Téléchargement illicite : l’affaire GKS.gs épisode 2, saison 1

Hongrois rêver
Droit 5 min
Téléchargement illicite : l’affaire GKS.gs épisode 2, saison 1
Crédits : iStock/ThinkStock

Selon nos informations, l’affaire GKS.gs a été audiencée hier à la Rochelle. L’administrateur de ce site avait été condamné à 2 millions d’euros de dommages et intérêt et 6 mois de prison avec sursis en février dernier. Premiers détails sur ce dossier épineux qui place sur les bancs des accusés le site de liens BitTorrent.

 « Cette affaire a été plaidée hier devant le tribunal correctionnel de La Rochelle, qui rendra son jugement le 22 octobre » nous a confirmé Me Nicolas Boefsplug, l’avocat de la Société civile des producteurs de disque, qui représente les intérêts des principales majors. Nous avons également appris que le ministère public avait requis la confirmation des premières peines prononcées en février 2015.

Lors de ce premier jugement rendu par défaut, le tribunal correctionnel de la Rochelle avait considéré que ce site, son fonctionnement et l’historique démontraient « le caractère manifestement illicite » de son activité « et de son logiciel (en fait son site, NDLR) permettant la mise à disposition non autorisée à un nombre de personnes considérable (56 636 membres au 1er PV) et en quantité très importante d’œuvres protégées ». Ce tracker, référençant des liens torrents, permettait aux membres de télécharger des films, musiques, etc. en peer-to-peer en quelques clics.

Boris P., reconnu comme administrateur, avait alors écopé de 6 mois de prison avec sursis et la fermeture totale de son entreprise pour 5 ans. En outre, sur le terrain civil, les ayants droit avaient obtenu plus de 2 millions d’euros de dommages et intérêts ainsi répartis :

  • SACEM/SDRM : 564 762 euros
  • SEVN : 5 000 euros
  • FNDF : 5000 euros
  • Columbia Pictures : 158 130 euros
  • Disney : 242 735 euros
  • Paramount : 221 575 euros
  • Tristar : 11 010 euros
  • 20th Century Fox : 228 785 euros
  • Universal City Studio : 172 560 euros
  • Warner Bros : 470 205 euros

Seulement, ce dossier avait été rendu par défaut, le jeune homme de 28 ans nous avait en effet assuré ne pas avoir reçu de convocation dans une interview publiée sur Next Inpact. « J'ai été jugé sans le savoir, alors que mon entreprise est localisée chez ma mère ! », laquelle vit en France. Celui qui habite désormais en Hongrie a donc pu faire rejuger ce dossier intégralement, du fait de la faculté d’opposition ouverte à tout justiciable disposant d’une « excuse valable », comme on dit dans le jargon.

« Un procès d'un autre âge »

Boris P. a été défendu par Me. Ronan Hardouin. Selon ce spécialiste du droit de l’hébergement, « c’est un procès d’un autre âge » nous confie-t-il. « Lorsqu’il y a une offre légale publique suffisante, les internautes s’y rendent et les derniers chiffres diffusés par le SNEP vont dans ce sens. Du coup, le peer-to-peer n’est peut-être pas le premier facteur de contrefaçons que les ayants droit dépeignent, ou une technologie qui ruine l’industrie du divertissement. Surtout, les méthodes utilisées ne sont peut-être pas les bonnes. Plus ces acteurs agissent ainsi, plus on peut craindre une profusion de sites, bref si l’idée est vraiment de lutter contre le piratage, la bonne méthode pourrait être l’approche Follow the money ». Celle-ci vise en effet à casser les liens financiers des sites de téléchargement, soit via les régies publicitaires, soit par le biais des intermédiaires financiers.

L’intéressé a plaidé le statut de l’hébergeur, qui n’avait pas été reconnu dans le premier jugement rendu par défaut. « Autre chose, GKS n’était pas un logiciel dès le départ de sa conception manifestement destiné à la contrefaçon, contrairement à ce qu’indiquent les ayants droit. Pour moi, les contenus contrefaisants ont été le résultat des mises en ligne de la communauté, révélant l'intermédiation technique de GKS. »

Un point moins classique a été également soulevé par l’avocat de Boris P. : l’article 335-1-2 du CPI, qui sert de socle aux prétentions des ayants droit, serait non opposable en France. Pourquoi ? Car selon Me Ronan Hardouin, cette disposition, née de l’amendement Vivendi durant les débats sur la loi DADVSI en 2006, constituerait une norme technique qui aurait dû être notifiée à Bruxelles selon les règles posées par la directive 98-34 (directive dite notification). Ce qui n’a pas été fait. Fait notable, la justice en France a déjà fusillé une disposition pour défaut de notification. Le point est donc à suivre de près.

Pour appuyer leur demande d’indemnisation, les ayants droit ont notamment mis en avant une atteinte à leur droit de représentation. Mais selon Me Hardouin, poser qu’un lien hypertexte est une atteinte à un tel droit suppose un acte de communication directe au public. « Or, quand on doit cliquer pour accéder à quelque chose, cela exclut toute communication directe au public ». Il s’appuie notamment là sur les travaux du CSPLA, au ministère de la Culture, « où il y a un consensus : le lien simple n’est pas un acte de représentation. »

L’épineuse question des liens pose aussi la question des dommages subis par les ayants droit : « tous les liens n’ont pas été ouverts, poursuit Me Hardouin. On ne sait donc pas vers quels contenus ils renvoyaient. De même, rien ne dit que les œuvres potentiellement liées auraient été achetées par les internautes ». Celui-ci a tout autant regretté « l’absence de standard en matière de calcul de l’indemnisation. Certains évoquent cinq euros par œuvres, voire plus, d'autres beaucoup moins. »

Les producteurs de disque réclament 800 000 euros désormais

La SCPP avait contesté la première décision, et pour cause : les producteurs de disques avaient vainement espéré obtenir eux-aussi une rondelette réparation. Un couac, cependant, ils n’avaient pas justifié « que les œuvres ici en cause fassent partie de ceux dont elle protège les droits demandant d’ailleurs une indemnisation par proratisation à hauteur de son répertoire (80 % des téléchargements) » dixit le tribunal de la Rochelle, en février dernier.

La nouvelle procédure, plaidée hier, a donc offert aux majors l’opportunité de corriger le tir. Après un surcroit de travail d’identification des œuvres de leurs catalogues, leurs demandes ont du coup grimpé de 500 000 à 800 000 euros, nous a confirmé le cabinet Boespflug. Cette réévaluation fait planer sur les épaules du jeune de 28 ans le risque de devoir payer près de 2,5 millions d'euros de dommages et intérêts.

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