Un avocat s’attaque à la surveillance internationale devant la CNCIS

Un avocat s’attaque à la surveillance internationale devant la CNCIS

L'oeil de Paris

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Marc Rees

Publié dans

Droit

17/09/2015 6 minutes
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Un avocat s’attaque à la surveillance internationale devant la CNCIS

Après avoir déposé un mémoire au Conseil constitutionnel, écrit à Manuel Valls puis à la présidente de la commission de la défense, la French American Bar Association, ou plutôt l’un de ses membres, a décidé d’en appeler maintenant à la CNCIS. Source de ses inquiétudes ? La situation de ces professionnels du droit au regard des capacités de surveillance des services français.

Me Pierre Ciric, avocat et membre de la FABA, vient d’adresser une lettre à Jean-Marie Delarue, l’actuel président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS). Il lui demande de vérifier et contrôler l’existence d’interceptions de sécurité à son encontre, «  en application de l’article 15 de la Loi n°91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques ». Si cette disposition a été abrogée par une ordonnance de 2012, elle a été recodifiée à l’article L243-9 du Code de la sécurité intérieure.

En substance, cette procédure permet à quiconque de saisir la CNCIS « en vue de vérifier si elle est effectuée dans le respect des dispositions » du code. Rappelons que si la commission estime qu'une interception de sécurité a été effectuée en violation de ces dispositions, elle peut adresser « au Premier ministre une recommandation tendant à ce que cette interception soit interrompue ». Pour mémoire, cette mesure a été reprise en partie dans la toute récente loi sur le renseignement, qui va remplacer sous peu la CNCIS par la Commission nationale de contrôle des techniques du renseignement.

Des communications Skype sous surveillance ?

Dans son courrier, révélé par La Quadrature du Net, l’avocat indique à M. Delarue que depuis le 1er avril 2008, il a « effectué de nombreuses communications par téléphone, courrier électronique, textes, Skype et autres moyens de nature électronique en tant qu’avocat avec plusieurs clients basés en France aux fins de représenter leurs intérêts devant des juridictions américaines ». Des échanges similaires ont été noués avec d’autres avocats basés en France sur la même période. Dans sa missive, longue de 13 pages, il rappelle sans mal la sensibilité de son activité, dont le secret est couvert par des dispositions pénales. De plus, de nombreux avocats installés comme lui à l’étranger nouent des relations avec des clients ou des confrères français.

Mais quel est le problème ici ? Simple. Le Premier ministre a signé en avril 2008 un décret secret permettant à la DGSE d’ « opérer des écoutes de grande envergure sur certains types de communications entre des parties privées présentes en France et des parties privées présentes aux États-Unis concernant les communications opérées sur un câble en fibres optiques traitant une communication par courriel, SMS, ou téléphone portable, et ce sans l’autorisation préalable de la CNCIS car traitée pays par pays, et non pas individu par individu », résume la lettre.

Un cadre juridique en indélicatesse avec la décision du Conseil constitutionnel

Or, la solidité juridique de ce décret secret est depuis remise en cause suite à la décision du Conseil constitutionnel sur la loi sur le renseignement. Les juges ont estimé que seul le législateur, surtout pas l’exécutif, a compétence pour encadrer ces opérations. Or, pour les faits antérieurs à cette loi, tout le régime de la surveillance internationale était laissé au bon vouloir de l’exécutif.

Bref, selon ce professionnel du droit, l’extension des mesures de surveillance auprès de ces acteurs, au moins jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi sur le renseignement, le 27 juillet 2015, « est de nature à annihiler le sacrosaint « secret professionnel » au-delà de l’encadrement judiciaire pourtant déjà existant, et affecterait l’intégrité de l’ « attorney-client privilege » américain et du secret professionnel imposé par les barreaux français ».

Du coup, il demande à la CNCIS :

  • «  De procéder au contrôle de l’ensemble de ces interceptions de sécurité entre le 1er avril 2008 et le 27 juillet 2015 ;
  • De déclarer que ces interceptions, en tant qu’elles se sont appliquées aux requérants, ont été effectuées en violation des dispositions de la loi n°91-646 du 10 juillet 1991 ;
  • De déclarer que ces interceptions de sécurité, en tant qu’elles se sont appliquées aux requérants, représentent une violation de l’atteinte à la vie privée des requérants, et ce en violation de l’article 226-1 du Code pénal ;
  • De déclarer que ces interceptions de sécurité, en tant qu’elles se sont appliquées aux requérants, représentent une violation de l’atteinte au secret professionnel, et ce en violation de l’article 226-13 du Code pénal ;
  • De déclarer que ces interceptions de sécurité, en tant qu’elles se sont appliquées aux requérants, représentent une violation de l’atteinte au secret des correspondances, et ce en violation de l’article 226-15 du Code pénal ;
  • De recommander au Premier Ministre l’interruption immédiate de ces interceptions de sécurité ;
  • De recommander au Premier Ministre la destruction immédiate de toutes les données accumulées au titre de ces interceptions de sécurité, et ce depuis la date du 1er avril 2008. » 

Selon nos informations, d’autres procédures pourraient être lancées devant les juridictions françaises très prochainement. Des avocats pénalistes pourraient en effet s'inspirer de ces possibles intrusions pour soulever la question du respect des droits de la défense.

De son côté, La Quadrature du Net, qui avec FDN et FFDN ont attaqué au fond le décret secret de 2008, « soutient cette initiative et espère que des suites seront données à cette affaire qui met en jeu le principe de l'universalité des droits, et révèle les très fortes atteintes à la vie privée, ainsi qu'à la protection des personnes soumises au secret professionnel induites par les actions de la France en matière de surveillance. La proposition de loi sur la surveillance internationale, si elle légalise ces actions, n'atténuera pas les atteintes portées aux droits fondamentaux. »

Écrit par Marc Rees

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Des communications Skype sous surveillance ?

Un cadre juridique en indélicatesse avec la décision du Conseil constitutionnel

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Commentaires (5)


Hé ben. Au moins il y en a qui s’accrochent.

 

Ce monsieur pourrait déjà commencer par ça. <img data-src=" />


Un particulier a-t-il la possibilité de faire la même demande ?

Et si oui, est-ce qu’une organisation (LQDN ?) pourrait mettre en marche la machine ?

&nbsp;

Machine bien évidemment destinée à saturer tout ceux qui se foutent la gueule du monde avec ces lois.


Il faut que tu démontres un intérêt à agir. Si oui, no pb :)

&nbsp;


Tu veux saturer quoi ? La CNCTR ?

De toute façon ça empêchera rien. Si elle ne répond pas, cela est considéré comme un accord de fait.

Déjà que tout est fait pour qu’elle ne serve que de décoration, si en plus on la surcharge…


C’est vrai que c’est pas super beau quand la déco est trop chargée <img data-src=" />