nullement prévus dans l’article de la loi renseignement censuré par le Conseil constitutionnel ».

Vœux partagés par Lionel Tardy (LR), auteur de l’amendement 24 ou encore par Laure de La Raudière, laquelle se souvient de l’arrêt Digital Rights de la CJUE qui a pilonné la surveillance de masse (amendement 26). La députée LR s’attaque également à un autre article de la proposition de loi socialiste, celle permettant la surveillance de « zones géographiques » ou « d’organisations ». Une « surveillance non ciblée » selon la parlementaire, qui la juge « gravement attentatoire aux libertés fondamentales et ne respecte pas la vie privée ». Selon elle en effet, « afin de respecter le principe d’une surveillance proportionnée et donc ciblée, toute mention d’une surveillance pouvant s’exercer sur des zones géographiques ou des organisations entières doit être supprimée » (amendement 35).

Protection des avocats, magistrats, journalistes, parlementaires

D’autres amendements sont plus précis encore. Ainsi, Sergio Coronado (amendement 23) et Laure de La Raudière (amendement 34) comptent modifier l’étendue de la protection des magistrats, avocats, journalistes, parlementaires. En l’état, la PPL indique que « les personnes qui exercent en France un [tel] mandat ou une profession (...) ne peuvent faire l’objet d’une surveillance individuelle de leurs communications à raison de l’exercice du mandat ou de la profession concernée ».

L’idée serait donc que la mention restrictive « en France » soit supprimée. Pourquoi ? Tout simplement parce que « l’importance de protection du secret des sources ou du secret professionnel de certaines professions ou certains mandats doit s’appliquer au-delà des frontières nationales. L’accroissement des échanges d’information entre services de renseignement de pays différents rend nécessaire la généralisation de cette protection ». Ce vœu rejoint celui de la FABA, association d’avocats franco-américain, qui n’a de cesse de lutter contre l’extension de cette surveillance, au regard du caractère secret des échanges entre l’avocat et son client. 

Laure de La Raudière a d’ailleurs déposé un amendement plus musclé encore : il vise à interdire toute surveillance de ces acteurs. Pourquoi ? Car « il n’est pas possible de déterminer avant le traitement des communications, si elles ont été passées à raison de l’exercice du mandat ou de la profession des personnes concernées. Il est donc fondamental de protéger l’ensemble de leurs communications » (amendement 36). Une problématique là aussi plusieurs fois signalée ici. Des amendements comptent enfin revoir à la baisse les durées de conservation des renseignements collectés.

Le texte débute en tout cas son examen en séance. Viendra ensuite le tour du Sénat. Le gouvernement ayant décidé de déclarer l’urgence, il n’y aura a priori pas d’autre navette entre les deux chambres. Tant pis pour ceux qui pouvaient espérer de longs et détaillés débats : le vote définitif pourrait intervenir à très brève échéance. Reste une inconnue : on ne sait pas si le chef de l’État envisagera de saisir le Conseil constitutionnel comme il le décida, finalement, pour le projet de loi Renseignement.

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