Isabelle Attard ne lâche pas le morceau. La députée (ex-EELV) vient de demander pour la troisième fois aux différents ministères de dévoiler leurs dépenses en logiciels, alors que l’exécutif s'était montré jusqu'ici relativement discret sur ce dossier...
C’est une salve de 17 questions écrites que lance aujourd’hui l’élue du Calvados : une pour chaque ministre de plein exercice du gouvernement Valls (Économie, Défense, Justice, Intérieur, Santé, etc.), plus une dernière pour le locataire de Matignon. Tous sont invités à présenter les suites données à la circulaire Ayrault de 2012, qui place sur un même pied d’égalité logiciels libres et propriétaires. Plus concrètement, Isabelle Attard voudrait savoir :
- Si des « études d'opportunités de migration de logiciels » ont été menées par l’administration, et si ce critère a été intégré dans les appels d'offres.
- S’il y a des projets en cours de migration de logiciels propriétaires vers des logiciels libres (de Microsoft Office à Libre Office par exemple).
- Si des « sources de logiciels développés en interne ou par un prestataire » ont été mis à disposition des ministères et des administrations qui en dépendent.
La parlementaire demande enfin à connaître « le montant des dépenses en logiciel, en distinguant les logiciels propriétaires des libres, au sein [de chaque] ministère et des administrations qui en dépendent, pour chaque année de 2008 à 2014 ».
Isabelle Attard confrontée au silence de certaines administrations
Ces questions ont un petit goût de réchauffé dans la mesure où ce sont sensiblement les mêmes que celles posées en mai 2013 au gouvernement Ayrault, puis en juin 2014 au (premier) gouvernement Valls. Isabelle Attard en profite en fait chaque année pour demander les chiffres de l’année précédente. Le tableau ci-dessous retrace d’ailleurs les quelques informations glanées suite aux demandes d’il y a deux ans.
L’année dernière, la salve de questions de la députée s’était cependant révélée bien moins fructueuse... Huit ministères (sur dix-sept) n’ont d’ailleurs toujours pas donné de réponse à l’élue, en dépit de ses multiples relances : Éducation nationale, Culture, Justice, Finances, Économie (et Numérique), Santé, Jeunesse et sports ainsi que Fonction publique.
Des interrogations « pas faciles à cerner » selon la DISIC
Les éléments transmis par les administrations ayant davantage joué le jeu se sont quant à eux avérés décevants... Le ministère du Logement expliquait ainsi la semaine dernière que l'évaluation de la mise en œuvre de la circulaire Ayrault faisait l'objet « de travaux interministériels visant à mesurer, en volume et en valeur, l'évolution de l'usage des logiciels libres et propriétaires, grâce à un ensemble d'indicateurs rassemblés dans un tableau de bord ». Sauf que si la conception cet outil a débutée « au cours du premier semestre 2014 », sa « finalisation » nécessitait « encore des travaux sur la seconde partie de l'année [2014, ndlr] », selon l’exécutif. Résultat, Isabelle Attard n’a eu droit qu’à une vague « évaluation » des logiciels acquis par l'État dans son ensemble (administrations centrales et déconcentrées) sur la période 2008-2013 : 241 millions d’euros en 2008, 297 en 2009, 266 en 2010, 308 en 2011, 219 en 2012, et 207 en 2013.
En octobre dernier, le ministère de la Défense promettait pourtant à la députée que la mise en œuvre de ce tableau de bord permettrait d’apporter « une réponse complète à sa question », sous-entendu ultérieurement et avec bien plus de précisions. Jacques Marzin, le numéro un de la Direction interministérielle des systèmes d'information et de communication de l’État (DISIC), nous assurait d’ailleurs il y a quelques mois, au travers d’une interview, que ses services étaient « en train de préparer la réponse [aux] dernières questions » d’Isabelle Attard. Voici ce qu’il nous expliquait à cet égard :
« Les interrogations qu'elle soulève ne sont pas faciles à cerner. Nous savons combien coûtent les logiciels propriétaires, puisqu'il suffit de cumuler le coût des licences – bien que ça suscite quelques approximations, notamment quand les licences sont intégrées dans le matériel, comme pour tous les PC sous Windows. Mais quand on parle de calculer le coût d'un logiciel libre... Moi, calculer le coût d'un logiciel gratuit, j'ai un peu du mal ! Entre le support qui est souvent éclaté et le temps de travail des agents, c’est très complexe. D’autant que nous ne disposons pas à l’échelle de l’État de paie analytique qui permettrait de décompter les ETPT attachés à la maintenance de souches libres.
Je peux par contre parler de taux de pénétration du libre, puisque nous mettons progressivement en place des indicateurs traduisant son utilisation, segment par segment. 60 % des fonctionnaires de l'État utilisent des outils de communication libre (mails, agenda, contacts...). Je suis capable de vous dire combien coûtent les 40 % restants qui utilisent du Microsoft. Mais pas en détail combien coûte le libre à l'administration. »
En théorie, les ministères interrogés disposent de deux mois pour répondre à Isabelle Attard. À l’heure où le gouvernement n’a de cesse de vanter les mérites de la transparence et de l’Open Data, un nouveau silence de la part de l’exécutif paraîtrait paradoxal, d’autant que le Premier ministre a parfois fait référence au logiciel libre lors de ses récents discours... Certains noteront cependant que cela n'a pas empêché les ministères sociaux (Santé, Travail...) de conclure l'année dernière avec Microsoft un contrat « Open Bar » de plus de 11 millions d'euros, subséquent au célèbre marché passé un peu plus tôt par le ministère de la Défense.