Twitter contraint Politwoops à oublier les tweets politiques supprimés

Droit à l’oubli > Devoir de mémoire
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Twitter contraint Politwoops à oublier les tweets politiques supprimés
Crédits : iStock/ThinkStock

Twitter vient de désactiver l’API (interface de programmation ou Application Programming Interface) de Politwoops et Diplotwoops. Ces deux outils avaient pour mission de se souvenir des tweets effacés par les élus d’une trentaine de pays. Un choix regrettable pour les auteurs des deux projets.

Un politicien qui se déleste d’un tweet, se ravise et efface sa trace jugée finalement nauséabonde, inopportune ou mal calibrée... L’histoire de Twitter pullule d’exemples. Heureusement, Politwoops est l’heureuse initiative qui surveille les profils des eurodéputés, mais également les gazouillis laissés par les parlementaires d’une trentaine de pays. Elle scrute donc ce qui est posté pour mettre en avant les messages effacés par leurs auteurs. Officialisé en 2012, cet aiguillon mémoriel, utilisé notamment par les journalistes, a été doublé en 2014 par Diplotwoops. Une version surveillant les piaillements des ambassadeurs et autres diplomates.

Seulement ces deux outils agacent visiblement Twitter. L’Open State Foundation, qui avait lancé les premières pierres de Politwoops en 2010, vient en effet d’indiquer que le réseau social avait finalement suspendu l’accès à l’API Twitter dans l’ensemble des pays concernés, soit la France, la Grèce, l’Irlande, la Corée du Sud, l’Allemagne, la Tunisie, la Turquie, le Vatican et bien d’autres encore.

La terreur des tweets irrévocables

En guise de justification, Twitter a fait état à l’OSF d’une « délibération interne réfléchie » prenant en compte « un certain nombre de facteurs ». Selon le courrier reçu par l’éditeur, le réseau social a expliqué le fond de sa pensée : « imaginez combien il peut être angoissant – et même terrifiant – si poster des tweets était immuable et irrévocable ? Aucun utilisateur ne mérite cette capacité plus qu’un autre. La suppression d’un tweet est en effet l’expression d’un choix de l’utilisateur. »

La fondation ne partage évidemment pas l’analyse. « Ce que les élus disent publiquement est d’intérêt public. Même lorsque les tweets sont supprimés, cela reste une part de l’histoire parlementaire. (…) On ne parle pas de fautes de frappe, mais d’un aperçu unique sur la façon dont les messages des élus peuvent changer sans préavis » soutient Arjan El Fassed, directeur de l’OSF. Selon l’organisation, le public a le droit, garanti par de nombreuses constitutions, d’accéder aux informations qui ont été temporairement disponibles à tous.

Même regret chez la Sunlight Foundation, laquelle portât Politwoops aux États-Unis : la décision de Twitter rappelle « qu’Internet n’est pas vraiment une place publique. Nos conversations partagées s’établissent de plus en plus dans des jardins clos privés et gérés », encadrés par de sèches règles privées.

Ce coup de ciseau n’est pas une première. En mai dernier déjà, les versions américaines de ces sites avaient justement été coupées par Twitter, celui-ci ayant désormais imposé mondialement ce droit à l’oubli. 

Pas de censure, mais l'application des termes du contrat

Dans un communiqué, le service en ligne explique d’ailleurs que les API exploitant cette fonctionnalité d’archivage ne sont pas conformes aux conditions générales d’utilisation de Twitter, son principal souhait étant de respecter « la voix de nos utilisateurs dans notre produit et la  plateforme. »

Dans les termes du contrat liant les développeurs, ceux-ci s’engagent en effet à respecter l’intégrité du réseau et spécialement à « répondre rapidement aux changements de contenu rapportés via l’API Twitter, dont l’effacement ou la modification du statut (public ou protégé) des tweets ». 

En clair, la décision de Twitter est en pleine conformité avec les dispositions contractuelles acceptées par les développeurs. D’un point de vue factuel, toutefois, elle vient à rebours du besoin des internautes, pas seulement des journalistes, de se souvenir des paroles publiques des élus : l’élu est certes un citoyen comme un autre, mais sa fonction politique est engageante pour l’avenir de la société.

Politwoops, en quête d'alternative, diffuse déjà l'intégralité des archives des tweets supprimés (fichier .csv). En toute évidence, Twitter ne pourra pas arrêter le courant marin avec son épuisette technico-juridique. La réaction des utilisateurs est suffisamment vive pour alpaguer les propos fleuris via une simple capture d’écran. Et Twitter n’a (heureusement) pas les moyens d’éradiquer cette fonctionnalité de tous les claviers du monde.

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