Dans un communiqué, Altice précise avoir réussi son augmentation de capital. L'opération n'a toutefois pas eu le succès escompté, puisqu'au lieu des 1,8 milliard d'euros attendus, la société n'a finalement levé que 1,61 milliard d'euros. Les marchés ont immédiatement réagi à la nouvelle et le cours de l'action Altice chute désormais de plus de 10 %.
Altice vient d'annoncer le lancement de deux étapes importantes dans le rachat de Cablevision : une augmentation de capital pour 1,8 milliard d'euros et l'émission de 8,6 milliards de dollars de dettes avec un taux d'intérêt très élevé. Un taux qui explique à lui seul le soudain besoin d'Altice de mettre ses envies de rachat en pause.
Ces dernières semaines, l'actualité d'Altice a été marquée par deux évènements importants. Le premier n'est autre que le rachat du câblo-opérateur Cablevision pour 17,7 milliards de dollars. Le second tient en une déclaration du directeur général d'Altice : « Nous devons à nos investisseurs, aussi bien sur le plan de la dette que de nos fonds, de mettre en pause le rythme de nos acquisitions, notamment les plus grandes ». Il faut dire que la firme de Patrick Drahi a été plus que gourmande ces derniers mois.
Un emprunt de plus de 8 milliards de dollars
Pour financer le rachat de Cablevision, Altice avait initialement annoncé que les 17,7 milliards de dollars nécessaires pour l'acquisition seraient réunis en cumulant 14,5 milliards de dollars de liquidités et de dettes de Cablevision, ainsi que 3,3 milliards de dollars de liquidités issues des comptes de la multinationale néerlandaise, sans dévoiler davantage de précisions sur le mode opératoire.
Altice vient justement d'en donner et explique que Cablevision a réussi à lever 8,6 milliards de dollars de dettes sous la forme de trois prêts avec un taux moyen de 7,6 % sur une durée comprise entre 7 et 10 ans. Cela porte la dette totale de Cablevision à hauteur de... 14,5 milliards de dollars, un chiffre que l'on a déjà vu un peu plus haut. À cela vient s'ajouter une ligne de crédit « revolving » de 2 milliards de dollars, ouverte pour 5 ans dans laquelle l'entreprise n'a pas encore pioché.
En plus, Altice se lance dans une augmentation de capital, à hauteur de 10 %. Une opération qui devrait lui rapporter 1,8 milliard d'euros, et dans laquelle « certains dirigeants d'Altice ont indiqué leur intention de souscrire [à l'offre] pour un montant cumulé d'au moins 150 millions d'euros ».
44,7 milliards de dollars de dettes et une pause soufflée par les marchés
Au total, Altice cumule une dette de 44,7 milliards de dollars, un chiffre plutôt conséquent. Son passif est ainsi 5,7 fois supérieur à son EBITDA, une valeur très élevée. Dans sa méthodologie pour la notation des entreprises dans le secteur des télécommunications, l'agence Moody's explique par exemple qu'un effet de levier supérieur à 6x est un des critères retenus pour une notation « Caa ». Actuellement, Numericable-SFR affiche un levier de 3,1x, contre 2,15x environ pour Orange ainsi que 0,81x pour Iliad, tandis que Suddenlink et Cablevision sont à respectivement 7x et 7,4x.
Extrait de la méthodologie de Moody's
Il s'agit à titre de comparaison de la note actuellement affectée à AMD et qualifie un investissement comme étant « ultra spéculatif ». Pour l'heure Altice profite d'une note de B1, trois crans au-dessus de Caa1, la qualifiant de « très spéculative » et une réévaluation de sa note est en cours, avec une perspective négative.
Ces notes permettent à une entreprise de déterminer à quel taux elle peut emprunter de l'argent sur les marchés. Plus l'investissement est risqué, plus les intérêts sont élevés. En réclamant des taux supérieurs à 7 % sur 10 ans (la Grèce emprunte a 8,3 % sur cette période en ce moment) les marchés font bien comprendre à Altice qu'il est temps de faire une pause. Ce message, l'entreprise l'a entendu et a annoncé vouloir lever le pied sur les acquisitions pendant environ 2 ans.
Les marchés veulent un désendettement plus rapide
Nos confrères de Challenges se sont procuré un rapport de Goldman Sachs sur la situation actuelle d'Altice. Les analystes de la banque d'investissement estiment ainsi que le résultat d'exploitation de la firme de Patrick Drahi devrait passer de 9,6 à 11,5 milliards de dollars sur la période 2016-2019 pendant que la dette du groupe se réduirait de 44,7 à 37,2 milliards de dollars.
Si la banque assure que les marchés « sous-estiment la capacité du groupe à réduire ses ratios d’endettement », elle indique également qu'il serait tout de même préférable de mettre un bon coup de collier pour réduire la dette. « Nous pensons qu’une réduction plus rapide des ratios d’endettement (« rapid de-levereging ») contribuerait à améliorer la confiance des investisseurs et à réduire le risque financier » peut-on ainsi lire dans le document. La banque pense d'ailleurs que le cours de l'action Altice pourrait atteindre la barre des 32 euros d'ici un an.
Les actionnaires eux, n'ont pas spécialement l'air d'accord avec ce dernier point, et ont sanctionné les annonces du groupe avec une baisse d'environ 4,5 % du cours boursier de la société, qui est passé de 18,50 euros à 17,90 euros au moment où nous rédigeons ces lignes. Depuis le 11 août, date de la restructuration de l'entreprise, sa valorisation boursière a chuté de 36,6 %.