Ce matin, Marcel Rogemont a présenté son rapport sur la copie privée (notre analyse). À l’occasion des échanges, le député a fait connaître son vœu de voir assujettir à cette redevance, et les ordinateurs et le cloud. Mais les débats ont aussi abordé d’autres problématiques comme celle du remboursement des acheteurs professionnels.
Selon les estimations gouvernementales, au titre de la redevance copie privée, 58 millions sont ponctionnés chaque année dans les poches de millions d’entreprises, associations, églises, artisans, etc. Le droit européen voudrait cependant que le remboursement de ces acteurs soit effectif. Or, il y a un hic : ces restitutions n’ont atteint en France que 700 000 euros depuis la loi de 2012 sur la copie privée. « Un fiasco ? Non un scandale ! » s’est énervé Lionel Tardy (LR) ce matin, en commission des affaires culturelles.
Une spoliation selon la députée Isabelle Attard
Une situation qui a aussi agacée la députée Isabelle Attard (apparentée EELV). Celle-ci s’est ainsi souvenue qu’en mai 2014, le taux de remboursement de ces professionnels n’atteignait que péniblement 0,65 % (contre environ 1,3% aujourd’hui). « C’est plus que faible ! Je ne sais pas comment le décrire. Insignifiant, nanométrique ? Je veux bien admettre que ces sommes ne sont pas perdues puisqu’elles sont redistribuées (aux ayants droit, NDLR), convenons cependant qu’il s’agit d’une spoliation ! Des pros devraient se faire rembourser mais ne le sont pas ! »
Les ayants droit, bénéficiaires de ces millions d’euros, pourront toujours accuser la passivité des entreprises. C’est d’ailleurs ce qu’a fait Hervé Rony (DG de la SCAM), après nous avoir qualifiés personnellement de « lobbyiste » sur Twitter. Seulement, cette fine analyse n’est pas partagée par les parlementaires.
Pourquoi si peu de remboursement ? Tout simplement parce qu’ « on a accumulé une série de formalités complètement irrationnelles. Personne ne demande de remboursement ! » a expliqué Isabelle Attard. Le député PS Marcel Rogemont, auteur du rapport sur la copie privée, a pour sa part rappelé que dans bien des cas, le montant à rembourser est inférieur au coût administratif pour obtenir le remboursement. Du coup, les sommes prélevées sur les supports professionnels sont donc conservés par les ayants droit. La situation devrait cependant exciter un jour ou l’autre les cadrans de la CJUE, laquelle exige, de jurisprudence constante, un « remboursement effectif » des professionnels.
Une redevance étendue au cloud et à l’ordinateur ?
Surtout, à l’occasion de la présentation de son rapport, Marcel Rogemont a suggéré que la redevance copie privée soit étendue aux disques durs internes des ordinateurs. Il trouve la situation dépassée, alors que les ordinateurs avaient été initialement épargnés pour faciliter l’équipement des ménages.
La cible est en ligne de mire de la SACEM. Du côté des fabricants, c’est plutôt l’iniquité qui est dénoncée. Auditionnée par Marcel Rogemont, Archos est en effet exaspérée que les tablettes avec clavier détachable soient frappées de redevance, non les ordinateurs portables. La différence de traitement ne se justifierait donc plus.
Ce matin, sans surprise, ont été aussi épinglées les stratégies des FAI qui tendent désormais à supprimer le disque dur des box, à charge pour l’abonné d’en installer un sur le port externe. Par ce biais, le gain est évident : les disques des box sont frappés d’un barème beaucoup plus lourd que ne le sont les disques durs externes.
Autre univers pointé du doigt : le cloud. « Dans l’hypothèse où le nuage est un casier de stockage, l’exercice des droits exclusifs cesse » a rappelé Marcel Rogemont. Cependant, pour lui, « il n’est pas illégitime que le nuage entre dans le champ de la copie privée ». L’avis vient légitimer les vœux de la la SACD, exprimés de longue date par Pascal Rogard. Avec une telle extension, c’est des pans entiers d’Internet qui entreraient dans l’assiette de la redevance puisqu’il n’est pas évident de circonscrire juridiquement le cloud, alors que tout est stockage et transfert sur le réseau. L’idée a en tout cas inspiré Isabelle Attard : lorsque l’extension de la RCP au cloud sera à nos portes, alors il faudra aussi aborder la question de la licence globale. Une telle extension pose cependant d’autres soucis pratiques : si une RCP frappe les espaces de stockage, il ne sera pas simple de faire payer les entreprises et serveurs installées à l’étranger. Les alternatives ne seront du coup pas si nombreuses : soit la ponction se concentrera sur les acteurs français. Soit elle justifiera des barèmes à la hausse sur les autres supports tangibles.