L’opérateur d’accès Internet par satellite Eutelsat refuse désormais les nouveaux clients grand public sur 28 départements, ses faisceaux arrivant à saturation. Le problème pourrait être long à régler, alors que le plan France Très Haut Débit (France THD) compte sur cette technologie pour connecter une partie de la population.
Il n'est plus possible de s’abonner aux offres satellite d’Eutelsat pour une partie du territoire. Hier, plusieurs messages nous ont alerté sur le refus de nouveaux clients en France par l’opérateur satellite. Il aurait d’ailleurs envoyé des lettres à des présidents de région pour les prévenir de ce coup d’arrêt. La nouvelle est importante : le plan France THD, qui compte fournir le très haut débit à 50 % des logements en 2017, et 100 % en 2022 (dont 80 % de fibre), compte dessus pour connecter une partie des habitations les plus isolées.
Contactée hier après-midi, la société nous confirme que 28 départements sont concernés par une telle mesure. Eutelsat parle ainsi de la « suspension des ventes des services destinés aux particuliers de certains faisceaux du satellite KA-SAT ». En cause, deux faisceaux sur les onze qui couvrent la France, qui sont arrivés à saturation.
« Afin d'assurer la qualité de service aux clients existants, nous avons décidé de ne pas continuer la commercialisation, en attendant soit que l'on trouve davantage de capacité dans les faisceaux existants, soit que l'on amène de nouvelles capacités. Nous n’allons pas sacrifier la qualité pour la quantité » nous détaille l’entreprise, qui nous confirme avoir envoyé une lettre à certains présidents de régions pour les prévenir.
La solution « évidente » : amener un nouveau satellite
Dans les faits, Eutelsat est le premier fournisseur d’accès Internet par satellite en France, qui passe par d’autres entreprises pour commercialiser ses services, comme NordNet, filiale d’Orange. Les débits peuvent être équivalents à ceux de l’ADSL2+, bien qu'avec une latence supérieure et un quota de données mensuel. En refusant de nouveaux clients particuliers, la société veut donc maintenir sa qualité de service, même si elle continue d’accepter l’arrivée de clients professionnels.
« Nous avons des outils qui permettent d'évaluer les performances du réseau. Nous avons donc dressé un constat à partir de remontées d'infos » explique Eutelsat. Selon nos informations, ce constat daterait de plusieurs mois, certains partenaires de la société ayant été prévenus en amont. La lettre aux présidents de région n'a par contre été envoyée que fin juin, l'information ayant été ensuite renvoyée vers les départements.
Voici d'ailleurs la liste de ceux qui sont concernés : Ain, Allier, Ardèche, Ariège, Aube, Aude, Aveyron, Cantal, Corrèze, Côte d'Or, Creuse, Dordogne, Haute-Loire, Haute-Marne, Haute-Savoie, Haute-Vienne, Isère, Jura, Loire, Lot, Lozère, Nièvre, Puy-de-Dôme, Rhône, Saône-et-Loire, Tarn, Tarn-et-Garonne et Yonne.
Selon la société, le problème est que les faisceaux des satellites sont fixes. Quand un faisceau (dirigé vers une certaine zone) sature, les solutions seraient donc peu nombreuses. La plus évidente est de déployer un nouveau satellite en complément de KA-SAT, ce qui prendrait au bas mot deux ans, voire plus. « Des réflexions avancées sont en cours pour lancer de nouvelles ressources satellitaires pour compléter les ressources actuelles de KA-SAT » nous affirme l’entreprise.
Selon nos informations, une annonce serait attendue aux alentours de la rentrée. En attendant, d’autres solutions pourraient être trouvées, même s’il semble être trop tôt pour savoir exactement lesquelles.
Un risque pour le plan Très Haut Débit ?
Avec ce coup d’arrêt d’Eutelsat dans 28 départements, la grande question est donc de savoir si cela posera un souci au plan THD, qui compte sur le satellite pour connecter une partie des Français. Sur les 17 millions de lignes que les collectivités locales doivent connecter en très haut débit sur leurs fonds propres, dans les zones peu denses et rurales, 200 000 sont prévues avec des technologies « radio » comme le WiMAX et le satellite. Même s’il est très minoritaire, ce dernier est une brique indispensable du plan pour les habitats les plus isolés.
Au 31 décembre, l'entreprise comptait 175 000 « terminaux activés » dans les 55 pays de l'Europe étendue. Elle refuse de donner les chiffres français. « La France fait partie des pays moteur, avec un taux d'abandon du service faible, car il correspond globalement à sa promesse » affirme Eutelsat. La capacité des faisceaux français correspondrait elle à quelques dizaines de milliers de « lignes ».
Si aujourd’hui, 28 départements sont déclarés saturés, le risque existe que d’autres viennent s’ajouter à la liste à plus ou moins long terme. Même s’il est le premier opérateur de satellites couvrant la France, Eutelsat ne serait pourtant pas si indispensable aux plans de la mission THD à Bercy. Son principal concurrent, SES, avec ses satellites ASTRA, couvre également l’ensemble du territoire. Bercy compte également certaines alternatives, comme le WiMAX vieillissant ou les expérimentations sur la 4G « fixe », qui devraient aboutir dans les prochains mois.
La question de la saturation du satellite reste « importante », a-t-on appris. Les travaux de Bercy sur le déploiement du très haut débit incluent régulièrement cette solution, notamment dans des départements adjacents.
Concrètement, un volet du plan France THD serait hors de danger malgré cette saturation localisée : les 8 000 « écoles connectées » qui ont jusqu’à la fin 2015 pour choisir une offre dont l’installation sera subventionnée par l’État. Elles pourront bien passer par le satellite Eutelsat pour leur accès Internet, nous affirme la société, y compris sur les départements où l’usage des particuliers a déjà dépassé sa limite. De quoi rassurer en partie les partenaires de l’entreprise, même si cela reste marginal face au marché grand public.