Invitée hier sur France Culture, Axelle Lemaire a redit son opposition à une extension de la redevance TV aux box. Elle s‘est aussi opposée à l’idée toujours soutenue par sa collègue Fleur Pellerin, qui vise à taxer la bande passante.
Fleur Pellerin a plusieurs fois imaginé une taxe sur la bande passante afin de taper fiscalement sur les gros consommateurs de flux, au hasard les grands acteurs américains. Selon les partisans d'un tel prélèvement, en jaugeant la consommation informatique, on pourrait déduire une richesse à taxer... En avril 2013, alors qu’elle était ministre déléguée à l’Économie numérique, l'actuelle ministre de la Culture esquissait ainsi devant le Sénat « une taxe au clic ou une taxe sur la bande passante ».
Bel hasard, elle rejoignait là la SACD qui, en 2011, expliquait qu’il « est nécessaire de mieux identifier l’ensemble des recettes localisées en France afin de pouvoir toucher indirectement les entreprises délocalisées. Parmi celles-ci, la facturation de la bande passante par les fournisseurs d’accès devrait être sérieusement expertisée ». La Société des auteurs et compositeurs dramatiques prenait soin de réclamer que « pour assurer le dynamisme du financement de la création, une partie [des sommes collectées, ndlr] puisse servir à régénérer notre modèle de soutien à la création ».
Pas une bonne solution, selon Axelle Lemaire
Hier, devant les micros de Soft Power, Axelle Lemaire a accueilli avec un bol d’acide pareille idée : « Est-ce que cette solution technique-là est la bonne ? Je ne le crois pas, ne serait-ce parce que techniquement, ce serait simplement infaisable. On sait très bien que les flux passeraient par d’autres pays, d’autres tuyaux, et cela supposerait d’entrer dans des considérations techniques qui sont aujourd’hui infaisables ».
La secrétaire d’État au Numérique a par ailleurs rappelé son opposition à une extension de la redevance TV aux box, expliquant qu’une telle démarche ne rapportera que des clopinettes compte tenu du taux de pénétration des télévisions dans les foyers. Dans tous les cas, le gouvernement ne souhaite « pas augmenter la pression fiscale qui pèse sur les ménages » a-t-elle ajouté. Elle espère ainsi que François Hollande prendra position lors de son allocution du jour.
La colère des acteurs du Net
On rappellera ici la colère exprimée en mars 2015 par l’ASIC face à une telle imagination fiscale. L’association, qui regroupe Google, Dailymotion, Facebook, Microsoft, eBay, etc. sait que la vidéo est la plus consommatrice de données. Or, « les diverses plateformes de vidéos sont aujourd’hui utilisées par les industries culturelles qui y voient un vecteur de promotion, de communication, mais aussi de valorisation de leurs œuvres ». Bref, en tapant sur les intermédiaires, on frappera par effet boomerang sur la création.
Sur la question même de la bande passante, Loic Rivière, délégué général de l’Association française des éditeurs de logiciels et solutions Internet (AFDEL), avait démultiplié dans nos colonnes les arguments pour juger inadapté un tel dispositif : « Pourquoi ? D’abord parce qu’on poursuit dans le même temps des objectifs d’harmonisation fiscale au niveau européen. Ce n’est donc pas le moment d’essayer de créer des taxes spécifiques au niveau national. Ensuite, quand on élabore des prélèvements ciblant un business model, pour ne pas dire un acteur du marché, généralement on manque son objectif et il y a des effets de bord pour ceux qu’on entend épargner. Enfin, bien que ce dispositif soit imaginé pour être porté au niveau européen, il est en réalité en contradiction avec la pratique fiscale à ce niveau. La France s’est déjà fait redresser sur un certain nombre de sujets par le passé. »