Éric Walter à la Hadopi, c’est fini. Le secrétaire général de la Haute autorité vient de l’indiquer sur Twitter. Selon nos informations puisées auprès d’un agent, l’intéressé a en fait été licencié la semaine dernière. Nous avons contacté dans la foulée l’institution, pour en connaître les raisons exactes. En attendant plus d’éclaircissements, difficile de ne pas lier cette décision au contexte actuel, très tendu Rue du Texel.
Ne suis plus en poste à #hadopi depuis le 1er août 2015
— Eric Walter (@EricWaltR) August 3, 2015
La crise était déjà palpable lors de l’audition de Marie-Françoise Marais le 8 juillet dernier (sa retranscription). Parmi les questions posées par les membres de la commission d’enquête sur les autorités indépendantes, l’une évoquait en creux cette étude sur la rémunération proportionnelle du partage organisée par Éric Walter.
Ce chantier futuriste aurait eu le charme - ou le défaut, selon l’angle - de légaliser bon nombre de sites illicites en contrepartie d’une pluie espérée de retombées financières… Cependant, les résultats de cette étude restaient très hypothétiques, mais l’initiative avait nourri l’agacement des sociétés de gestion collective. Après deux articles cosignés Éric Walter dans Libération, les ayants droit du cinéma s’étaient fendus d’un courrier adressé en 2014 à Fleur Pellerin, mettant en accusation le secrétariat général, pour dénonçer une communication « biaisée et incessante [qui] diffuse dans le public l’idée qu’il n’y a pas lieu de s’opposer au piratage (que le secrétaire général de l’Hadopi appelle désormais « partage », terme positif qui fait même penser qu’il s’agit d’une pratique à promouvoir) et met en accusation non pas les contrefacteurs, mais les ayants droit, présentés comme coupables d’une prétendue insuffisance de l’offre légale ». Selon eux, la Hadopi irait même « à l’encontre de la mission pour laquelle elle a été créée ».
Au Sénat, mise face à ces coups de griffes, on aurait imaginé que Marie-Françoise Marais prenne cette fois encore la défense de celui qu’elle avait introduit au poste de secrétaire général. Il n’en fut rien. Elle l’a publiquement lâché, incapable de trouver les mots pour assurer sa défense, sans même lui adresser la moindre attention durant l'heure d'audition.
Autre signe d'une crise interne : le rapport des sénateurs Corinne Bouchoux (EELV) et Loïc Hervé (UDI) au Sénat. Eric Walter avait qualifié de « joujoux accessoires » la mission sur l’offre légale telle qu’ébauchée lors des travaux parlementaires. Des propos douloureux, mais qui furent pourtant partagés par Pascal Nègre, celui-ci qualifiant les autres tâches de l’institution de « cosmétiques ». Le secrétaire général de l’institution avait également « reconnu que la gouvernance bicéphale de la Hadopi créait un déséquilibre intrinsèque de management auquel il convenait de remédier » rapportait encore le document.
Une Hadopi armée de griffes plus que d'études
Ce départ contraint a été décidé la semaine dernière, pour être effectif au 1er août. Si cette décision prise en plein coeur de l'été peut surprendre, non seulement au regard de l'absence visible de préavis, difficile de ne pas la lier au contexte de la Hadopi. Ce contexte n’est en effet pas propice à marquer indépendance et liberté à l’égard des ayants droit, et encore moins à cultiver leur hostilité.
La Hadopi se cherche actuellement une nouvelle voie, plutôt treillis-kaki-rangers que pôle de recherche sur la propriété intellectuelle. Et le politique suit visiblement : au Sénat, le rapport UDI et EELV précité aimerait la déplumer de la quasi-totalité de ses missions, notamment sur l’offre légale, pour ne laisser en scène que la riposte graduée et des actions plus musclées contre les sites de streaming et de direct download. Le rapport du député Marcel Rogemont n’a même pas imaginé lui confier de rôle sur le thème de la copie privée, alors que la Hadopi a su démontrer son expertise sur ce terrain. Quant à Fleur Pellerin, la ministre a indiqué au CSPLA que le rapport de Mireille Imbert-Quaretta, qui a planché sur la lutte contre les sites illégaux, serait une brique décisive de son projet de loi Création.
Interrogée le 22 juillet sur l’avenir de la gouvernance, Mireille Imbert-Quaretta, qui entame ses six derniers mois d’activité à la tête de la CPD, nous a déjà esquissé ses projets : « Marie-Françoise Marais et moi avons pour seul objectif de transmettre à nos successeurs une institution en bon état de marche et apaisée ». À l’aune de cette décision, nul doute que ce licenciement saura « apaiser » les esprits des ayants droit.
Contactée sur ce licenciement, la présidente de la commission de protection des droits nous a répondu laconiquement « pas de commentaire ».