La mission Rosetta n'est pas encore terminée et il reste du travail au module Philae qui s'est posé il y a plusieurs mois sur sa comète 67P. Problème, il reste muet depuis maintenant plus de 10 jours. Les scientifiques tentent de pousser une mise à jour afin de résoudre ce problème.
L'inquiétude monte doucement à l'Agence spatiale européenne (ESA) : seul sur sa comète, le module Philae est désespérément silencieux depuis maintenant 10 jours. Pour rappel, il s'était posé le 12 novembre 2014 sur 67P/Tchourioumov-Guerassimenko, avant de passer en hibernation quelques jours plus tard. Il s'était finalement réveillé mi-juin, et il avait alors commencé à transmettre des données à l'orbiteur Rosetta qui se chargeait d'établir la liaison avec la Terre. Depuis, la communication avec Philae semble relativement difficile.
Sept contacts brefs et enfin un vrai dialogue de 20 minutes
Entre le 13 et le 24 juin, le CNES annonce que « sept brefs contacts » ont eu lieu, avant que le module ne reste silencieux pendant quasiment deux semaines. « Et puis, soudain, un contact de très bonne qualité s’est déroulé le jeudi 9 juillet, de 19h45 à 20h05 (heure de Paris) » indique l'agence spatiale.
La communication a duré 20 minutes, avec 12 minutes réellement utiles durant lesquelles des données ont été reçues par la Terre : « Il s’agit essentiellement de données relatives à la plateforme de Philae, mais il y a également des données provenant de l’instrument CONSERT [NDLR : un radar] » explique Philippe Gaudon, chef de projet Rosetta.
Une communication de qualité et inattendue
Il ajoute que cette communication n'était pas vraiment attendue : « Les sept précédents contacts ayant eu lieu à des latitudes comprises entre 30° et 50° ce contact était considéré comme peu probable puisque l’orbiteur se situait à 12°, donc très bas en latitude ». Une position qui est donc inattendue et inexpliquée.
Concernant « la très bonne qualité du signal », plusieurs pistes sont envisagées : un meilleur positionnement de l'orbiteur et/ou le fait qu'il soit plus proche de la comète (155 km environ). « Pour parler franchement, nous analysons encore les données et pour le moment nous avons un peu de mal à expliquer pourquoi cette liaison à basse latitude a été aussi bonne ».
Pas de résultat scientifique pour le moment
Il tient par contre à relativiser la portée scientifique de ce contact : « Comme nous n’avions plus de contacts avec Philae depuis le 24 juin et que nous commencions à nous inquiéter, nous avions décidé d’envoyer une télécommande en aveugle à CONSERT ».
Il ajoute que le but de cette opération n’était pas tant de recevoir des données scientifiques, mais simplement d’activer le mode radar de CONSERT qui serait l'instrument le « moins sensible à l’orientation de Philae » et donc le plus à même à communiquer avec l’orbiteur. « Après un test non concluant réalisé le 5 juillet, nous avons recommencé le 9 juillet sans avoir la certitude que cette télécommande serait reçue par CONSERT, mais cela a fonctionné et nous avons bien reçu des données de CONSERT en provenance de l'orbiteur et de Philae. C’est donc la 1re fois que nous parvenons à avoir une communication descendante vers Philae depuis la reprise de contact de la mi-juin ». Bref, des bonnes nouvelles, mais de courtes durées.

Mais plus rien depuis...
En effet, depuis le 9 juillet dernier, c'est silence radio de la part de Philae. Et comme une mauvaise nouvelle n'arrive généralement pas seule, l'ESA ajoute qu'elle a été contrainte d'éloigner un peu l'orbiteur Rosetta qui est désormais à 170-190 km de la comète 67P, ce qui ne facilite évidemment pas les communications avec le module. En cause, le dégazage de la comète qui projette des particules dans l'espace. Or, « la sécurité de l'engin spatial est la première priorité » de l'ESA.
Les raisons de ce silence ne sont pas encore connues avec certitudes, mais plusieurs pistes sont explorées. Premier indice, le niveau d'ensoleillement sur les panneaux de Philae serait en baisse si l'on en croit les dernières mesures de début juillet, mais cela ne peut pas s'expliquer uniquement avec le changement « des saisons » de la comète. Un point qui laisse penser que la position du module aurait pu changer, notamment à cause du dégazage. Si c'est le cas, la position des antennes pourrait également avoir été modifiée.
Une mise à jour en attente pour Philae
Un autre problème est évoqué : « une des deux unités de transmission de l'atterrisseur semble ne pas fonctionner correctement, en plus du fait que l'une des deux unités de réception est endommagée ». Afin d'éviter ce genre de désagrément, Philae est programmé pour changer régulièrement d'unité de transmission/réception. Pour mettre toutes les chances de leur côté, l'équipe en charge de ce projet a préparé une mise à jour afin de n'utiliser qu'un seul des modules en réception et en émission.
Elle a déjà été envoyée sur Rosetta, qui se charge de tenter de la transmettre à Philae. Cette mise à jour peut s'effectuer « en aveugle », c'est-à-dire que l'orbiteur envoie les informations sans vraiment savoir si le module les réceptionne, mais en espérant que cela soit le cas à un moment donné.
L'agence spatiale européenne conclut finalement que « l'état actuel de Philae reste incertain ». Les scientifiques se tiennent néanmoins prêts à relancer le gros des opérations scientifiques lorsque le module donnera de nouveau signe de vie. En attendant, ils espèrent pouvoir activer un « bloc de commandes » afin de lancer plusieurs mesures (MUPUS, ROMAP, SESAME, PTOLEMY et COSAC) qui ne nécessitent aucun mouvement mécanique de la part du module. Reste qu'il faudra rétablir la communication, ne serait-ce que pour récupérer les données.

Le Soleil de plus en plus près, ce qui n'est pas sans conséquences
Comme on a pu le voir dans les semaines précédentes, Philae est déjà resté plusieurs jours sans communiquer (notamment entre le 24 mars et le 9 juillet). Problème, au fur et à mesure que la comète se rapproche du Soleil, le dégazage augmente, ce qui risque de faire encore bouger Philae ou de l'endommager. Pour rappel, la comète sera au plus près du Soleil le 13 août prochain, avec un risque que la température devienne trop importante, ce qui pourrait « griller » le module. Bref, le temps est compté.