Facebook, Google et Microsoft veulent connecter l'Inde. Ça tombe bien, le gouvernement veut amener Internet partout dans le pays, avec de l'aide extérieure si besoin. Quand Facebook propose des services mobiles gratuits, Google se prépare à connecter 400 gares et Microsoft 500 000 villages. Par pur altruisme.
Avec les réseaux vient le progrès. C'est le message qu'ont martelé ce week-end les géants du numérique américains et le Premier Ministre indien Narendra Modi, en visite à la Silicon Valley. Le but du gouvernement indien est simple : convaincre ces entreprises d'investir dans son pays. La tâche n'a pas semblé particulièrement rude, tant les sociétés qu'il a visité lui ont déroulé le tapis rouge. Facebook, Google et Microsoft ont notamment annoncé une série d'initiatives pour connecter les Indiens à Internet, souvent gratuitement. La Silicon Valley veut prendre pied sur le marché indien, et elle s'en donne les moyens.
Cette volonté coïncide avec le programme Digital India, lancé par le gouvernement. Il vise à fournir des services numériques à une population encore très peu connectée, ce qui passe notamment par le raccordement des zones rurales en haut débit et l'apprentissage du numérique. Des domaines dans lesquels les sociétés américaines proposent leur aide sans contrepartie visible, même si le gouvernement indien ne se veut pas dupe. « Pour progresser, l'Inde doit devenir un leader en ligne. [...] J'espère que [votre implication] ne sera pas juste une manière de remplir votre compte en banque » a d'ailleurs lancé le Premier Ministre indien à Mark Zuckerberg lors d'une session de questions-réponses organisée au siège de l'entreprise.
Après Internet.org, Facebook s'affiche à l'ONU
Pour toute implication en Inde, Facebook est surtout connu pour ses « Free Basics by Facebook » (ex-Internet.org), un catalogue de services mobiles fournis via une connexion gratuite dans certaines régions. L'initiative lancée en février dans le pays a rapidement suscité une levée de boucliers de la part d'associations et entreprises américaines et indiennes. En cause, le principe même de l'initiative : des applications web sélectionnées par Facebook fournies à la place d'une « vraie » connexion Internet. La semaine dernière, en amont de la visite de Narenda Modi, le groupe américain a revu en partie sa copie. Outre le renommage, les connexions web sont désormais chiffrées et le catalogue quelque peu amélioré. Des points noirs importants subsistent, comme le fait de ne proposer qu'une sélection restreinte de services et de s'arroger la propriété des données d'utilisation.
Lors de sa discussion avec le Premier Ministre indien et sur son profil Facebook, Mark Zuckerberg a rappelé son implication dans le projet Digital India. Le réseau social a même mis en place une application pour montrer son soutien au programme gouvernemental. « En donnant aux gens l'accès aux outils, aux connaissances et aux opportunités d'Internet, nous pouvons donner une voix aux sans voix et du pouvoir aux impuissants. Nous savons aussi qu'Internet est un facilitateur vital pour l'emploi et la croissance. La recherche nous montre que pour 10 personnes connectées à Internet, une sort de la pauvreté » explique le fondateur du groupe sur son profil.
Ce week-end, il est surtout intervenu à la 70e assemblée annuelle des Nations unies, pour rappeler que connecter le monde est « un des grands défis de notre génération ». Pour ce faire, Facebook soutient officiellement l'initiative Connect the world de l'ONG ONE. Il a également annoncé un partenariat avec les Nations unies pour fournir Internet dans des camps de réfugiés « partout dans le monde ».
Google veut connecter les gares, Microsoft les villages
Le tour du Premier Ministre indien ne s'est pas limité à Facebook. La visite des locaux de Google a été l'occasion pour Sundar Pichai, le nouveau président de la société, d'annoncer une nouvelle initiative pour connecter les gares du pays. Le groupe proposera ainsi du Wi-Fi public « à haute vitesse » dans 400 stations de train indiennes, pour permettre de lire des vidéos ou de chercher des itinéraires sur place. Pour cette opération, Google s'associe au gestionnaire du réseau ferroviaire Indian Railways et à l'opérateur RailTel. Les premières stations devraient être couvertes d'ici la fin de l'année, une centaine des stations les plus fréquentées devant arriver en 2016. Le reste devrait « suivre rapidement », sans plus de précisions.
« Même avec juste les 100 premières stations, ce projet rendra le Wi-Fi disponible pour plus de 10 millions de personnes qui y passent chaque jour » vante Google. L'offre sera d'abord gratuite, même si Google compte la rendre rentable à long terme. L'entreprise compte déjà étendre le nombre de partenaires qui fourniront les connexions, pour couvrir plus de stations « et d'autres endroits ». Pour rappel, l'Inde a été le premier pays à accueillir son initiative Android One, centrée autour de terminaux Android à bas coût destinés aux pays émergents. Il est devenu l'un des axes centraux de son développement.
De son côté, Microsoft propose de connecter 500 000 villages indiens via des offres abordables, en partenariat avec le gouvernement, rapporte Times of India. Microsoft doit également annoncer cette semaine qu'il fournira bientôt ses services à partir de datacenters hébergés en Inde. « Nous croyons que la connectivité haut débit à bas coût, couplée à l'intelligence du cloud computing qui peut être tirée des données, peut aider à développer la créativité, l'efficacité et la productivité des gouvernements et des entreprises de toutes tailles » a affirmé Satya Nadella, le président de Microsoft, lors d'un diner organisé pour la venue du représentant indien.
Les géants du Net sont clairement dans une entreprise de séduction des Indiens, après avoir tenté leur chance en Chine. « Ils regardent et se disent "Il y a cinq ans, c'était la Chine, et j'ai probablement manqué le bateau. Maintenant, j'ai une chance de vraiment réussir" » en Inde, estime Punit Soni, un ancien responsable de Google interrogé par le New York Times. Reste à voir si la volonté de ces entreprises diffèrera à un moment ou un autre avec celle du gouvernement indien, qui veut faire de son pays un géant du numérique.