Les autorités indiennes ont réclamé le blocage de 857 sites pornographiques. La mesure est contestée, notamment parce qu'elle contredit une décision de la Cour suprême rendue voilà un mois. Dans la liste désormais éventée, une jolie perle : la présence du site de nos confrères du Dauphiné Libéré.
Kamlesh Vaswani, un avocat indien, a lancé en avril 2013 une PIL – ou Public-Interest Litigation – devant la Cour suprême indienne. Ce « litige d’intérêt public », prend la forme d’une pétition devant les tribunaux. Il visait ici à bannir la pornographie sur Internet, avec quelques arguments de poids : « Les contenus sexuels accessibles aujourd’hui aux enfants sont très explicites, violents, brutaux, déviants et destructeurs, et mettent l’ensemble de la société en danger, ce qui constitue une menace à l’ordre public en Inde » soutenait son auteur, non sans s’emporter. La pornographie ? « C’est pire qu’Hitler, pire que le Sida ou toute autre épidémie. C’est plus catastrophique qu’un holocauste nucléaire et doit être stoppée » (point 19 du document). Ambiance.
Le gouvernement revient sur une décision de la Cour suprême
Finalement, comme rapporté par la presse nationale, la démarche s’est heurtée à un mur devant la Cour suprême. Celle-ci a refusé le 8 juillet dernier de prendre une ordonnance provisoire en ce sens, sous l’aulne de l’article 21 de la Constitution sur le droit à la liberté individuelle.
Le soulagement n'a cependant été que de courte durée. Voilà quelques jours, le DEIT (ou Département of Electronics and Information Technology), administration d’État, a ordonné aux fournisseurs d’accès indiens de bloquer 857 sites pornographiques pour cause d’immoralité et d’indécence.
Cette mesure n’est que temporaire et doit être avalisée par la justice, précise le Financial Express. La liste de l’ensemble des sites (PDF) dont l’accès sera prochainement inaccessible a en tout cas été diffusée par la page indienne du Center for Internet and Society. On la retrouve désormais un peu partout, notamment dans les médias d'information spécialisés sur l'Inde. Sur les réseaux sociaux, la mesure est âprement critiquée notamment parce qu’elle vient réduire en poudre la toute récente décision de la Cour suprême. D’ailleurs, la liste reprend celle dressée par l’avocat Kamlesh Vaswani dans sa procédure...
Du côté du New York Time, Daniesh Chandran, un des responsables d’Asianet Satellite Communication Ltd, évoque les conditions pour le moins rocambolesques de la démarche: « C’est une simple lettre avec des instructions pour bloquer les sites précités. Le gouvernement ne nous a donné aucune explication sur les raisons de ce blocage. Et les FAI n’ont pas beaucoup d’autres choix que de s’y conformer. »
Juridiquement, le gouvernement s’est fondé sur l’article 79(3)(b) de la loi sur les télécommunications de l’information. Cette disposition permet d'engager la responsabilité des opérateurs Internet dès lors qu’ils ne parviennent pas à empêcher l’accès à une ressource en ligne dénoncée et qualifiée d’illicite par une administration gouvernementale. En somme, c’est un vrai couteau sous la gorge : ou le FAI bloque, ou il est responsable du contenu.
Des mastodontes du sexe et LeDauphine.com
Parmi les 857 sites, on trouve quelques mastodontes comme Playboy.com (mentionné deux fois), Pornhub.com, RedTube.com ou Tube8.com, des sites X francophones mais aussi des liens non dédiés à l'univers porno comme 9Gag.tv. Remarquons surtout avec Le Monde un joli fail de la part des autorités indiennes : la présence du site LeDauphine.com (au rang n°134). La boulette a d’ailleurs été épinglée par nos confrères grenoblois. (l'article a été retiré, visiblement)
Ce n’est pas la première fois que l’Inde procède à ce genre de mesure. Fin 2014, le pays a tenté un temps d’empêcher l’accès à Archive.org, Pastebin.com, DailyMotion.com, Github.com, ou encore Vimeo.com. Motif ? Ces sites étaient accusés d’héberger trop facilement des messages postés par des filières djihadistes pour recruter de jeunes indiens. Le 6 janvier, Dailymotion révélait la fin de ces mesures de restrictions, précisant au passage n’avoir pas reçu la moindre notification des autorités nationales.