La mise sous licence libre des photos réalisées par les musées français sur des œuvres appartenant pourtant au domaine public (tableaux, objets anciens...) n’est pas pour demain. La ministre de la Culture estime en effet que le « clic droit » permis par certains établissements suffit aujourd'hui à assurer le libre téléchargement de ces images...
En mars dernier, le député Olivier Falorni a transmis une question écrite au ministère de la Culture afin de connaître les suites qui seraient données au rapport parlementaire sur la gestion des dépôts des musées (que l’on peut consulter ici). Estimant qu’il était « pour le moins contestable » que certains établissements réclament une rétribution financière pour l’utilisation de photographies officielles d’œuvres appartenant au domaine public, l’élu reprenait l’une des propositions des quatre rapporteurs et demandait à l’exécutif de « mettre un terme » à ces pratiques.
L’idée ? Faire en sorte que les photographies des œuvres des collections publiques des musées de France soient plus systématiquement mises à la disposition du public, gratuitement, dès lors qu’elles ont été prises par des photographes liés à la Réunion des musées nationaux et aux « musées de France », c’est-à-dire ceux appartenant à l’État.
Les internautes invités à plébisciter le clic droit !
C’est toutefois une bien curieuse réponse que vient d’apporter Fleur Pellerin... La locataire de la Rue de Valois affirme en effet que « les musées de France, ainsi que l'agence photographique de la Réunion des musées nationaux-Grand Palais (Rmn-gp) » partagent « l'usage communément répandu [qui] consiste à permettre le libre téléchargement, au moyen d'un clic droit, d'images à des fins privées ». En clair, la réutilisation de ces photographies serait actuellement tolérée par un grand nombre de musées, qui profiterait de fait aux seuls internautes connaissant la bonne vieille méthode du « clic droit » puis « enregistrer sous » !
Mais contrairement à ce que laisse entendre Fleur Pellerin, la plupart des établissements concernés n’invitent pas vraiment les Français à s’emparer de leurs photos... Une « copyright notice » est présente sur la page de chaque œuvre (notamment dans la base Joconde), de même qu’une mention de crédits photographiques et un renvoi vers un formulaire de « demande de photographie et/ou de conditions d'utilisation ».

Des mentions similaires sont également apposées sur le site de la Rmn-gp, alors que la ministre soutient que les images de ce site « sont librement et gratuitement téléchargeables pour tout usage privé ». Nous avons eu beau chercher pendant de longues minutes, nous n’avons trouvé aucun message assurant au visiteur de cette généreuse autorisation... Les mentions légales du site semblent d’ailleurs pour le moins contradictoires par rapport aux propos de Fleur Pellerin : « La structure du Site, ainsi que l’ensemble de ses composantes, notamment les photographies (...) sont protégés par la législation française sur la propriété intellectuelle. Toute reproduction, représentation, utilisation, mise à disposition ou modification du Site et/ou de ses composantes, en tout ou partie, par quelque procédé que ce soit, est strictement interdite sans l’accord préalable et écrit de la Rmn-Grand Palais ».
Pour le reste des musées Hexagonaux, la locataire de la Rue de Valois explique que ceux-ci dépendent des collectivités territoriales, et qu’il « n'appartient donc pas à l'État d'imposer à ces institutions le principe de la gratuité, ni même des tarifs de vente de leurs images ». Mais vu la manière dont ce principe prévaut aujourd’hui, le grand public ne devrait probablement pas y perdre grand-chose...
Si ces explications soulignent cruellement le manque de sensibilité du ministère de la Culture vis-à-vis des licences libres et de l’Open Data, soulignons que ces questions pourraient être abordées au cours des prochains mois au Parlement. Le gouvernement a en effet déposé un projet de loi relatif à la réutilisation des informations du secteur public. Des dérogations potentiellement très avantageuses pour les organismes culturels – tels que les musées – sont justement intégrées dans ce texte, ce qui suscite de fortes réserves de la part des militants du partage des connaissances (voir notre article).