La récente suggestion du député Jean-Jacques Candelier, visant à bloquer les sites pornographiques par défaut n’est pas une idée neuve. Voilà une dizaine d’années déjà, pareille mesure avait déjà été envisagée jusqu’aux portes de l’Assemblée nationale, non sans susciter une pluie de critiques.
La question parlementaire relevée dans nos colonnes s’est répandue comme une trainée de poudre sur les sites et journaux d’actualités. Pour mémoire, le député Jean-Jacques Candelier (GDR) a suggéré au gouvernement de bloquer par défaut l’accès à l’ensemble des sites pornographiques, voire d’imposer un code d’accès sur chacun d’entres eux. L’enjeu ? Éviter aux jeunes internautes de tomber sur ces contenus réservés aux adultes.
« Je ne suis pas conservateur, je ne condamne pas l'existence même de ces sites, mais ils doivent être réservés aux adultes. En France, la majorité est fixée à 18 ans, pas à 6 ans » vient-il d’expliquer sur le site de France Télévisions. « A ce jour, les fournisseurs d'accès à internet ont obligation de proposer à leurs clients des solutions pour restreindre l'accès à certaines adresses. On peut tout à fait décider de revenir sur cette option et de filtrer automatiquement les sites pornographiques ».
Et l’intéressé de minorer les cas de faux positifs : « il existe toujours un risque de blocage intempestif, qui affecterait des sites qui n'ont rien à voir avec la pornographie. Mais le dispositif peut être affiné au fur et à mesure, si nécessaire. Je pense en tout cas qu'avec le temps, vu l'évolution de notre société, il faudra en arriver à un blocage automatique des sites pornographiques ».
Le blocage par défaut du porno en 2005, déjà
Ce n’est pas la première fois que pareille mesure est proposée. En 2005, l’idée, révélée à l’époque par l’association IRIS (Imaginons un réseau Internet solidaire), intéressait le gouvernement UMP. On apprenait en effet que « le gouvernement aurait l'intention d'instaurer, par une mesure législative, le filtrage automatique et par défaut de l'accès à l'information en ligne, au prétexte de la protection des mineurs ».
Dans les coulisses gouvernementales, « une proposition d'amendement législatif aurait ainsi été adoptée au cours d'une réunion interministérielle le 31 août 2005 ». Le principe ? Modifier la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LEN), afin de contraindre les FAI à « mettre en oeuvre auprès de tous leurs abonnés, de manière automatique, des dispositifs techniques performants et activés par défaut qui permettent de restreindre l'accès aux services de communication au public en ligne mettant en péril les mineurs ».
La mesure avait par la suite surgit miraculeusement dans un amendement déposé par les députés Gilles, Tian, Diard, Luca, Garraud. Manque de chance, il ne fut pas défendu...
Au-delà de ce rappel historique, le plus notable reste cependant les arguments d'IRIS contre une telle mesure. Ils sont d’une étonnante actualité. L’association décriait « une offensive accrue de l'ordre moral », évoquant « une censure digne des pires pays sécuritaires », avant de détailler en effet de solides reproches :
- « Tout filtrage mis en place à cet effet ne peut et ne doit relever que de la responsabilité des parents ou des éducateurs en charge des mineurs. Or la disposition envisagée reviendrait à exercer un filtrage obligatoire, automatique et par défaut, mis en oeuvre au niveau des serveurs des fournisseurs d'accès à Internet, et non plus un filtrage volontaire mis en place sur la machine de l'utilisateur final qui le souhaite. »
- « Les contenus concernés par ce type de filtrage ne sont pas des contenus illégaux, mais des contenus dits « offensants » ou « préjudiciables ». Cette notion ne peut se concevoir dans l'absolu et de manière totalisante : elle est fonction de caractéristiques spécifiques à des personnes ou groupes de personnes, telles que l'âge, mais aussi la culture, la conviction, la croyance..., dans une société donnée à une période donnée. »
- « La question des critères de filtrage reste entière : qui les établirait, en fonction de quels intérêts d'ordre moral ou matériel ? Que signifierait la notion vague et large de « mise en péril des mineurs » ? Que deviendrait alors la nécessaire protection du droit à l'information et de la liberté d'expression et de création ? »