Dans la douceur de l’été, en plus d’avoir licencié son secrétaire général, la Hadopi a réclamé au ministère de la Culture une subvention de 9 millions d’euros pour 2016. C'est le sens d'une délibération votée voilà quelques jours en son sein.
9 millions. C’est le montant 2016 de la subvention sollicitée par Marie-Françoise Marais à la porte de Fleur Pellerin. Une somme à comparer aux 6 millions de l'an passé. Cette enveloppe est destinée à couvrir l’intégralité « des crédits nécessaires à l’accomplissement des missions de la haute autorité pour 2016 » affirme la délibération signée par la présidente du collège, le 22 juillet.
Marie-Françoise Marais ne détaille pas l’affectation de ces sommes. Et pour cause… Un récent rapport au Sénat, le rapport Bouchoux-Hervé du nom de ses auteurs, a révélé que la mission d’encouragement de l’offre légale est désormais réduite à peau de chagrin. Et pour cause, si sept agents travaillaient d’arrache-pied sur cette noble mission au début, il n’y a désormais plus qu’une personne pour ce si important chantier.
Déjà plusieurs missions légales abandonnées par la Hadopi
Cette décrépitude n’est pas une première. Rappelons qu’en vertu de l’article L.331-23 alinéa 4 du Code de la propriété intellectuelle, la Hadopi a pour autre mission d’évaluer les techniques de reconnaissance de contenus et de filtrage. Le législateur lui impose de rendre compte « des principales évolutions constatées en la matière (...) dans son rapport annuel ». Mais dans son rapport 2011-2012, justement, elle avait déjà jeté l’éponge expliquant qu’« aucun projet d’expérimentation n’a été formellement porté à la connaissance de la Hadopi, ce qui ne permet pas à la Haute Autorité de rendre compte au Gouvernement et au Parlement des évolutions constatées en la matière et rend difficile l’exercice de cette mission. »
Ce n’est pas fini. Selon l'article L. 331-26 du même Code, la suractive Hadopi a une autre charge sur ses épaules : rendre « publiques les spécifications fonctionnelles pertinentes » des moyens de sécurisation, ceux destinés à prévenir l’utilisation illicite sur Internet. Selon les textes, elle doit même établir « une liste labellisant les moyens de sécurisation », liste « périodiquement revue » s’il vous plait. Un décret en Conseil d’État est venu apporter des précisions pas plus tard qu’en décembre 2010, un an après le vote de la loi.
Seulement, après avoir longtemps patiné sur le sujet, la Hadopi a pareillement laissé tomber cette obligation pourtant née de la loi. « Une mission de réalisation d’un moyen de sécurisation « global » dépasse les limites des missions confiées et des moyens mis à disposition par le législateur. Par ailleurs, des personnes et organismes externes ont manifesté leur intérêt à continuer un tel projet », écrivait la Hadopi toujours dans son rapport 2011-2012. « Le Collège de l’Hadopi estime donc que les problématiques liées à la sécurisation de l’accès à Internet doivent s’inscrire dans une approche globale, et ce dans l’objectif de simplifier et rationaliser le choix de l’utilisateur, et de donner la plus grande cohérence possible à l’action publique. »
La loi Création, possible tremplin des futures missions de la Hadopi
Bref, à part le portail sur l’offre légale, soit une simple liste identifiant les sites d’apparence licite et la traque aux œuvres indisponibles qui se limite à un échange de courriers, la majeure partie du budget de la Hadopi est désormais avalée par la réponse graduée, en plus des services administratifs, juridiques et financiers.
Le rapport des sénateurs Corinne Bouchoux et Loïc Hervé a d’ailleurs réclamé une mise à jour de la loi afin d'harmoniser les textes aux faits. Les deux parlementaires suggèrent cependant une enveloppe de 10 millions d’euros pour l’institution, compte tenu de leur volonté de l’armer de nouveaux outils contre les sites de streaming et de direct download illégaux. On n’en est pas encore là, mais les partisans du tour de vis supplémentaire attendent le projet de loi Création de Fleur Pellerin comme le Messie d'Hadopi.