Le 23 mars dernier, le ministère de la Culture chapeautait la signature d’une charte sur les bonnes pratiques dans la publicité. L’enjeu ? Étrangler financièrement les sites épinglés comme massivement contrefaisants. Jeudi prochain, la Rue de Valois poursuit cette politique avec cette fois les acteurs des moyens de paiement.
Jeudi, le ministère de la Culture annoncera le lancement du « comité de suivi des bonnes pratiques dans les moyens de paiement en ligne pour le respect des droits d’auteur et des droits voisins ». En avril, dans le cadre du plan de lutte contre le piratage des œuvres sur internet, la Rue de Valois et Bercy avaient en effet confié une mission conjointe à l’Inspection générale des finances et à Julien Neutres, du Centre National du Cinéma et de l'image animée (CNC). « Cette mission consistera à élaborer, d’ici le mois de juin, une charte visant à empêcher l’usage de moyens de paiement dématérialisés aux sites qui violent le droit d’auteur » annonçait-on alors.
La présentation jeudi, faite en présence de Michel Sapin, le ministre des Finances et des Comptes publics, a donc pris un certain retard, et semble même baisser en amplitude puisqu’on ne sait pas encore très bien si une charte sera finalement présentée.
Follow the money
À l’instar de la charte cette fois bien réelle sur la publicité en ligne, l’idée sera en tout cas d’asphyxier les sites de streaming de téléchargement direct ou de référencement accusés de tirer profits des œuvres protégées. Pour les premiers, il s’agit de pousser les professionnels de la publicité à ne pas placer d’annonces sur ces sites, les seconds devant empêcher ceux-ci de percevoir des fonds d’une manière ou d’une autre.
« Notre politique vise à permettre le développement de l’offre légale d’œuvres sur internet en multipliant les initiatives, avec notamment une action ferme vis-à-vis de ceux qui exploitent les fruits de la création sans rémunérer les artistes et les créateurs, avait poursuivi Fleur Pellerin, nous engagerons tous les moyens possibles envers ces activités illégales, avec le concours de tous les ministères impliqués dans la lutte contre la contrefaçon et les circuits financiers occultes ».
Les préconisations MIQ, briques décisives et invisibles de la loi Création
Plus concrètement, ces initiatives mettent en musique plusieurs des préconisations des rapports de Mireille Imbert Quaretta. Depuis la Hadopi, celle-ci avait préconisé ces mesures indirectes, épaulées notamment par des notifications de retrait prolongé (filtrage) ou un mécanisme de liste noire destiné à mettre au ban les acteurs les moins attentifs avec le Code de la propriété intellectuelle.
L’heure est cependant à la prudence, car en incitant les établissements financiers à casser leurs relations contractuelles avec les sites, ils sont susceptibles d’engager leur responsabilité. L’exemple de l’hébergeur 1Fichier.com est d’ailleurs très symptomatique : après la gronde de MasterCard et des ayants droit, la Société Générale a rompu son contrat monétique. En face, le français 1fichier.com s’abrite derrière la loi sur la confiance dans l’économie numérique, qui encadre la responsabilité des intermédiaires techniques, pour contester en justice cette décision qui a étranglé l’ensemble de ses ressources.
Fin 2014, les propositions de MIQ avaient en tout cas été qualifiées par Jean-Philippe Mochon, le chef du service des affaires juridiques de Fleur Pellerin, de « briques décisives » de la future loi Création. Un texte qui sera débattu fin septembre, mais dont la version actuelle, susceptible d'être amendée, ne comporte pas l’ombre d’une seule disposition pénale.