Pluton, qui était longtemps considérée comme la neuvième planète de notre système solaire, reste assez méconnue des scientifiques. Les choses sont en train de changer avec la sonde New Horizons, qui s'en rapproche à 50 000 km/h.
New Horizons est une sonde spatiale lancée par la NASA en janvier 2006 afin de partir à la découverte de Pluton, celle qui était à l'époque la neuvième et dernière planète identifiée de notre système solaire. Elle tourne autour du Soleil et vient se placer après Mercure, Vénus, Terre, Mars, Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune, à une moyenne de 39,5 Unités astronomiques de notre étoile, soit environ 5,9 milliards de km. Elle se trouve dans ce que l'on appelle communément la troisième zone du système solaire, à environ 1,5 milliard de kilomètres de Neptune.
Pluton n'est plus une planète, mais une planète naine... et alors ?
Quelques mois après son lancement, la communauté scientifique a décidé qu'il en serait autrement à partir de mi-2006 : Pluton est reclassée dans les planètes naines, aux côtés de Cérès et d'Eris par exemple. Son diamètre de 2 400 km environ, soit près de deux fois moins que notre Lune, a pesé dans la balance. Mais ce n'est pas tout.
Lors de sa conférence, l'IAU (International Astronomical Union) a en effet adopté la définition suivante pour caractériser une planète : « un corps de forme sphérique en orbite quasi circulaire autour du Soleil et ayant "nettoyé" les environs de son orbite de tout corps susceptible de s’y trouver ». Le CNES (Centre national d'études spatiales) précise que « pour Pluton, c'est ce dernier critère qui a fait défaut ». De plus, elle « croise l’orbite de Neptune lors de sa révolution autour du Soleil qui dure 247 années terrestres. Tout cela faisait obstacle à l’appellation de planète » ajoute le CNES. Pour certains, comme le centre d'astrophysique de Harvard, le débat n'est par contre pas terminé.
Bref, Pluton n'est plus une planète, mais une planète naine depuis maintenant neuf ans. Cela change-t-il quelque chose pour la mission New Horizons ? Non, bien évidemment la mission continue exactement comme elle était initialement prévue. Le problème aurait pu être différent si le déclassement de Pluton avait eu lieu avant le lancement de la sonde. En effet, dépenser des millions pour rendre visite à une planète naine aurait probablement été moins vendeur que passer à proximité la dernière et neuvième planète de notre système solaire.
Quel est le but de la mission New Horizons ?
Dans tous les cas, New Horizons est en route et, comme l'explique le CNES, l'idée de cette mission a germé suite à la mission américaine Voyager 2 qui a pu observer des planètes comme Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune lors de son périple. « Les scientifiques constatent que Triton, le plus gros satellite neptunien, ressemble fort à Pluton. L’idée émerge alors que cette dernière peut avoir été elle-même un satellite de Neptune, changeant de trajectoire après une collision. Une autre hypothèse suggère que Triton, Pluton et son satellite Charon aient une origine commune et fassent partie des objets de la ceinture de Kuiper » explique le Centre national d'études spatiales.
Problème, « malgré toutes les observations terrestres et les résultats du télescope spatial Hubble, [NDLR : il vient de fêter ses 25 ans], Pluton demeure mystérieuse sur bien des points. Seule une observation rapprochée par une sonde spatiale pourra apporter plus d’informations ». Et c'est justement le but de la mission qui a pris son envol il y a maintenant neuf ans et demi.
Une sonde de 478 kg de la taille d'un piano à queue
La NASA explique que la structure primaire de sa sonde est proche de la taille d'un piano à queue : 0,7 x 2,1 x 1,7 mètre. On y retrouve une antenne de 2,1 mètres sur plateforme supérieure, ainsi que sept capteurs : LORRI (Long Range Reconnaissance Imager) pour prendre des photos, Alice, Ralph, REX (Radio Science Experiment), SWAP (Solar Wind at Pluto), PEPSSI (Pluto Energetic Particle Spectrometer Science Investigation) et enfin SDC (Venetia Burney Student Dust Counter). Ils ont chacun leur mission, mais l'ensemble devrait permettre de mieux connaitre Pluton ainsi que Charon en étudiant la topologie, la température, l'atmosphère, etc. Tous les détails se trouvent par ici.
Le poids au lancement de New Horizons est de 478 kg. Les instruments de mesure pèsent 30 kg de charge utile, tandis que l'hydrazine (stockée sous forme liquide) servant à corriger la vitesse et l'orientation de la sonde (via 16 propulseurs) compte pour 77 kg. L'alimentation électrique est fournie par un générateur à radioisotope qui délivre 202 watts. Coût de la mission : environ 720 millions de dollars sur la période 2001-2017, voire plus si le programme devait se prolonger au-delà de cette date.
Un départ sans encombre, mais une frayeur début juillet
Tout juste un an après son départ, New Horizons s'est servi de Jupiter comme d'une catapulte afin de gagner de la vitesse via l'assistance gravitationnelle. Après cette opération, sa vitesse par rapport au Soleil était de 83 600 km/h. Désormais, il est question de 14 km/s environ, soit tout de même près de 50 000 km/h (1,2 million de km par jour).
Le reste de la mission se déroule sans encombre majeur, au moins jusqu'au 4 juillet dernier où une panne coupe les communications entre la sonde et son centre de contrôle sur Terre, situé à l’université Johns Hopkins aux États-Unis. Deux heures plus tard, c'est le Deep Space Network de la NASA qui arrive à renouer le dialogue avec la sonde, qui était passée en « mode sans échec » sur son ordinateur de secours.
La NASA explique que ses techniciens ont pu rétablir un fonctionnement normal au bout de quelques jours, juste avant la rencontre entre Pluton et New Horizons. Les délais sont longs, car il faut prendre en compte le temps de transmission des informations entre la sonde à la Terre et vice-versa : 4h25min par voyage (à la vitesse de la lumière).
Dans l'espace, le THD on ne connait pas
Demain à 13 heures, 49 minutes et 57 secondes précisément, et après 5 milliards de kilomètres, New Horizons passera à 12 500 km de la planète naine, avant de continuer sa course sans s'arrêter. Elle en profitera aussi pour examiner de plus près Charon, la plus grosse des lunes de Pluton qui mesure 1 200 km de diamètre, soit la moitié de la planète naine, ce qui explique qu'on parle parfois d'un duo de planètes.
Au plus proche, la sonde ne sera par contre « qu'à » 28 585 km de Charon. Les autres satellites naturels de Pluton que sont Styx, Nix, Kerbéros et Hydre sont également prévus au programme, mais ils resteront bien plus éloignés de la sonde, ce qui ne facilitera pas leur étude. Bref, le principal centre d'intérêt de cette mission étant Pluton, c'est logique que cette dernière concentre le plus gros des efforts.
Il ne faudra par contre pas en attendre beaucoup plus dans l'immédiat, les délais de transmission des données étant relativement élevés... et c'est peu de le dire. La NASA indique en effet que le débit descendant moyen n'est que de 2 kb/s. À ce rythme-là, l'ensemble des données récolté par New Horizons lors de son passage mettra pas moins de 16 mois à être rapatrié sur Terre. Il sera alors temps de faire le point sur l'ensemble données récoltées.
Un premier cliché en attendant la suite
Mais la NASA n'a pas souhaité attendre aussi longtemps et, au cours des derniers jours, les premières photos de New Horizons ont été mises en ligne par l'agence spatiale. Ainsi, il y a tout juste une semaine, la NASA publiait une première image de Pluton transmise par New Horizons et son capteur LORRI. Probablement un bon moyen de rassurer au passage la communauté scientifique après les déboires techniques qui avaient eu lieu quelques jours auparavant.
À ce moment, la sonde était encore à 8 000 000 km de la planète naine, mais le cliché permet déjà de bien distinguer trois grandes régions à la luminosité variable : « Les plus importantes prennent la forme d'une tache sombre allongée au niveau de l'équateur, officieusement connu sous l'appellation « la baleine », ainsi que d'un grand espace lumineux en forme de cœur sur la droite, mesurant environ 2 000 km. Au-dessus, on trouve une région polaire avec une luminosité intermédiaire » explique la NASA.
Jeff Moore, chef d'équipe géologie, géophysique et imagerie auprès de l'agence américaine, promet que les prochaines images prises au plus près de Pluton auront une résolution 500 fois meilleure : « Ce sera incroyable ! » conclut-il. Hier, rebelote avec un nouveau cliché, à 1,6 million de kilomètres de Pluton. Cette fois-ci, on distingue ce qui pourrait être des falaises ainsi que des cratères provenant d'un impact. La liste complète des photos de New Horizons se trouve par ici en attendant que de nouvelles arrivent.
Image du 7 juillet, puis du 13 juillet. Crédits : NASA-JHUAPL-SWRI
Une application pour suivre New Horizons
Via son application Eyes interactives, la NASA propose de revivre le long voyage de New Horizons. On peut suivre son évolution en temps réel, mais aussi « voyager dans le temps » en avant ou en arrière et accélérer ou ralentir le temps. On peut ainsi voir l'assistance gravitationnelle de la sonde, ou bien son arrivée prochaine dans la ceinture de Kuiper. Ce sera d'ailleurs la prochaine étape de la mission New Horizons, mais il s'agit d'une autre histoire.