Hier en fin de journée, Google a fait savoir qu’il avait répondu aux griefs adressés en avril 2015 par la Commission européenne. Le moteur, qui fait face à un risque d’amende de 10 % de son chiffre d’affaires, estime totalement inexactes les accusations européennes.
« Notre réponse faite aujourd’hui explique pourquoi ces allégations sont inexactes et pourquoi nous croyons que Google améliore le choix des consommateurs européens et offre de précieuses opportunités aux entreprises de toute taille ». L’entreprise américaine ne publie pas publiquement l’intégralité de cette réponse, mais dans un message posté sur l’un de ses blogues, Ken Walker, son vice-président senior et directeur juridique revient sur les critiques adressées par Bruxelles : Google détournerait le trafic vers les boutiques en ligne, en profitant de ses publicités payantes placardées sur sa page d’accueil. Pour lui, cependant, c’est faux : la Commission ne tient par exemple pas compte du bénéfice tiré par les consommateurs ou les annonceurs de ces services en ligne. Pire, elle ne fournit aucune « théorie légale claire » pour étayer ses reproches.
Un traitement trop favorable aux services Google
Retour à l’enquête ouverte en novembre 2010. La Commission européenne avait estimé que « Google réservait systématiquement un traitement favorable à son comparateur de prix (actuellement appelé « Google Shopping ») dans ses pages de résultats de recherche générale, par exemple en mettant Google Shopping en exergue à l'écran. Ce faisant, elle risque par conséquent de détourner artificiellement le trafic des services de comparaison de prix concurrents et d'empêcher ces services de lui faire concurrence sur le marché ». Les craintes de Bruxelles ? Que les consommateurs n’aient que les services Google scotchés sur leurs rétines, et mécaniquement, pas ceux des acteurs tiers.
En guise de bouclier, Google a déposé sur les bureaux de la Commission des données visant à démontrer que les agrégateurs d’achat concurrents, comme Amazon ou eBay, continuent d’atteindre les consommateurs. « Google a délivré plus de 20 milliards de clics gratuits aux agrégateurs durant les dix dernières années dans les pays mis en cause dans le dossier européen, avec un trafic toujours gratuit, qui a augmenté de 277 % ». Le moteur ajoute qu’il s’est lui aussi adapté à cet essor, en modifiant le format des annonces sur sa page d'accueil, en aiguisant ses algorithmes pour maximiser leur pertinence, et en introduisant Google Shoping en 2012. Dans tous les cas, il réfute d’y voir la moindre trace anticoncurrentielle. Dans l’esprit du géant de la recherche, il s’agit simplement d’améliorer la qualité des annonces et faciliter le quotidien des consommateurs, point.
Google refuse de mélanger ses services avec ceux des concurrents
Mais ceci ne répond techniquement aux reproches de l’instance européenne selon lesquels « Google Product Search et Google Shopping ont connu un taux de croissance plus élevé, au détriment des services de comparaison de prix concurrents ». Mieux, « Google devrait traiter son propre service de comparaison de prix de la même manière que celui de ses concurrents » avait recommandé la Commission, le 15 avril 2015. Pour les autorités de la concurrence, « cela n’affecterait ni les algorithmes appliqués par Google, ni la manière dont cette dernière conçoit ses pages de résultats de recherche, mais lorsque Google affichera des services de comparaison de prix en réponse à la requête d’un utilisateur, le ou les services les plus pertinents apparaîtront dans les pages de résultats de recherche de Google ».
« Nous avons exposé dans notre réponse qu’une telle solution menacerait la qualité et la pertinence de nos résultats » repousse sans détails, Ken Walker. Google s’est pour l’occasion offert les précieux conseils de Bo Vesterdorf, l’ancien président du Tribunal de première instance à la Cour de Justice de l’Union européenne, dont un rapport annexé à la réponse apporte une analyse juridique pour démonter les suggestions de Bruxelles.
Google fait face à une coquette amende pouvant atteindre un maximum de 10% de son chiffre d’affaires, soit une douloureuse prune de 6 milliards d'euros selon les données de 2014. « Les 10 % du chiffre d’affaires sont un maximum qui ne sera très probablement pas atteint, tout simplement parce que le calcul final est assis sur un montant de base équivalent au chiffre d’affaires affecté par la pratique, donc ici les activités liées à Google Shopping » nous avait cependant expliqué Maitre Alexandre Lacresse, avocat et ancien rapporteur à l’Autorité de la concurrence.
Google, Alphabet et le risque de démantèlement
Ce dossier se poursuit alors que Google a annoncé le 10 août qu’il allait revoir l’intégralité de sa structure sociétale. Elle a décidé de se restructurer en une holding, Alphabet, qui agréera une collection de sociétés, dont Google (moteur, YouTube, Maps, la publicité), Google Ventures et Google Capital, spécialisées dans l’investissement, Nest (les objets connectés), Fiber (la fibre optique), etc.
Une telle réorganisation a le mérite de prévenir tout risque de démantèlement dans les dossiers antitrusts planants aux États-Unis, comme le rappelle un chercheur en sciences de gestion dans Les Échos. Cependant, dans tous les cas, Alphabet devrait être sans conséquence sur le risque d’amende qui pèse en Europe, laquelle ausculte les potentiels déjà dommages subis par les concurrents.