Ils s’étaient déjà plaints de la loi Renseignement auprès du Conseil constitutionnel puis de Manuel Valls. Des avocats franco-américains remettent le couvert à l’encontre de la toute récente proposition de loi sur la surveillance internationale. Next INpact diffuse la lettre qu’ils viennent d’adresser à Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Cette « PPL » - analysée ligne par ligne dans notre article - a été déposée suite à la censure partielle du Conseil constitutionnel de la loi Renseignement. Pourquoi ? Car l’article censé encadrer les activités des services spécialisés au-delà de nos frontières renvoyait à un décret le soin de fixer les modalités d’exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés. Un renvoi inconstitutionnel, selon les sages de la rue de Montpensier pour qui le législateur aurait dû consommer la plénitude de ses compétences.
Après cette censure, la French American Bar Association avait sollicité de Manuel Valls le retrait du décret secret d’avril 2008 sur l’espionnage international. Ce texte administratif, jamais publié, avait été révélé par un article de l’Obs du 1er juillet 2015. Leur missive est cependant restée sans réponse. Pire, la lecture de la proposition de loi, destinée à combler les lacunes de la loi renseignement, n’a pas éteint leurs inquiétudes.
Le 11 septembre 2015, Pierre Ciric et Thomas Vandenabeele, vice-président et président de la FABA, ont en effet adressé ce courrier à la députée, coauteure avec Philippe Nauche de la proposition de loi sur la surveillance internationale. Ce document, qui nous a été révélé par un conseiller consulaire, remet à jour leurs critiques à l’aulne des dispositions de la proposition de loi.
Une rupture d'égalité manifeste selon la FABA
En substance, selon eux, la PPL menace l’obligation de confidentialité pour les avocats situés hors du territoire national. L’affirmation doit faire l’objet d’une petite explication juridique : la loi sur le renseignement interdit la surveillance des magistrats, journalistes, parlementaires et avocats du moins s’agissant de l’exercice de leur mandat ou de leur profession. Le futur article L.854-1-.III, programmé dans le Code de la sécurité par la PPL, étend cette disposition à l’étranger.
Seulement, la FABA craint que cette mesure ne vaille que pour les Français, non par exemple pour les avocats étrangers, et notamment américains : « seuls sont protégés des techniques de renseignement (…) des avocats qui exercent en France uniquement. Par conséquent, les avocats présents en dehors du territoire national sont automatiquement soumis à ces techniques ». Or, ceux-ci sont de plus en plus appelés à gérer des dossiers confiés par des clients installés en France. Et pour eux, ce trou dans la raquette « serait de nature à annihiler le sacrosaint « secret professionnel » au-delà de l’encadrement judiciaire pourtant déjà existant, et affecterait l’intégrité de l’ « attorney-client privilege » américain et du secret professionnel imposé par les barreaux français, si la proposition de loi sur le renseignement était votée par le parlement ».
Il y a donc un déficit de confiance pour ces avocats du seul fait de leur statut d’étranger. La FABA dénonce une atteinte au principe d’égalité entre les avocats selon leur lieu de localisation « alors qu’il n’existe aucune différence appréciable de situations entre les deux catégories de façon objective, et qu’il n’existe aucune nécessité d’intérêt général pour distinguer ces deux groupes ». L’affirmation qui surfe sur les critères définis par le Conseil constitutionnel, est suivie d’une pluie de constats : « les avocats présents hors du territoire national ne représentent objectivement aucune menace distincte sur l’ordre public par rapport aux confrères présents sur le territoire national, ils ne font pas l’objet de poursuites civiles ou pénales plus accentuées que leurs confrères sur le territoire national. »
Une proposition de rustine
Dans la même veine, la proposition de loi n’est pas plus bavarde que la loi sur le renseignement : on ne sait par exemple si la protection de l’avocat profite uniquement à ceux inscrits auprès d’un barreau français et exerçant en France, ou bien vaut pour tous ceux exerçant en France, etc. Bref, pour la FABA, la PPL doit être rapidement corrigée. L’association suggère ainsi une piste de travail :
« Les personnes qui exercent en France ou à l’étranger un mandat ou une profession mentionné à l’article L. 821-7, sous l’autorité de l’État français ou d’un État étranger, ne peuvent faire l’objet d’une surveillance individuelle de leurs communications à raison de l’exercice du mandat ou de la profession concernée. »
Le texte sera discuté en commission de la Défénse demain à partir de 11h30, pour ensuite être débattu en séance sans doute d’ici la fin du mois.