Joli méli-mélo : finalement, la CPD nous indique que les 17325 lettres simples n'ont pas été incluses dans le tableau des deuxièmes recommandations. Résultat des courses ? La Hadopi a bien signé ce mois de juin l'un de ses records absolus en matière d'avertissements.
L’an passé encore, les ayants droit avaient froncé les sourcils : une Hadopi trop molle, pas assez musclée, une réponse graduée trop dégradée… Message transmis et bien compris par la Commission de protection des droits, qui a décidé de hausser le ton. Sans négliger quelques petits artifices.
Dans un communiqué placardé sur sa page d’accueil, la Hadopi révèle bruyamment les derniers chiffres de la riposte graduée. La mesure tranche en effet avec les habitudes du passé qui se limitaient à l'actualisation d’une sous-page de Hadopi.fr. Lorsqu’on découvre son contenu, difficile de ne pas sentir les pectoraux qui se gonflent : « L’activité de la réponse graduée s’est intensifiée à toutes les phases de la procédure » tambourine-t-on.
50 % des saisines sont traitées, contre 30 % auparavant
Signe de cette montée en puissance, on apprend que la Hadopi traite désormais « 50 % des saisines qu’elle reçoit chaque jour (contre 30% auparavant) ». Ce chiffre est intéressant lorsqu’on le rapproche de celui éventé dans un récent rapport sénatorial.
Les ayants droit ont en effet adressé à la Hadopi 37 millions de saisines. Cela signifie donc que la Commission de protection des droits a jusqu’à présent laissé de côté autour de 25 millions d’entre elles. Désormais, sur les 70 000 saisines quotidiennes, 35 000 restent dans le caniveau, 35 000 font l’objet d’une pluie d’avertissements. On comprend en tout cas mieux l’agacement des titulaires de droits, eux qui se délestent chaque année de 1,2 million d'euros pour glaner les IP sur les réseaux P2P.
Dans ses derniers chiffres clefs, la commission présidée par Mireille Imbert-Quaretta voit déjà les effets de ce meilleur traitement : par exemple, les premiers mails d’avertissements ont grimpé de 30 % par rapport à la même période, l’an passé. Identiquement, les transmissions au Parquet se sont accentuées de 50 % au cours du premier semestre, atteignant désormais 169 dossiers.
17 325 lettres simples depuis avril 2015
Surtout, on apprend que 17 325 lettres simples ont été adressées depuis avril dernier aux abonnés. Cette nouvelle mesure, révélée dans nos colonnes, vise à faire suivre les premiers mails d’avertissement, non d’une lettre recommandée comme le prévoient les textes, mais d’une lettre simple qui s’intercale donc entre la phase 1 (le mail) et la phase 2 (la lettre recommandée).
Pourquoi ? La Hadopi fait le pari d’une mesure à la fois économique et stratégique. Économique, car un courrier simple coûte beaucoup moins cher qu’une formule sécurisée. Stratégique, car la Commission de protection des droits estime qu’un tel courrier peut malgré tout faire peur. Bref, Mireille Imbert-Quaretta veut faire plus (de pédagogie par la peur) avec moins (d'argent). Il y a cependant un premier souci : ces lettres simples n’ont aucune valeur juridique. Elles n’obéissent à aucune disposition du Code de la propriété intellectuelle. En pratique, l’abonné peut donc les ignorer sans aucune conséquence.
Des chiffres clefs dopés
Il y a mieux. Ces lettres simples sont venues grossir les rangs des deuxièmes recommandations, expliquant du même coup pourquoi les données grimpent en flèche. Un phénomène amplifié par une autre manipulation.
En avril ou mai, seuls étaient comptés les avertissements par courrier recommandé. Ils tournaient autour de 10 500 chaque mois. Désormais, le chiffre explose (21 400), tout simplement parce qu’il intègre aussi les lettres simples. Une certitude suivie d'un doute : les 17 325 courriers auraient ils été greffés intégralement sur juin ? C’est en tout cas mécaniquement l’une des plus fortes hausses dans toute l’histoire de la riposte graduée. Le coq Hadopi peut ainsi chanter haut, bec tendu et ergots dressés. Les pattes dans une boue de chiffres.

Un communiqué qui tombe au mieux
Ce communiqué dopé s’incruste en tout cas à merveille dans le calendrier. Le rapport Bouchoux (EELV) et Hervé (UDI) n’a-t-il pas souhaité déplumer la même Hadopi de toutes ses missions annexes pour ne conserver que son versant pénal ? Le rapport Rogemont sur la copie privée ne recommande-t-il pas confier les études d’usages de cette redevance à une autorité administrative indépendante, sans même penser explicitement à la Rue du Texel ? Et les ayants droit ne réclament-ils pas plus d’efforts pour accentuer la réponse pénale voire démultiplier les transferts au Parquet ?
Ces récents évènements donnent en tout cas la furieuse impression que l'on prépare comme il faut le terreau Hadopi, nettoyé de ce qui est considéré comme scories contre-productives. L'objectif ? Les débats autour du projet de loi sur la Création attendu à la rentrée. Le texte déposé par Fleur Pellerin ne comporte en effet aucun versant pénal. Sans doute un silence poli après la bataille de 2009. Cependant, il se trouvera bien un docile parlementaire pour porter par voie amendement l’ébauche d’Hadopi 3 préparé par Mireille Imbert-Quaretta. Celle-ci vise à lutter contre le streaming et direct download illicites avec, au menu, l'accentuation de la responsabilité des intermédiaires, du filtrage et d'autres joyeusetés.