La diffusion anticipée des résultats électoraux, notamment sur Internet et via les réseaux sociaux, continue de faire couler de l'encre. Mais peut-être plus pour longtemps. La Commission Jospin vient en effet de préconiser une fermeture unifiée des bureaux de vote à 20 heures. Une solution régulièrement mise sur la table, mais toujours repoussée.
La commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, présidée par l’ancien Premier ministre Lionel Jospin, a remis hier matin ses conclusions au président de la République. Dans un rapport (PDF), intitulé « Pour un renouveau démocratique », les auteurs de ce document formulent de nombreuses propositions visant à moderniser le fonctionnement des institutions. Les membres de la commission ont ainsi voulu s’attaquer à différentes situations régulièrement pointées du doigt : cumul des mandats, parrainages relatifs aux candidatures à l’élection présidentielle, modes de scrutin...
Mais il est également un problème plus récent sur lequel s’est penchée la commission Jospin : celui de la diffusion anticipée des résultats électoraux, notamment sur Internet. Il n’a en effet pas échappé aux auteurs du rapport que «cette question, qui s’est déjà posée lors des précédents scrutins, a pris une ampleur nouvelle en 2012, en raison de la multiplication des moyens d’information par lesquels peut désormais être contournée l’interdiction d’une telle diffusion ».
Un blocus battu en brèche, notamment lors de la dernière élection présidentielle
On se souvient en effet que les autorités avaient tenté de contenir journalistes et internautes afin que les premières tendances et estimations ne soient pas divulguées avant 20 heures. Le 20 avril dernier, deux jours avant le premier tour de l’élection présidentielle, la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale (CNCCE) rappelait que l’article 11 de la loi de 1977 interdit de publier, diffuser et commenter tout nouveau sondage, par quelque moyen que ce soit, aussi bien par la presse que sur Twitter, un site Web ou sur Facebook. L’interdiction s’étendait du vendredi 20 avril à minuit au dimanche 22 avril à 20 heures pour le premier tour, et du vendredi 4 mai 2012 minuit au dimanche 6 mai 2012 à 20 heures pour le deuxième tour. Selon le code électoral, tout contrevenant encourrait 75 000 euros d’amende, laquelle pouvait être multipliée par 5 s’il s’agissait d’une personne morale, telle qu’une entreprise de presse.
À l’époque, la Commission avait sorti ses griffes, affichant sa « détermination à faire respecter la loi, non seulement parce que c’est la loi mais parce qu’elle a une raison d’être : contribuer à la sérénité, à la liberté, à l’égalité des électeurs devant l’information et le suffrage ». La présidente de la Commission avait ainsi prévenu que « quiconque [serait] pris à violer la loi [serait] déférée devant le Parquet ! ». Mais dans les faits, ce blocus s’était craquelé bien avant 20 heures, les premières estimations circulant en messages plus ou moins codés sur Twitter, quand ce n’était pas en clair via des médias étrangers (suisses ou belges, notamment).
Un phénomène qui ne peut « que se développer » selon la Commission Jospin
La Commission Jospin semble avoir pris conscience du problème. « De nombreux sites Internet de médias étrangers, blogs ou réseaux sociaux diffusent, entre la fermeture des premiers bureaux de vote métropolitains à 18h et celle des derniers bureaux à 20h, des informations sur l’issue du scrutin. Ces indications sont fondées sur des estimations que les instituts de sondages réalisent à partir des premiers dépouillements partiels effectués dans les bureaux de vote qui ferment à 18h », relève le rapport.
Or, selon les auteurs de ce document, il y a deux problèmes : d’une part ceci peut avoir « des conséquences fâcheuses » (on imagine par exemple que de fausses informations puissent circuler, décourageant certains électeurs ayant encore le temps d'aller voter), d’autre part ces pratiques « ne peuvent que se développer ». Autrement dit, la Commission Jospin reconnaît qu’il est impossible d’arrêter le phénomène, voué à devenir plus important si rien n'est fait.
Pour un horaire unique de fermeture, de préférence à 20 heures
En conséquence, les auteurs du rapport prônent une harmonisation des horaires de fermeture des bureaux de vote en France métropolitaine. Autrement dit, tout le monde finirait de voter à la même heure, en campagne comme à la ville. Même si les membres de la Commission disent laisser le choix de l’heure de clôture au gouvernement, ils indiquent néanmoins leur préférence : 20h. Pourquoi un tel choix ? Afin de ne pas décourager les électeurs habitués à pouvoir voter jusqu’à 20h.
Les auteurs du rapport semblent ainsi avoir retenu les conclusions de la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale. En juillet dernier, celle-ci relevait que « l'utilisation d'internet et des moyens de communication électronique rend illusoire la possibilité de conserver le secret sur ces estimations confidentielles et d'éviter leur diffusion ». Comme en 2007, la CNCCE réclamait que les bureaux de vote soient contraints de fermer à un horaire unifié. Sans prendre de position ferme, la commission notait qu’il serait possible de couper la poire en deux, en optant pour une solution intermédiaire : une fermeture à 19 h.
Vers une inscription dans la loi dès 2013?
Le rapport Jospin remis à François Hollande, la balle se trouve désormais dans le camp gouvernemental. Le président de la République a d'ores et déjà annoncé qu’un projet de loi constitutionnelle serait déposée auprès du Parlement « au début de l’année 2013 », mais qu’il devait auparavant consulter les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat ainsi que les chefs des partis politiques représentés au Parlement. Restera maintenant à voir si cette proposition sera reprise par les pouvoirs publics.