Très haut débit : 2014, l'année du financement pour l’État

Près de 80 % du budget dépensé fin 2015
Internet 11 min
Très haut débit : 2014, l'année du financement pour l’État
Crédits : mustafabilgesatkin/iStock

En 2014, le plan France Très Haut Débit a vécu sa deuxième année d'activité. Les occasions de se réjouir sont nombreuses pour l’État, même si quelques questions restent en suspens. En marge de la remise du rapport d'activité de la mission THD, nous avons voulu étudier cela de plus près.

À l'occasion de la deuxième conférence annuelle du plan France Très Haut Débit (France THD) jeudi, nous avons pu assister à la remise du rapport d'activité 2014 de la mission THD, qui pilote le déploiement des nouveaux réseaux en France. Si cet évènement a surtout été le lieu de joutes verbales entre patrons d'opérateurs, le rapport permet, lui, d'avoir une vue claire de l'arrivée du très haut débit dans nos contrées, même s'il mérite quelques précisions.

Pour rappel, la mission THD est une équipe montée en février 2013 par Bercy, pour harmoniser les déploiements de très haut débit en France, soit les offres à plus de 30 Mb/s. L'objectif : 50 % des logements en 2017 et 100 % en 2022, dont 80 % en fibre optique jusqu'à l'abonné (FTTH). Pour cela, 57 % des logements du pays, en zones denses (surtout les grandes villes), sont réservés aux opérateurs privés, qui y déploient un réseau qui est immédiatement rentable pour eux.

Les 43 % de logements restants, en zones peu denses et rurales, seront eux couverts par des réseaux d'initiative publique (RIP), créés et gérés par les collectivités locales (départements et régions). Ces réseaux publics sont financés en partie par l’État.

Globalement, la couverture du territoire devrait coûter 20 milliards d'euros d'ici 2020, dont 3 milliards par l’État. Les zones denses, gérées par les opérateurs privés, devraient coûter entre 6 et 7 milliards d'euros à fibrer, plus 4 milliards potentiels pour amener la fibre dans les bâtiments. Les zones moins denses par les réseaux publics devraient coûter entre 13 et 14 milliards d'euros à couvrir pour l’État, les collectivités et les opérateurs qui construiront sur commande des élus.

Le but de la mission, hébergée au ministère de l’Économie, est donc de piloter l'ensemble des déploiements, privés et publics, mais surtout de valider les dossiers montés par les collectivités locales afin d'obtenir le précieux financement de l’État. La première conférence annuelle a eu lieu en février 2014. Le rapport fourni la semaine dernière semble être calé sur février 2015, les annonces et les chiffres correspondant plus à cette date qu'à notre mois de juillet.

42,3 % des logements en très haut débit fin 2014

« La couverture en très haut débit du territoire est désormais de 42,3 %, contre 34,6 % fin 2013 » et 27,1 % fin 2012, explique la mission THD dans son rapport. Concrètement, 2,93 millions de logements et entreprises supplémentaires sont éligibles au très haut débit depuis 2014, pour un total de 16 millions de lignes. L'année dernière, des travaux de montée en débit et de déploiement de fibre optique ont commencé dans 40 départements.

Ces chiffres sont encourageants, mais cachent de grandes disparités. Le très haut débit recouvre des technologies très larges : la fibre optique jusqu'à l'abonné, le câble modernisé (limité face à la fibre, notamment en upload) et le VDSL2 sur le réseau téléphonique (jusqu'à 100 Mb/s sur des lignes courtes). Aujourd'hui, c'est le câble qui domine en étant présent sur 26,8 % des lignes THD, contre 19,3 % pour le VDSL2 et 9,6 % pour la fibre optique. La géographie influence d'ailleurs ces déploiements.

Des disparités géographiques importantes

Comme le montrait l'ARCEP pour la fin 2014, les trois-quarts des lignes fibre étaient dans des zones très denses. Les zones moins denses et rurales doivent elles généralement se contenter du câble et du VDSL2. La zone d'initiative publique (43 % des logements en zone peu dense) est couverte à 21,2 % en très haut débit, selon le rapport. Les zones couvertes par les opérateurs nationaux (57 % des logements, en zones denses) sont elles couvertes à 59,8 % en THD. Pour Bercy, le THD compte « de 10 % [des lignes dans certains départements] à plus de 90 % à Paris ».

« Cependant, entre 2012 et 2014, la contribution du câble modernisé connaît une croissance faible, tandis que le nombre de locaux couverts par un réseau FTTH a augmenté de près de 100 % sur la même période » écrit la mission dans son rapport. Elle insiste également sur le fait que la fibre optique est en partie déployée sur des zones où existe déjà du câble, entraînant une compétition entre les deux réseaux.

Cette concurrence concernerait 7,4 % des lignes, dont 13,5 % des zones préemptées par les opérateurs. Elle ne mène pourtant pas obligatoirement à une concurrence commerciale. Comme nous l'avons déjà expliqué, quand Numericable propose à la fois son câble et la fibre optique de SFR, c'est le réseau câble qui est proposé au client, malgré ses lacunes face au FTTH.

Dommage pour l'une des deux « locomotives » du très haut débit. De manière générale, la mission estime que les prochains déploiements FTTH se feront bien dans des zones déjà câblées. Il sera intéressant de voir comment se positionne Numerciable-SFR dans ce genre de situation, le FAI ayant au contraire intérêt à déployer de la fibre là où son câble n'est pas présent afin d'augmenter son taux de couverture.

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Numéricable vante son offre de câble modernisé (FFTLA) en exploitant le terme « fibre »

2014, une année qui restera record pour les financements

L'instruction des dossiers de financements des réseaux publics est un processus long, mais 2014 est la grande année de l'investissement de l’État dans les réseaux d'initiative publique. En tout, 1,323 milliard d'euros a été bloqué par l’État sur l'année, sur son enveloppe de 3 milliards d'euros. Le montant est presque multiplié par quatre par rapport à 2013 (333,3 millions). « Au 31 décembre 2014, 38 projets de réseaux d’initiative publique représentant 48 départements avaient bénéficié d'un accord préalable de principe, dont 24 en 2014 » indique le rapport.

Ce rythme a été permis par la loi des finances 2015, qui fournit des finances amples au plan. Alors qu'il disposait de 900 millions d'euros jusqu'ici, le plan de l’État gagne 1,4 milliard d'euros, qui ont ainsi été engagés rapidement. Cette enveloppe supplémentaire doit notamment financer les très importantes dépenses de 2015, qui n'égaleront tout de même pas 2014. « Près de 80 % de l'enveloppe de l’État de 3 milliards d'euros envisagée pour le plan pourrait être dépensée d'ici la fin de l'année », dont 1,02 milliard cette année, estime Bercy.

Si les fonds sont engagés, ils ne seront « décaissés » qu'au moment où les travaux seront engagés, nous expliquait il y a quelques semaines Antoine Darodes, le directeur de la mission THD. Le premier de ces décaissements a eu lieu en octobre, pour le projet de l'Auvergne, où la construction et la gestion du réseau ont été confiées à Orange. 4,6 millions d'euros ont été fournis pour ces quatre départements.

Le plan prévoit d'ailleurs une prime à la mutualisation entre départements, l’État les préférant aux projets menés par un département seul, qui restent quand même majoritaires. Le gouvernement prévoit ainsi une prime de 10 % des financements si deux départements s'associent, 15 % s'ils sont plus nombreux.

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Crédits : Tijana87/iStock/Thinkstock

Des écoles à connecter, avec 400 euros de subventions

En septembre, le plan « écoles connectées » a également commencé. Comme son nom l'indique, il vise à fournir des connexions aux établissements scolaires, souvent à partir d'opérateurs locaux, avec le soutien de l’État. C'est le premier pan du plan THD qui inclut les fournisseurs d'accès associatifs, en majorité regroupés dans la fédération FDN. Ceux-ci se sont longtemps sentis déconsidérés par l’État, du fait de leur taille réduite comparée aux autres acteurs des réseaux.

En tout, 7 831 établissements éligibles à 56 offres de 18 fournisseurs d'accès. Le gouvernement prévoit un financement de 5 millions d'euros, prise en charge de 80 % des coûts, dans la limite de 400 euros par établissement. Ils devaient choisir une offre et s'y abonner avant la fin 2014. Le rapport ne donne pas de détail sur le nombre d'écoles effectivement connectées via cette initiative.

L'investissement dans les réseaux publics explose

Les investissements dans les réseaux en fibre privés sont, eux, très importants. 510 millions d'euros ont été dépensés par les opérateurs nationaux dans les zones denses, contre 490 millions d'euros en 2013 et 340 millions en 2012. Cela malgré des revenus en baisse, comme le soulignait Stéphane Richard d'Orange lors de la deuxième conférence du plan, la semaine dernière.

Ces déploiements privés devraient d'ailleurs être plus lisibles pour les collectivités, qui le réclamaient de longue date. Jusqu'ici, les opérateurs avaient la main libre sur leurs déploiements, sans donner de calendrier précis aux collectivités, dans une majorité de cas. Ils ont donc promis de contractualiser tous leurs engagements d'ici la fin de l'année, comme l'ont annoncé Emmanuel Macron et les patrons d'opérateurs jeudi.

Les réseaux publics en fibre ont, eux, réellement débuté l'année dernière. « De 2008 à 2012, l'investissement annuel dans les réseaux d'initiative publique FTTH est resté inférieur à 20 millions d'euros, marquant une forte stabilité. Après une première hausse en 2013 (27 millions d'euros), l'année 2014 a marqué le véritable déclenchement des investissements dans les réseaux d'initiative publique qui ont atteint 150 millions d'euros (collectivités, État et opérateurs de RIP) » détaille la mission très haut débit.

Cette explosion des investissements dans la fibre optique publique, qui devrait se poursuivre en 2015, expliquerait en grande partie l'attitude hostile d'Orange à l'égard de ces projets (voir notre enquête). Alors que l'ex-France Télécom était souvent le seul à disposer d'un réseau (cuivre) en zones rurales, un réseau concurrent (bien plus performant) commence à s'y déployer, déclenchant un lobbying pour contrer localement les projets FTTH. Une démarche que l'opérateur nie, malgré de nombreux témoignages en ce sens.

Une mission THD « aux semaines de 60 heures »

Ces importants financements doivent servir à construire 5,5 millions de lignes FTTH en cinq ans, pour 700 000 lignes de montée en débit. Depuis son lancement, la mission THD de Bercy a reçu 71 dossiers de 84 départements, pour une instruction qui peut prendre jusqu'à un an. Son directeur, Antoine Darodes, a été récemment nommé directeur de l'Agence du numérique, qui doit regrouper la mission THD, la mission FrenchTech et la Délégation aux usages de l'Internet. Il a d'ailleurs plaisanté, jeudi, sur l'équipe de 13 agents « aux semaines de 60 heures » de la mission.

En plus de l'instruction des dossiers, le rôle de la mission est d'être en contact constant avec les acteurs du déploiement du réseau : collectivités, opérateurs et industriels. Dans son rapport, elle se targue d'avoir mené 82 déplacements en deux ans, pour assister à des comités de concertation régionale ou à la signature de conventions entre opérateurs et collectivités par exemple. Dans son rapport, la mission annonce un extranet pour améliorer l'efficacité de l'instruction des dossiers et le partage d'informations, qui a dû être mis en service au deuxième trimestre.

L'un des autres rôles de la mission est l'information au public, notamment au travers de son observatoire, qui consiste en une carte des débits disponibles par technologie. Selon Antoine Darodes, elle reçoit 25 000 visiteurs par mois, pour 350 000 depuis son lancement. Elle s'est enrichie la semaine dernière d'une vision des réseaux hertziens sur une trentaine de départements, ainsi que d'une prévision des déploiements entamés dans plusieurs autres.

50 % de THD prévus en 2016, pour un objectif initial en 2017

L'objectif de 50 % de THD en 2017 est régulièrement jugé « ambitieux » par des spécialistes de l'aménagement du territoire, mais le gouvernement n'en démord pas. Surtout pas dans ce rapport. « L'objectif de 50 % de très haut débit devrait être atteint en 2016 » affirme ainsi la mission dans son texte. Le déploiement aurait donc un an d'avance, même si la part effective de la fibre optique sera bien minoritaire à ce moment. Jusqu'en 2016, le très haut débit croîtra principalement grâce à la montée en débit.

Côté investissements, la mission se veut aussi optimiste. Selon elle, 20 milliards d'euros seront investis d'ici 2020, comme prévu, dont 8,5 milliards dans les réseaux publics. Le gros des coûts concerne le déploiement de réseaux FTTH (63%), suivis de 19 % consacrés au réseau de collecte (qui relie le réseau local à Internet) et à la montée en débit. Les 17 % restants serviront eux au raccordement final des locaux, calcule-t-elle. Les prochaines années, elles, seront portées par la croissance des réseaux d'initiative publique.

Dans notre analyse des déploiements à venir il y a quelques semaines, nous indiquions que les prévisions de fibre sur les prochaines années, plus de cinq fois supérieures à la montée en débit, cachaient une réalité très nuancée. Ainsi, les collectivités pousseraient pour la plupart la montée en débit quand elles le peuvent, quand la fibre serait encore loin d'être systématique dans un premier temps. Une seule collectivité envisage le 100 % fibre, quand ce sont les plus petites qui privilégieraient cette technologie, car ayant moins de surface à couvrir.

Ce rapport ne répond pas non plus à la question de 2022, qui était un horizon trop lointain pour être prévu avec précision, nous expliquait Antoine Darodes. Si l'objectif 2017 semble bien engagé, avec une montée en débit qui concerne moins d'un million de lignes (contre deux millions prévues officiellement au départ), les investissements vers 2022 restent encore flous. Si l'objectif de 100 % de THD semble en bonne voie, celui de 80 % de fibre pose lui, encore et toujours, question.

 

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