Axelle Lemaire a annoncé hier que son projet de loi numérique comporterait des dispositions relatives aux avis de consommateurs laissés sur la Toile. Le gouvernement pourrait en effet imposer aux sites tels que TripAdvisor ou Booking une obligation de transparence similaire à celle qui devrait bientôt reposer sur les épaules des plateformes et comparateurs de prix.
Qui n’a jamais eu de doutes quant à la véracité d’avis relatifs à la qualité des plats d’un restaurant, à l’accueil d’un hôtel ou aux délais de livraison d’un cybermarchand, superbement respectés (comme par magie) ? Il peut en effet être tentant pour certains professionnels de se faire passer pour un consommateur ravi, histoire de profiter d’une bonne publicité à moindre frais ; ou au contraire de critiquer vertement et sans raison un concurrent... Des sociétés peu scrupuleuses – et souvent situées dans des pays à bas coûts – ont d’ailleurs bien compris l’importance de ces commentaires dans l’acte d’achat, puisqu’elles proposent à leurs clients de parsemer le Web d’avis positifs à leur égard.
Le projet de loi numérique s'attaquera au problème des faux avis
Sauf que sur le terrain du droit, le fait de « se présenter faussement comme un consommateur » est considéré comme une pratique commerciale trompeuse, dès lors passible de poursuites pénales. Il y a quelques semaines, la Direction générale de la répression des fraudes (DGCCRF) affirmait à cet égard que « plus d’une vingtaine de procédures contentieuses » avaient été ouvertes en France suite aux contrôles menés par ses agents. Un site d’avis se présentant comme un « guide des bonnes adresses » a d’ailleurs été condamné le 20 juin 2014 par le tribunal de grande instance pour « rédaction et publication de faux avis de consommateurs, rédigés pour partie par une société domiciliée à Madagascar et pour une autre partie par le gérant et des proches de son entourage de Paris », selon Bercy. Outre la publication d’un communiqué sur son site, la société épinglée a dû payer une amende de 7 000 euros (plus 3 000 euros pour son gérant). Certains se rappelleront en outre que les autorités italiennes ont infligé une amende de 500 000 euros à TripAdvisor voilà quelques mois...
"Avis de consommateurs : méfiez-vous des mensonges du Net" http://t.co/zAnBdY1DWf > mon #pjlnum créera 1 obligation de transparence
— Axelle Lemaire (@axellelemaire) 18 Août 2015
Alors que les dernières enquêtes relatives aux avis de consommateurs ne sont guère rassurantes quant à l’évolution du phénomène (voir notre article), le gouvernement se prépare toutefois à lancer une nouvelle offensive. Invitée à présenter les grandes lignes de son projet de loi numérique, la secrétaire d’État au Numérique a en effet expliqué hier sur France Info que celui-ci comporterait notamment « une disposition sur les avis en ligne, pour s'assurer de leur authenticité ». Axelle Lemaire a d’ailleurs réitéré son souhait d’instaurer « une obligation de transparence », quelques heures plus tard sur Twitter.
Davantage de transparence sur la vérification des avis
Si l’intéressée n’a pas davantage révélé ses plans, l’avant-projet de loi ayant fuité il y a quelques semaines nous permet d’en savoir un peu plus sur ce que prépare l’exécutif. Cette version de travail, non arbitrée par Matignon, introduit effectivement un nouvel article au Code de la consommation, dans le prolongement des dispositions instaurées par la loi Macron s’agissant de la loyauté des plateformes.
Concrètement, « toute personne dont l'activité consiste, à titre principal ou accessoire, à collecter, modérer ou diffuser des avis en ligne de consommateurs », serait à l’avenir tenue de « délivrer une information loyale, claire et transparente sur les modalités de vérification des avis mis en ligne ». Tous les sites concernés, à commencer par des spécialistes tels que TripAdvisor, auraient aussi l’obligation de préciser si les avis mis en ligne « font l’objet ou non d’une vérification » et, si tel est le cas, d’indiquer « les caractéristiques principales de la vérification mise en œuvre ».
En cas de manquement à ces dispositions, toute société contrevenante s’exposerait à une amende administrative d’un montant maximal de 375 000 euros.

Les modalités de mise en œuvre de ce nouvel article resteraient toutefois soumises à un décret en Conseil d’État. Il n’en demeure pas moins que cette nouvelle obligation semble de nature à accroître la transparence sur les avis laissés par les internautes, même si l’on serait encore loin des engagements pris par les sites qui respectent la norme AFNOR (NF Z74-501) – sur la base du volontariat. Ces acteurs doivent en effet récolter au moins deux variables d’identification : email, adresse postale ou numéro de téléphone, histoire de pouvoir recontacter l’auteur de l'avis. Certains exigent même un ticket de caisse, afin que tout avis non épaulé d’une preuve d’achat soit signalé comme tel. Tous les commentaires doivent d’autre part apparaître, et ce de manière chronologique, pour éviter de faire « remonter » certains messages en particulier, etc.
Loyauté pour les plateformes et les comparateurs de prix
En attendant que de nouvelles obligations pèsent éventuellement sur les sites recueillant des avis d’internautes, rappelons que les comparateurs de prix et les plateformes d’intermédiation (en vue de la vente de biens ou de services) devront prochainement délivrer elles aussi des informations « loyale[s], claire[s] et transparente[s] » sur le fonctionnement de leurs services – et notamment s’agissant du référencement des offres proposées sur les sites de e-commerce. Il faudra pour cela que le gouvernement prenne deux décrets d’application des lois Hamon et Macron.
Celui relatif aux comparateurs de prix est déjà dans les tuyaux (voir notre article), et pourrait paraître de manière assez rapprochée à celui sur les plateformes, dont la publication est prévue pour décembre par Bercy.